— Quel incapable... Il n'avait qu'une chose à faire. Une seule consigne. Agir rapidement et silencieusement. Nous avions prévenu que le Prince serait protégé... La situation est pire que jamais à présent.
Le lendemain du jour de l'incident lors du voyage inaugural de la ligne de tram, Park Jeo-gum se trouvait dans le bureau de Min-Simuol.
Le vieil homme ne répondit rien. Debout derrière la fenêtre il observait les mouvements de la garde dans la cour du Sénat. Dès l'aube le Prince avait ordonné que tous les soldats et officiers en poste servent à la protection du Palais, des bâtiments officiels et des membres de son gouvernement. Le sénateur Park ne releva pas le silence qui accueillit sa remarque, conscient que son homologue devait sans doute réfléchir intensément.
— C'est un fait, répondit Si-muol après un moment. Il était prévu que le tram soit stoppé au milieu du carrefour, un peu avant la fin de la ligne, là où la plus grande partie de la foule était rassemblée pour accueillir Sa Majesté. Il devait profiter du monde pour s'approcher au plus près du Prince et pénétrer dans la cabine quand nous étions à l'arrêt.
— A cause de lui, la protection de Sa Majesté est renforcée ainsi que celle de ses partisans. Il sera impossible à atteindre désormais. Heureusement il a fini par avouer qu'il avait agit seul... Au moins cette consigne-là il ne l'a pas oubliée.
— Le Prince ne le croit pas. Il continuera à le faire interroger jusqu'à ce qu'il avoue son appartenance à un mouvement extrémiste et qu'il donne les noms de ses complices... ou jusqu'à ce qu'il meure.
Jeo-gum frissonna à cette idée. S'il n'avait pas assisté lui-même aux interrogatoires, il se murmurait des détails de ce que subissait en ce moment le prisonnier dans un des cachots de la prison royale et il ne put s'empêcher de se sentir effrayé à l'idée que l'assassin qu'ils avaient commandité donne finalement le nom de son employeur... Bien sûr, Seol avait fait disparaître sa lettre et ainsi toute preuve qui pourrait l'incriminer, lui. Mais il ne pourrait pas s'assurer que son contact, s'il venait à être arrêté à son tour ne parle pas de lui pour tenter de sauver sa vie... Même sans preuve écrite, Sa Majesté pourrait le faire enfermer et interroger de la même manière...
— Que va-t-il se passer à présent ? demanda-t-il à l'intention de Si-muol.
— Nous devons attendre. Une nouvelle occasion de ne présentera pas de si tôt. Sa Majesté sera sous protection constante et renforcée à partir de maintenant. Il est probable que les nouvelles lois soient finalement entérinées avant que nous puissions nous débarrasser de lui ou de ce Kim...
— C'est une catastrophe.
— Ce le sera réellement si notre implication dans cette affaire est découverte. Nous devons faire profil bas. Mettre en veilleuse nos projets envers le Prince et Kim Namjoon pour l'instant.
— S'en est fini de nous, déclara Jeo-gum se prenant la tête dans les mains.
— Il y a cependant une unique solution, pour nous assurer que cet imbécile ne parle pas.
Ces paroles inattendues figèrent le coeur de Park Jeo-gum.
— Qu'avez-vous en tête ?
— J'ai des contacts au sein des prisons royales.
— Mais... vous... ?
— Mon cher... je n'ai pas l'intention de laisser le moindre détail au hasard et de risquer ainsi que perdre mon titre, mes possessions et ma vie. Nous avons échoué dans notre tentative de contrer le changement désiré par Sa Majesté. Nous devons nous avouer vaincus. Il n'y a plus rien à tenter à présent. Sa Majesté aura gain de cause et les nobles verront leurs privilèges être rabotés petit à petit au fur et à mesure des années jusqu'à devenir des citoyens lambda. J'imagine que ce sera le signe de cette nouvelle ère. L'égalité, les mêmes droits pour tous. Par chance, je me fais vieux et je n'assisterai probablement pas à la déchéance de nos traditions. J'ai déjà pris mes dispositions. L'assassin n'en a plus pour longtemps, si ce n'est déjà fait. Il ne risque plus de nous trahir.
