J'eus un hoquet et relis cette phrase encore et encore. « Né de deux sources de pouvoirs, l'enfant naissant ne pourrait prétendre aux deux. L'équilibre de la Déesse rompu, il se repent en les donnant à sa Créatrice. » Les mots presque estompés de la page par le temps et l'usure étaient pourtant encore clair comme de l'eau de roche pour quiconque les lisait.
- Mais comment est ce possible, soufflai je. Ce livre se trompe.
- Non, je ne pense pas qu'il se trompe, fit Valeryan en se reculant et fronçant les sourcils. Je pense simplement qu'un élément nous échappe.
- Un élément, répétai je incrédule. Ce livre est il vraiment fiable ?
- Il l'est, affirma Valeryan avec ferveur. Aucun doute possible.
- Et vous venez de découvrir ça seulement maintenant ?
- Oui, il faut croire.
Je me frottai les yeux. J'aurai cru qu'ils auraient été mieux renseigné sur ma situation. S'ils disaient m'attendre depuis un millénaire, pourquoi chercher ce livre seulement ce soir ? Je posai cette questions à voix haute.
- La bibliothèque peut être capricieuse, me répondit le roi avec un fin sourire. Elle ne me l'as livré seulement ce soir.
- Capricieuse ? La bibliothèque est donc vivante... merveilleux, marmonnai je en me massant les tempes.
- Vous vous y ferez, lança Valeryan avec un petit geste de la main.
- Si vous le dites, murmurai je fatiguée. Qu'est ce que cela implique donc pour la suite ?
- Rien du tout, Arcanya. Nous sommes les cinq du conseil enfin réunis. La barrière des anciens nous protège encore mais nous pouvons partir de cette ville avec leur bénédiction.
- Vous allez reprendre la guerre ?
- Nous allons reprendre la guerre, chère sœur. Et Menevras ne s'attend pas une seule seconde à ce qui va lui tomber dessus.
J'eus un frisson qui me remonta l'échine. J'ignorais comment ils avaient fait pour tenir autant de temps. Rien qu'à l'idée que nous approchions du but, me hérissais d'impatience. Et je n'étais rentrée dans leur cause que depuis une poignée de jours. Eux, cela faisait mille ans.
- Les images que j'ai vu sur ce mur, vous les avez vu aussi ?
- Oui, elles sont reproduits dans le sanctuaire de cette ville.
Je m'ébrouai. La seule idée qu'il y est un de ces sanctuaires ici même, me donnait des frissons.
- Vous savez donc à quoi elles correspondent ?
- La plupart oui, murmura Valeryan le regard lointain. La plupart...
Je le regardai. Il fit brusquement très âgé à la lueur des torches. Ses yeux trahissaient son âme vieille d'un millénaire. Les cheveux flamboyants, il resta statique alors qu'il semblait réfléchir à un sujet qui m'échappait. Je me fis la réflexion qu'il était un homme assez étrange. Mais, il était vraiment très aimable et avait répondu à presque toutes mes questions. Je me risquai alors sur une autre. Une dernière.
- Avez vous déjà entendu parler du... du sceau de l'éternité ?
- Le sceau de l'éternité, répéta Valeryan pensif. Oui je crois avoir déjà lut quelque chose sur ça.
- Et, voulus je savoir.
- Je ne m'en rappelle plus, lâcha t'il les yeux brillants d'une lueur étrange. Vous deviez demander à la bibliothèque. Elle, elle vous donnera ce livre. Pour qu'elle me le passe, ça je peux toujours m'accrocher...
Il eut comme un petit sourire contrit et rancunier. Je fronçais les sourcils. Il semblait être en conflit avec... une bibliothèque.
- Pourquoi cette questions, s'enquit il.
Je restai silencieuse. S'il ne voulait pas me dire de quoi il retournait je préférais en faire la découverte seule et ne pas à avoir à lui avouer que j'étais potentiellement la détentrice d'une marque étrange. Une marque qui avait terrifié le mercenaire au village de la région des lacs, et complètement fait vriller Maven alors que le roi et la reine semblait fous de joie.
- Nous en parlerons demain, décida alors le roi. Vous devez vous reposer.
Je pris alors conscience que je n'avais pas dormit depuis ma nuit dans la paille de l'auberge. Je le frottais les yeux, perdue. La vieille femme, le mercenaire, la pluie de sang, le monstre et Maven... Tout cela dans la même journée. Je fus soudainement prise par une immense lassitude et je sentis mes yeux me brûler. Je me détournais en hochant la tête. Je ne voulais pas qu'il me voit m'effondrer en larmes. Je remontai les escaliers, traverser le salon et courut presque dans la chambre où j'allais dormir. Je claquai la porte et m'affaissai dessus. L'hybride n'a aucun pouvoir... Aucun. Pouvoir. Cela voulait dire que jamais je n'aurai dut avoir cet éveil dont n'arrêtait pas de parler le roi Erashva. Je n'aurai pas dut me retrouver dans ce sanctuaire comme l'appelait Valeryan et encore moins avoir cette plaie béante dans mon âme cachant le monstre de mon pouvoir. Comment était ce seulement possible ? Le livre se trompait. C'était la seule solution. Autrement, je n'aurai pus faire tout ce que j'avais déjà fais. Je m'avançai, vacillante sur mes jambes. Elles ne me portaient plus. Une douleur dans tout mes membres me paralysait presque. Ma tête me tournait. Je devais être dans un tel état de fatigue que mon corps abandonnait la partie avant mon cerveau. Il n'attendait pas que je m'endorme. Je m'écroulai sur le lit et je basculai aussitôt dans l'inconscience.
