Le lendemain matin, les deux garçons eurent beaucoup de mal à se réveiller. Cho était venue à la même heure que d'habitude pour leur lever et avait été surprise de constater que Yoongi serrait Jimin contre lui, le dos de ce dernier contre son ventre.
Son Maître, apparemment peu gêné par ce rapprochement dormait à poings fermés tout comme son époux.
La jeune femme avait hésité à quitter les lieux et à les réveiller plus tard. Il lui avait suffit d'un coup d'oeil au plancher couvert d'entailles et au tas de branches et de racines sur le côté du lit pour comprendre ce qui avait dû survenir pendant la nuit. Cela arrivait de temps en temps quand Jimin était plus jeune, cependant c'était la première fois que le plancher se réveillait de manière aussi rapide et avec une telle force.
Elle nota dans son esprit d'appeler les jardiniers pour sortir le fagot de branches et de faire appel à un menuisier pour remettre le plancher de la chambre en état.
Cho fit ensuite le tour de la pièce pour ouvrir les stores et son regard s'attarda sur les traits des deux époux couchés dans le lit.
Si au début elle avait considéré Min Yoongi d'un oeil méfiant voire hostile comme tout le monde dans cette maisonnée, constater au jour le jour la relation qui s'épanouissait entre les deux époux adoucissait ses sentiments.
Dès le premier jour, quand elle avait réalisé que les deux jeunes hommes s'étaient soutenus et avaient trouvé une solution pour duper leurs familles quant à ce ridicule rituel de l'Exposition des draps, elle avait dû revoir ses préjugés.
Après tout, Min Yoongi était devenu une sorte de légende dont on parlait à voix basse, tout comme Jimin. On racontait le pire et le meilleur à leurs sujets, au marché comme dans les quartiers des domestiques mais au bout du compte, Cho réalisa que Jimin et Yoongi avaient beaucoup de points communs. Les deux jeunes gens avaient toujours été couvés, cachés de la société et du regard des importuns. Chacun façonné, poli par sa propre famille pour devenir une belle pierre précieuse à échanger contre du pouvoir ou de l'argent. Leurs seuls contacts avec le monde extérieur jusqu'à présent s'étaient déroulés dans le cadre de leurs formations respectives et celle de Jimin n'avait pas duré très longtemps.
Dans le cas présent, ces deux jeunes gens s'étaient retrouvés unis par des liens qu'ils n'avaient jamais demandés. Cependant ces deux-là semblaient s'apprécier et une relation d'amitié était en train de s'épanouir sous ses yeux, ce qui relevait du miracle étant donné leur situation et la manière dont ils avaient été mis en présence l'un de l'autre.
Cho ne savait donc de Min Yoongi avant de le rencontrer que ce que les ragots en disaient, sans oublier le fait qu'il faisait partie de la famille anciennement ennemie de celle qu'elle servait expliquait sa défiance.
Elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de discuter avec son Maître, celui-ci n'était plus jamais seul dans ses appartements. Mais son visage semblait détendu à chaque fois qu'elle le voyait en compagnie de son époux et cela lui suffisait à apaiser ses craintes.
Park Soo, quant à elle faisait tout pour que Jimin passe le moins de temps possible avec Yoongi, convaincue par-là de lui rendre service. La présence de celui qu'elle considérait comme un ennemi sous son propre toit l'indisposait. Cela combiné au fait qu'elle ne pouvait décemment les empêcher de partager la même couche la nuit ainsi que leurs repas, la mère de Jimin se rongeait les sangs chaque jour, se convainquant que son fils donnait le change pour ne pas l'inquiéter ou irriter son géniteur.
Quand elle croisait son gendre par mégarde dans un couloir ou devait supporter sa présence lors de certains repas, Park Soo restait courtoise et arborait un sourire de façade. Cependant elle ne pouvait s'empêcher de maudire celui dont elle n'avait jamais voulu dans cette maison.
Cela ajouté au fait que Yoongi maîtrisait parfaitement son Mul-Ui, alors que Jimin peinait encore à contrôler son don rien que quand il marchait pieds nus sur le parquet de sa chambre. Elle ne pouvait tolérer une telle différence de talent. Cela la rendait malade de constater que son fils qui était le Sigmul le plus puissant qu'elle ait jamais connu en soit encore à ce stade. Elle souhaitait qu'il apprenne plus vite la maîtrise de son don et qu'il puisse ainsi montrer à ce Min Yoongi qu'il n'avait pas épousé un être faible, que les Park étaient et resteraient plus nobles que la famille dont lui provenait.