Le père de Jimin était devenu livide. Min Si-muol était donc aussi impitoyable que ce qu'il avait pensé toutes ces années. Impitoyable et prévenant. Il fut soulagé d'apprendre qu'il ne risquait plus rien, étant donné qu'il avait été celui qui avait pris contact directement avec le réseau qui s'était occupé de fournir cet assassin de pacotille. Qu'est-ce que ce fou avait espéré en hurlant ainsi alors qu'il était encore à plusieurs mètres du Prince ? Les gardes royaux faisaient partie de l'élite, c'était une certitude qu'ils l'arrêteraient avant qu'il ait le temps de seulement toucher un cheveux de Sa Majesté en les alertant de la sorte. S'il était certain de ne rien risquer, Jeo-gum irait parler à son contact pour lui faire rendre la somme conséquente qu'il avait reçue pour honorer ce contrat...
Park Jeo-gum, pour la première fois de sa vie, s'était senti vulnérable. Potentiellement à la merci de la colère royale si le Prince venait à découvrir son implication dans cette affaire...
C'était la raison pour laquelle ils avaient pris la décision d'écarter Min Yoongi pendant un temps, juste après son arrivée au Sénat. Si-muol avait assuré que son petit-fils était trop jeune et idéaliste pour embrasser leurs convictions et ne pas les trahir pour cette tentative d'assassinat, qu'il aurait sans aucun doute soupçonné. Mieux vallait qu'il soit loin d'eux lorsqu'ils organiseraient cet attentat... Et ils avaient bien fait, car ils auraient dû s'assurer de son silence à lui aussi...
Soudain deux coups retentirent à la porte.
— Entrez ! invita Si-muol en se rasseyant derrière son bureau.
Son secrétaire particulier apparut alors dans l'entrebaîllement de la porte.
— Votre Excellence, je suis désolé de vous déranger, un message urgent vient d'arriver de la part de Sa Majesté, tous les sénateurs sont convoqués séance tenante.
— Bien, nous arrivons.
Le secrétaire salua et s'éclipsa alors que les deux hommes se dirigeaient déjà vers la porte, le front de chacun barré d'un pli qui trahissait leur souci. Visiblement cette journée serait riche en surprises...
✤✤✤
— C'est pourquoi nous avons décidé de lancer dès demain les sélections pour de nouveaux postes d'enquêteurs, policiers et gardes royaux.
Silence. Aucun des sénateurs présent n'osa contester cette décision princière qui avait été anticipée par tous. Le souverain observait l'assemblée, son regard allant d'un côté à l'autre de la salle. Il reprit ensuite :
— Etant donné la gravité des faits, des mesures à la hauteur de la menace qui pèse sur notre pays et l'ordre qui y règne doivent être prises. C'est pourquoi, je soumets moi-même un nouveau projet de loi à ajouter au précédent qui fut voté par la même honorable assemblée.
Le Prince se tut quelques instants pour savourer son effet.
— Dorénavant, les sénateurs, ministres, membres de la noblesse et autres diplomates pourront faire l'objet d'enquêtes de la part des services de police et se voir éventuellement emmenés, interrogés ou arrêtés si des soupçons ou des faits prouvent leur implication dans une tentative d'assassinat ou de coup d'état.
Nouveau silence.
— L'homme qui a été arrêté est décédé il y a une heure, sans nous révéler quoique ce soit de probant. Qu'à cela ne tienne, je traquerai sans merci le réseau de cet assassin. Je purgerai le Sénat de l'ivraie qui le pervertit. Notre pays deviendra un modèle pour le monde entier. Chaque personne ayant un lien quelconque avec une organisation criminelle sera durement châtiée, déchut de ses titres, de son statut ou de son emploi s'il en a un et ses biens confisqués.
Park Jeo-gum tourna lentement la tête vers Si-muol. Ce dernier, s'il avait capté ce mouvement, n'en laissa rien paraître, semblant se concentrer entièrement à l'écoute du discours du Prince.
Le père de Jimin perçut tout à coup à quel point ils avaient risqué gros. Il tenta de conserver une certaine contenance, mimant la surprise, l'effroi et la dévotion tour à tour quand le regard de Sa Majesté se posait sur lui.
