Installé sur un coussin moelleux devant une table de bois richement décorée mais recouverte d'un napperon de soie, Jimin se tenait bien droit, attendant la venue de ses parents pour le dîner.
Cela arrivait de moins en moins souvent que les trois se retrouvent pour manger ensemble, mais le matin-même Jimin avait été informé qu'il tiendrait compagnie à ses géniteurs lors du repas du soir.
Cho l'avait donc vêtu en conséquence et il attendait à présent, les mains jointes posées sur ses cuisses, le regard dans le vague et l'oreille aux aguets.
Il entendit les pas précipités des serviteurs précéder ceux plus sûrs de leurs maîtres, les différents panneaux coulissants leurs étant ouverts sur leur passage comme par enchantement.
Soudain la porte face à lui s'ouvrit pour laisser passer d'abord sa mère dont le visage s'illumina d'un sourire quand elle l'aperçut. Ensuite vint son père, l'air confiant.
— Bonjour mon enfant, as-tu passé une agréable journée ? demanda Park Soo en se penchant vers son fils pour lui déposer un baiser sur le front.
Le père de Jimin fronça aussitôt les sourcils.
— Est-ce ainsi que tu salues tes parents ?
Son ton était froid, autoritaire et fit frémir Jimin qui bondit sur ses pieds avant de les saluer bien bas. Sa mère le regarda avec une moue peinée avant de se tourner avec rancoeur vers son mari. Elle n'avait jamais apprécié cette distance qu'il souhaitait imposer au nom du respect des aînés entre eux et leur enfant. Il ne s'était aucunement intéressé à son éducation sauf les quelques fois où il s'inquiétait des progrès de son Sigmul. Cependant il s'impliquait de plus en plus dans l'éducation de Jimin depuis le début de cette histoire de mariage et n'avait que des reproches à formuler. Aussi bien envers son épouse que son fils.
Quand Jimin se redressa après de longues secondes, elle lui caressa la joue d'un geste tendre avant d'aller s'asseoir devant sa propre table en face de lui, laissant le père de famille prendre la place d'honneur entre eux.
Aussitôt, plusieurs servantes entrèrent à pas feutrés et déposèrent les plats correspondants à chaque membre de la famille sur leurs tables. Jimin et sa mère en tant que Sigmuls ne pouvaient consommer autre chose que des aliments d'origine végétale. Son père quant à lui, raffolait des fruits de mer et du poisson.
Quand tous les plats furent disposés de manière harmonieuse, chacun récita un remerciement aux esprits pour la nourriture accordée avant d'entamer le repas.
Cependant Jimin n'avait pas faim. Depuis des jours son estomac refusait de garder ne serait-ce que le moindre grain de riz. Après chaque repas du soir il se précipitait dans sa chambre et s'agenouillait devant un seau pour rendre tout ce qu'il avait avalé. Cho l'aidait ensuite à se changer et se laver avant de l'installer au lit où il s'enfonçait sous les couvertures.
La dame de compagnie s'inquiétait de l'état de son maître sans savoir quoi faire pour l'aider à surmonter cette angoisse devenue omniprésente.
Jimin fit rouler une boulette de pâte de légumes d'un bout à l'autre de son plateau et but quelques gorgée de la soupe miso qu'on lui avait apporté. Il picora deux ou trois morceaux de tofu avant de reposer ses baguettes discrètement. Il approchait sa tasse de thé vert de ses lèvres quand son père prit la parole :
— Tu ne manges pas, mon fils ?
Jimin déglutit, mal à l'aise et jeta un coup d'oeil à sa mère qui l'encouragea du regard.
— Je... je n'ai pas très faim, Père.
— C'est très fâcheux. J'ai entendu dire que tu étais souffrant ces derniers temps... Apparemment tu ne manges pas beaucoup et ce que tu avales tu ne le gardes pas.
Jimin écarquilla les yeux. Comment son père pouvait-il savoir cela ? Cho n'aurait jamais raconté ce genre de choses, même aux autres domestiques. Il aurait dû savoir que personne, et surtout pas lui, ne pouvait conserver un secret bien longtemps dans cette maison. Les yeux et les oreilles traînaient partout. Il suffisait que quelqu'un ait aperçu Cho en train de vider le seau, ou que les blanchisseuses aient repéré les traces sur son col plusieurs jours d'affilée pour que la rumeur remonte jusqu'à son géniteur.
Park Soo afficha un air malheureux. Elle aussi était au courant, bien qu'elle n'ait pas souhaité en parler de manière si frontale avec lui.