C'est ainsi que le lendemain de l'incident pendant lequel Yoongi avait dû porter Jimin dans leur lit et couper les branches et racines qui avaient poussé sur le sol, elle fit quérir son fils pour sa leçon quotidienne dans le début de l'après-midi.
Jimin se présenta dans les jardins, les traits tirés par l'inquiétude et les yeux brillants. Bien qu'il ait dormi profondément et s'était réveillé en douceur et pour la première fois dans les bras de son époux, une profonde angoisse avait pris place au creux de son ventre dès qu'il avait ouvert les yeux. Il se sentait épuisé, incapable de se concentrer ou de même fournir le moindre effort. Ces dernières semaines de leçons et d'exercices intensifs l'avaient vidé de son énergie et il sentait son don s'agiter en lui, sa capacité à le contrôler s'amenuisant de plus en plus.
Le matin, Seokjin avait déjà remarqué l'air fatigué de son élève et allégé le programme à dessein. Le professeur était au courant de l'intensité nouvelle de sa formation de Sigmul, ce dernier lui en ayant parlé plusieurs fois.
Cependant, jamais Jimin ne s'était ouvertement plaint auprès de lui. Il suffisait de voir son visage pour comprendre que cet entraînement était trop intense. Plusieurs heures par jour, Park Soo demandait à son fils de rester pieds nus dans les jardins, de faire fleurir un pommier, pousser des fleurs des champs, de contrôler l'écoulement de la sève, de repérer des maladies, de transformer une souche pourrissante en arbre plein de santé,... son inventivité pour trouver de nouveaux exercices allait au-delà de sa propre formation et elle ne voyait pas l'état d'épuisement qui gagnait son fils un peu plus chaque jour.
Cette après-midi là, après trois heures à faire pousser des fleurs, des fruits, des feuilles puis les faire tomber et recommencer ce cycle sur plusieurs arbres en même temps éloignés de plusieurs dizaines de mètres, Jimin se sentit mal.
— Mère... dit-il d'une voix faible alors que cette dernière lui donnait de nouvelles instructions.
— Qu'y-a-t'il ?
— Je... je ne me sens pas bien...
— Tu as mal quelque part ? demanda-t-elle, inquiète.
— Non, je... je me sens faible.
Sa mère le regarda quelques instants, perplexe. Puis cela la frappa. Jimin semblait pâle, fragile et épuisé.
— Nous avons peut-être été un peu trop ambitieux pour aujourd'hui... dit-elle, déjà prise de remords.
Elle s'en voulut de ne pas avoir pensé qu'un rythme de formation si intense aussitôt après un évènement si épuisant qu'un mariage et une nuit de noces serait sans doute de trop. Elle réalisa avec horreur qu'elle n'avait même pas pris le temps de demander à son fils comment se passait la cohabitation avec l'époux qui lui avait été imposé.
Elle passa un bras sous ses aisselles pour le soutenir alors qu'il semblait se laisser aller. Ce dernier toujours pieds nus, quelques brins d'herbes poussaient de manière désordonnées autour de lui, preuve de la fatigue physique et mentale dont il souffrait.
— Nous allons nous reposer un instant, viens dans mes appartements, je nous ferai porter du thé, dit-elle en lui faisant enfiler rapidement ses propres pantoufles de cuir dont elle s'était déchaussée.
Jimin se laissa faire et une fois installé dans un des fauteuils confortables de la chambre maternelle, il souffla son soulagement.
Cho avait été appelée et lui avait enfilé rapidement des chaussettes pour éviter tout nouvel incident. Après tout, le parquet de la chambre des jeunes mariés avait été retaillé correctement, poncé et vernis le matin-même, il aurait été fâcheux de devoir tout recommencer quelques heures plus tard dans une autre chambre.
— Nous prendrons un thé de jasmin et des mochis à la rose, Cho, commanda la mère de Jimin.
— C'est inutile, mère, je vais aller me reposer dans ma chambre, je ne voudrais pas vous importuner.
— Hors de question que tu sortes d'ici sans avoir avalé quelque chose, mon enfant. Il faut que tu reprennes des forces.
— Je peux manger dans ma chambre...
Park Soo repoussa l'énervement qui commençait à poindre en elle pour répondre calmement :
— J'ai envie de profiter un peu de ta présence, cela fait si longtemps que nous n'avons pas discuté à coeur ouvert toi et moi...
— D'accord, abdiqua Jimin.