Il savait que le Prince n'était pas stupide. Au contraire, il s'était révélé d'une intelligence rare. Or, le mariage entre Min Yoongi et son propre fils, bien qu'il ait été présenté à tous comme un mariage d'amour, n'avait trompé personne. Tout un chacun savait que les deux sénateurs s'étaient entendus pour être plus puissants au sein de l'hémicycle et ainsi pouvoir contrer les plans de Sa Majesté et de son valet, Kim Namjoon. Cela avait échoué. Toutes leurs tentatives avaient échoué. Les lois étaient ratifiées et seraient très prochainement mises en application, la tentative d'assasinat n'avait pas abouti et avait même pour conséquence qu'ils étaient à présent déchus de toute immunité. Il tenta de se convaincre que cela pour être pire... Seol aurait pu laisser cette lettre qu'il avait rédigée de son écriture à son contact, qui s'était ensuite chargé de recruter cet assassin... Min Si-muol aurait pu le trahir et le dénoncer comme la tête pensante de cet acte auprès du Prince... Rien que d'y penser, le père de Jimin se sentit mal. Il pâlit mais se contint cependant, conscient qu'il l'avait échappé belle.
Jeo-gum fut à peine attentif à ce qui se déroula par la suite, suivant simplement le mouvement quand la séance arriva à son terme. Quand ils sortirent de l'hémicycle, la nuit était déjà tombée et il se dépêcha de retourner jusqu'à son bureau, passant devant son secrétaire en lui adressant un regard l'invitant à le suivre.
— Ferme la porte, déclara-t-il ensuite quand il furent seuls.
Seol s'exécuta, un mauvais pressentiment au creux du ventre.
Son Excellence Park s'installa derrière son bureau, les bras écartés et les paumes à plat sur la table.
— Seol.
— Votre Excellence ?
— Peux-tu me jurer que tu as bien détruit la lettre que je t'avais confiée pour la personne qui devait nous rendre ce service ?
— Oui, Votre Excellence.
— Parfait... J'ai confiance en toi... Sa Majesté nous enlève notre immunité à tous, à présent la guerre est déclarée. Chaque sénateur va vouloir se démarquer des autres en essayant de débusquer les responsables de cet attentat. Le Prince nous soupçonne, tous. Il faut absolument que nous soyons irréprochables, est-ce clair ?
Le secrétaire acquiesça, comprenant que l'heure n'était pas à la discussion.
— Transparent, Votre Excellence.
— Bien... Je vais rentrer à la maison, j'ai besoin de me reposer et de prendre du temps pour réfléchir. Je te laisse rédiger les derniers documents concernant les contrôles frontaliers ainsi que ce projet d'aménagement des égouts dans la capitale, dès que tu as fini, tu peux prendre une voiture et rentrer.
— Ce sera fait Votre Excellence.
— Tu déposeras les copies de tes rapports sur mon bureau à la maison, je les parcourerai demain matin à la première heure.
Park Jeo-gum se leva et sortit de la pièce en le saluant à peine. Il traversa rapidement les couloirs du Sénat, croisant des gardes, employés et collègues sénateurs auxquels il souhaita une bonne soirée à demi-mot avant de sortir dans la cour pour monter en voiture et rentrer chez lui.
✤✤✤
Debout devant de grandes étagères en bois dans l'anti-chambre du bureau de son maître, Seol était en train de lire rapidement le contenu d'un épais volume contenant les cartes de la capitale et plus particulièrement le quartier dans lequel d'importants travaux de réfection et d'installation d'écoulement des eaux usées étaient prévus.
Cela faisait depuis deux heures qu'il s'occupait de rassembler sur sa table de travail les livres, rouleaux et lettres qui étaient éparpillés un peu partout dans le bureau et dont il avait besoin pour mener sa tâche à bien. Il déposa sa plume quelques instants pour étirer ses doigts et se frotter les yeux. La nuit était bien avancée à présent, il ne lui restait que quelques détails à peaufiner et il pourrait rentrer.
Quand il eut enfin terminé, Seol commanda une voiture pour rentrer à la résidence Park et rassembla ses affaires, rangeant ses rapports à l'abri dans un étui avant d'empiler les épais volumes dont il aurait besoin le lendemain matin et sortit en fermant la porte à double tour.