Son fils était pâle. Trop pâle pour que ce soit sain. Il perdait ses jolies joues rondes et l'éclat qui brillait habituellement dans ses yeux s'était éteint.
— Je te prierais de bien vouloir faire un effort. Min Si-muol doit venir dans deux jours avec son médecin attitré pour la Grande Appréciation. Si tu n'as pas l'air en bonne santé et vigoureux, ce sont tous nos projets qui risquent de partir en fumée. Tu dois penser à tes responsabilités dans cette affaire.
Jimin mordit sa langue, les larmes lui brouillant la vue. La Grande Appréciation. Il n'y avait même pas songé.
— Je ferai de mon mieux, Père, murmura-t-il en baissant la tête
L'intéressé tourna les yeux vers son fils, irrité :
—Parle plus fort et tiens-toi droit. Est-ce comme cela que tu comptes représenter les Park ?
Jimin sursauta et se redressa, le visage mouillé et le nez humide avant de reprendre à contre coeur ses baguettes en main.
Pendant le reste du repas il se força a ingurgiter le riz, les légumes et le tofu sous le regard dur de son paternel qui avala quant à lui tous ses plats en un éclair.
Quand il eut terminé, deux servantes entrèrent pour débarrasser le plateau vide et il se leva pour quitter la pièce. Au moment où les doubles portes s'ouvrirent devant lui il s'arrêta cependant et se retourna vers sa famille avant de dire :
— Jimin. Sache que c'est aussi difficile pour moi que ça l'est pour toi. Si ce n'est plus. Je te demande seulement un petit effort. Nous en sommes-là en partie parce que ton retard ne nous en laisse pas le choix, garde bien cela à l'esprit.
Sur ces mots, il quitta la pièce, laissant Jimin et sa mère seuls à seuls. Park Soo se leva précipitament pour accourir auprès de son fils. Jimin avait la sensation que son estomac se retournait et il fut pris d'un violent haut-le-coeur avant de rendre son repas en entier sur la petite table.
— Par les cieux ! s'écria sa mère. Servante ! Amenez de quoi nettoyer ! Allez chercher Cho !
Des chuchotements, des bruits de course et des pas précipités derrière les parois de bois. Jimin entendit tout cela mais ne vit rien. Ses yeux s'étaient fermés et il reposait dans les bras de sa mère, quelques reliefs de son repas encore collés aux commissures des lèvres. Son hanbok était souillé ainsi que ses mains et le sol sous lui.
Cho accourut et le souleva sans mal, ce qui déchira le coeur de Park Soo qui constata à quel point son fils devait avoir maigri pour que la jeune femme le porte aussi facilement. Un instant plus tard, une armée de servantes s'affairait à nettoyer et débarrasser la pièce pendant que Cho emmenait son maître dans sa chambre, suivie de la maîtresse de maison.
✤✤✤
Le lendemain, chez les Min :
— On raconte que le fils Park est souffrant.
— Souffrant ? demanda Min Si-muol.
— Il rendrait tous ses repas et aurait perdu du poids, d'après ce que j'ai entendu dire.
— Est-ce contagieux ?
— Je ne pense pas, Maître. Selon moi c'est sa constitution de Park combinée à la fragilité des Sigmuls qui favorisent un état de stress intense.
— Le fils Park serait donc angoissé à l'idée de ce mariage ? Voilà qui est fâcheux... si cela venait à se savoir, ce serait un bien mauvaise presse pour cette union.
Un silence fit suite à cette déclaration, le secrétaire laissant le vieil homme réfléchir à son aise. De longues minutes plus tard ce dernier agita la main comme s'il voulait chasser une mouche et reprit :
— Mon petit-fils est-il prêt pour la Grande Appréciation ?
— Il est en bonne forme, mais nous ne lui avons pas encore annoncé la nouvelle de la tenue du rituel aujourd'hui, comme vous nous l'avez demandé, Maître.
— Parfait. A quelle heure doivent arriver les Park ?
— En début d'après-midi.
— Bien. Fais-le appeler.
Le secrétaire salua et s'éclipsa sans bruit. Si-muol resta seul dans son bureau, le regard perdu vers les étangs qu'il apercevait par la fenêtre. Il se leva et s'avança vers le rebord, les mains dans le dos alors que ses doigts tortillaient la lanière qui retenait les manches larges de son hanbok.