Le temps que Cho aille préparer le thé et les pâtisseries, il s'était endormi en écoutant sa mère lui parler de sa propre formation de Sigmul. Celle-ci ne lui en tint pas rigueur. Cho entra et proposa de le ramener dans ses appartements.
N'ayant plus d'excuse pour le garder loin de son gendre, sa mère accepta. Jimin dormait si profondément qu'il ne cilla même pas quand Cho le souleva, le portant telle une jeune mariée avant de le ramener dans sa chambre.
Yoongi, qui rentrait de sa promenade en barque tomba sur eux juste devant la porte, surpris.
— Que s'est-il passé ?
Cho ne répondit pas de suite, attendant d'avoir installé Jimin sous les draps et que les doubles portes soient bien refermées.
— La Maîtresse a arrêté la leçon.
— Arrêté ? Pourquoi cela ?
— Maître Park était trop fatigué.
A cela, Yoongi sentit son coeur se serrer. Il s'assit sur le bord du lit pour observer le visage de son époux assoupi.
— Elle lui en demande trop, dit-il. Nous en avons un peu parlé. Il est épuisé par toutes ces leçons qu'elle lui impose quotidiennement. Il n'a pas l'habitude.
Il caressa la joue ronde du jeune Sigmul endormi du bout des doigts, le regard rêveur.
Ce geste n'échappa pas à la dame de compagnie. Les paroles prononcées non plus. S'il lui restait des doutes concernant les sentiments naissants entre son ancien maître et le nouveau, à présent ils étaient complètement dissipés.
Elle ne répondit rien, n'osant pas critiquer la maîtresse de maison devant le nouveau venu.
— Peux-tu nous apporter sa boisson chaude et son goûter préféré quand il se réveillera ? J'ignore combien de temps il va avoir besoin de dormir, pourrais-je te faire appeler ?
— Voulez-vous que je reste ici, Maître Min ?
— Non, c'est inutile, je vais veiller sur lui, je te ferai demander quand tu pourras préparer tout cela.
— Bien, Maître.
Cho s'inclina et allait prendre congé quand la voix de Yoongi s'éleva à nouveau. Il ne la regardait pas, ses yeux étaient toujours dirigés vers le jeune homme endormi sur le lit :
— Cho... merci d'être une amie si sincère pour lui.
Elle resta interdite quelques instants, mais au moment où elle prenait sa respiration pour répondre, il se tourna vers elle et la devança :
— Inutile de nier, je sais que vous êtes proches. Je l'ai vite remarqué. Ca ne me pose pas de problème. Quand je suis là, vous pouvez agir comme vous le faisiez entre vous avant mon arrivée. J'espère juste qu'un jour Jimin aura autant confiance en moi qu'il en a en toi.
Cho perçut toute la douceur et l'espoir dans ces paroles et lui adressa un sourire :
— Maître, je suis certaine que cela arrivera un jour. Je... je ne devrais sans doute pas oser dire cela mais... nous sommes soulagés que vous soyez... vous. Nous nous attendions à ce que ce mariage soit difficile, au vu du passé entre vos deux familles et de la manière dont vous vous êtes retrouvés liés... Mais je constate que vos caractères s'accordent assez bien, finalement.
— C'est un heureux hasard. Nous avons beaucoup de chance. Je redoutais également ces noces. Je ne dis pas que tout va bien, parce que cette situation est difficile à gérer autant pour lui que pour moi. Cependant, je dois admettre que je suis heureux que nous nous entendions si bien. Je n 'avais pas osé espérer cela. Nos familles...
Yoongi se tut, ne sachant pas jusqu'où il pouvait aller dans ses confidences. Après tout, il ne connaissait pas très bien Cho, il se pourrait qu'elle aille tout répéter aux autres domestiques et si ses opinions profondes au sujet de leurs familles venaient à se savoir, cela pouvait s'avérer dangereux. Il choisit donc de terminer sa phrase d'un vague signe de la main assorti d'un haussement d'épaule avant de reporter son attention sur son époux.
— Je vous laisse, déclara Cho en prenant finalement congé.
En refermant les portes derrière elle, elle ne put réprimer un sourire et un soupir de soulagement.
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Il fallait bien se douter que ca allait l'épuiser tout ca 😭
La bonne nouvelle c'est qu'on a la suite demain ! 🥳
En attendant je vous souhaite un très bon réveillon de Nouvel An et à l'année prochaine pour la suite 😝 (la seule fois où je peux écrire ça sans que ça soit dramatique) !
Des bisouuuus !!