— Bonsoir.
Le secrétaire sursauta en entendant une voix aussi près de lui et laissa de ce fait échapper une partie des papiers qu'il transportait.
Son malaise s'accentua quand il constata que la personne à laquelle appartenait cette voix n'était autre que Min Si-muol.
— Bonsoir Votre Excellence, dit-il en tentant de s'incliner comme il le pouvait en maintenant son chargement dans ses bras.
— Vous travaillez encore à cette heure-ci mon garçon ?
Le secrétaire ne releva pas, s'il approchait des quarante-cinq ans, son vis-à-vis quant à lui était beaucoup plus âgé et de plus un des personnages les plus importants et craints de la capitale. Il avait donc tout à fait le droit de s'adresser à lui de cette manière familière.
— Oui, Maître Park... Son Excellence m'a demandé de lui rédiger quelques documents concernant les travaux d'égouttage et de commerce.
Le sénateur détailla avec intérêt les papiers en question.
— Très bien, votre maître est un sénateur appliqué et consciencieux. Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas retrouvés seuls en tête à tête, n'est-ce pas ?
Seol se raidit à cette question, une goutte de sueur perlant sur sa tempe.
— Oh... euh... vous savez, j'ai été très occupé, Votre Excellence.
— Je m'en doute, mon garçon... j'imagine effectivement que vous devez avoir de nombreuses tâches et que votre temps est très précieux. C'est certainement pour cela que vous avez pris la peine de réceptionner votre dû tout en omettant de me remettre ce que je vous avais demandé de conserver précieusement ?
L'homme retint sa respiration au ton cynique et plein de menace de son interlocuteur. Il déglutit et sentit les articulations de ses doigts le faire souffrir en serrant fortement les livres et documents qu'il tenait en main. Oui... il avait accepté cet argent... une somme qui à un homme aussi riche que Min Si-muol pouvait paraître bien dérisoire, mais à ses yeux cela représentait une véritable fortune. Tout ce que le vieux sénateur avait demandé en échange...
— Je... je l'ai... je vais vous la remettre... mais elle est chez moi, en sûreté dans mes appartements.
— Une réponse bien sage. Je ne saurais que trop insister sur l'urgence de la situation... J'espère que vous serez en mesure de me fournir ce que j'attends de vous demain soir au plus tard... Ce délai dépassé, je me verrais contraint de vous faire passer le message d'une manière... moins subtile.
Seol déglutit et sentit ses yeux se remplir de larmes brûlantes de peur.
— Demain soir, sans faute.
— Vous êtes un homme intelligent. Quand tout sera fini, une nouvelle vie s'offrira à vous. Vous serez libre de faire ce que vous avez toujours voulu, vous pourrez partir ou rester. Vous serez un homme nouveau. Quelle merveilleuse perspective, n'est-ce pas ?
Seol ne répondit rien, hochant la tête lentement en observant toujours son interlocuteur comme si ce dernier s'apprêtait à lui sauter à la gorge.
— Demain je serai toute la journée au Sénat, depuis l'aube jusqu'au crépuscule. J'attends que vous honoriez votre part du marché.
Seol acquiesca, tremblant de peur. Min Si-muol lui sourit d'un air carnassier avant de reculer d'un pas en attendant sa réponse.
— Demain... avant le coucher du soleil.
— Parfait. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne nuit de repos dans ce cas. Je me réjouis de vous voir demain.
Dès que le vieux sénateur eut disparu à l'angle du couloir, Seol se dirigea à toutes jambes vers le hall d'entrée, enleva ses chaussons et enfila rapidement ses souliers avant de descendre les marches extérieures pour s'engouffrer dans la voiture qui le ramenait chez lui sous le regard étonné du cocher.
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PAPAPAPAPAPAPAPAAAAAAAAAMMMMMMM!!!!!!
Qui l'avait vu venir celle-là ??
😱🤯😱🤯😱
Héhé, c'était un chapitre de transition très "politique et intrigues", on retrouve nos amoureux dans le chapitre prochain !
Des bisous !!
😘😘😘