Cette union avec les Park le répugnait au plus haut point. Laisser son petit-fils, la chair de sa chair partir s'installer sous le toit de celui qu'il considérait toujours comme son ennemi lui coûtait énormément. Cependant il n'avait pas vraiment eu le choix... Le Prince... ce stupide souverain sans prestance ne leur laissait pas d'autre alternative... Finalement, le fait que Park Jimin soit une créature dotée d'un si faible contrôle de son don était une bénédiction. Les Park et les Min étaient les lignées les plus influentes du Sénat, un autre candidat aurait pesé moins lourd dans la balance du pouvoir. Et son petit-fils serait extrêmement puissant... Qui sait, peut-être qu'un jour il pourrait renverser le pouvoir et prendre en main les rênes du royaume. La dynastie des Min pourrait alors régner pour des siècles sur ce pays... En attendant, le principal était d'assurer la protection de leurs prérogatives tout en permettant à Yoongi de devenir un sénateur influent. Park Jimin pourrait ensuite disparaître, peu lui importait. Avec lui s'éteindraient complètement les Park et Yoongi pourrait se remarier quelques temps après, former une autre alliance... peut-être avec une des cousines du Prince pour légitimer encore plus son accession au trône ? Le vieil homme ne savait plus où donner de la tête tant les possibilités de scénario lui semblaient nombreuses.
Si-muol pensa à son propre fils, le père de Yoongi qui aurait sans doute été contre cette union et aurait tout fait pour l'empêcher. Un soupir lui échappa à la pensée de son enfant et sa bru partis trop tôt, lui laissant la responsabilité de l'éducation du tout jeune enfant qu'était son petit-fils à l'époque.
Au loin, il perçut des bruits de pas et la porte du bureau s'ouvrit quelques secondes plus tard. Il se retourna pour faire face au jeune homme. Ce dernier le salua avec respect et attendit la suite.
— Yoongi. Je suis heureux de te voir.
L'intéressé ne répondit rien. Il avait l'habitude de ce genre d'entrée en matière de la part de son grand-père qui s'adressait à lui comme il le faisait avec ses collègues et ennemis du Sénat.
— Je voudrais que tu revêtes un habit spécial pour ce début d'après-midi. Nous recevons une délégation des Park...
Yoongi écoutait attentivement, se sachant le premier concerné par cette visite. Il eut cependant du mal à conserver un visage impassible quand il entendit la suite :
— Leur médecin va procéder à la Grande Appréciation.
Le jeune homme ouvrit la bouche de stupeur avant de la refermer presque aussitôt. La Grande Appréciation... Il savait que les familles riches et nobles de ce royaume tenaient aux traditions ancestrales mais jamais il n'aurait pensé devoir encore subir à son époque cet examen médical minutieux et dégradant. Le Prince ne souhaitait-il pas moderniser le pays et les coutumes de son peuple ?! Pourquoi une telle pratique persistait-elle encore ?!
Malgré la révolte qui menacait dans son coeur, il ne contredit pas son grand-père et s'inclina à nouveau en murmurant :
— Il en sera fait ainsi, Votre Excellence.
— Très bien. Quand tu seras prêt, reviens me voir pour que je t'examine avant leur arrivée. Je souhaite m'assurer que tout soit parfait. Surtout si le fils Park est aussi souffrant qu'on le raconte. Rien de tel que de voir l'humiliation dans les yeux de cet incapable quand il verra la différence entre un Min au sang pur et sa progéniture si faible et fragile.
Un frisson parcourut l'échine de Yoongi mais il n'en laissa rien paraître. Il s'inclina une dernière fois avant de quitter la pièce, le coeur au bord des lèvres.
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Lalalalalala...
Et sinon vous ça va ? 🤪
Vous sentez que j'avais du mal à finir mon assiette quand j'étais gamine ? 😂
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Merci mille fois de tout l'amour que vous donnez aux personnages et à l'histoire.
Ces derniers jours je me suis posée beaucoup de questions concernant la qualité de mon écriture et si ce que je fais est assez bien. J'espère ne pas vous décevoir. Je continue de travailler dur pour vous publier de beaux chapitres.
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Concernant les rituels qui seront expliqués dans cette histoire, je me suis inspirée de ce que j'ai lu concernant les traditions des familles influentes et/ou royales de différentes époques.
Je ne me souviens pas de toutes les sources mais je me rappelle que certains détails me viennent de la Cour du roi de France (genre Louis XIV toussa toussa).
Bref...
A vendredi ?
Prenez soin de vous !