Je sentais quelqu'un à côté de moi. Une chaleur me parvenait à travers mes vêtements, contre ma peau. Je me roulai un peu plus en boule. Je sentis des bras forts me soulever l'espace d'un instant et le temps d'après de lourdes couverture se posaient sur moi. Leur chaleur me fit frissonner d'aise. Je me rendais compte à présent combien j'étais transie de froid. Je m'y agrippais alors et me laissai replonger dans les doux méandre de ma voluptueuse inconscience. Mais j'émergeai alors dans une immense salle en pierre qui baignait dans une lumière verdâtre. Le froid m'attaqua immédiatement et je serrai mes bras contre moi. Aussitôt, je les décollais. Ils étaient recouverts de sang. De sang rouge et poisseux qui s'égouttait sur le sol. Au bord de la nausée, je ne remarquai aucune trace de blessures sur mon corps. En revanche, je vis combien le sang s'incrustait sous mes ongles. Comment il semblait s'être déposé sur mes bras comme par un giclement. J'aurai put continuer à les observer tétanisée longtemps, si une voix d'outre tombe n'avait pas jaillit de partout. Les mots étaient incompréhensibles. Je hurlais de frayeur et regardai autour de moi. Ce que je vis me pétrifia d'horreur. J'étais dans une salle du sanctuaire j'en étais persuadée. Et c'était ces deux battants de pierre incrustés d'émeraude qui me faisait face. Mais je le savais. Je savais que je n'étais pas du côté où le roi m'avait traîné. J'étais de l'autre côté. Je pivotais lentement, saisie de terreur. Menevras voulait obtenir ce qu'il se cachait derrière. J'en étais persuadée. Je vis alors une grande structure de pierre qui s'élevait devant moi. Sur plusieurs niveaux, les blocs de pierre imitait le schéma d'un escaliers mais aux marches de géants. Et tout en haut se trouvait un énorme bloc d'émeraude. Il brillait légèrement et il semblait émaner de son centre des pulsations de mal à l'état pur. La voix parla à nouveau dans cette langue inconnue et je plongeai un peu plus dans cette peur qui me dévorait l'estomac. Elle venait de partout et de nul part à la fois. Tonnante et pourtant comme chuchotée. Elle semblait... s'approcher. Brusquement, ce fut le visage du mercenaire que j'avais torturé qui surgit devant moi. Sa peau calcinée, ses traits encore tordus dans cette douleur et cette haine... Il leva un doigt sur moi comme pour me designer.
Je hurlai encore alors que je me réveillai en sursaut. Je battis des bras et des jambes en tentant de me souvenir où j'étais. Une voix à côté de moi me parlait sans même que je l'entende. Mes mains se serraient de manière compulsive sur les fourrures sous mes doigts. Haletante et hoquetante, je compris que j'étais dans le lit de Nyx. J'étais à Vaenira. Je n'étais plus dans ce sanctuaire, ni même dans le Palais Noir. Et que Nyx était à côté de moi tentant de me calmer. Je tentai de respirer normalement en regardant autour de moi. Il faisait toujours nuit et aucune lumière ne filtrait au travers des rideaux.
- Arcanya, appela alors Nyx qui était toujours agenouillé à mes côté.
Sa main se leva avant de se raviser devant mon mouvement de recul.
- Ça va, soufflai je en étouffant un sanglot. Ça va.
- C'était un cauchemar, me dit il en affirmant plus qu'il ne posa la question.
- Oui, soufflai je en me laissant tomber en arrière contre la tête de lit.
Je rabattis mes genoux contre ma poitrine. Je sentais mon cœur affolé, battre furieusement. Cette voix... Ce n'était pas la première fois que je l'entendais. J'en avais déjà rêvé lors de ma première nuit dans la Forêt Sombre. Je secouai ma tête comme pour chasser les derniers vestiges du son de cette voix.
- Ça va mieux, finis je par dire en saisissant les couvertures devant moi.
Je notai alors que j'étais sous ces couettes et non plus dessus. Le souvenir d'avant mon rêve me revint alors en mémoire. Je n'avais pas imaginé ces bras me prenant pour me glisser sous les couvertures. C'était bel et bien Nyx. Je me raclai la gorge et tentait d'ignorer sa présence à moins d'un mètre de moi.
- En êtes vous sur ?
- Oui, répondis je aussitôt. Absolument. Non, m'écriai je alors que sa main se levait vers moi. Tout va bien.
Il se figea et abaissa aussitôt sa main. Il avait les cheveux dans un bazar indescriptible et les yeux encore pleins de sommeil. Mais il avait un air profondément préoccupé sur le visage. Je me recouchai, combattant mes larmes. Je sentais mes doigts trembler et je me fis violence pour ne pas me remettre sous les yeux l'image du doigt du mercenaire se tendant vers. Je me tournai aussitôt. Je tournai le dos au prince déchu et aussitôt mes larmes se mirent à couler. Je les laissai librement, rouler de mon œil à mes joues, trempant l'oreiller. Je n'entendis pas Nyx se recoucher. Je restai immobile, me coupant de lui, du reste et du monde. Et je restai ainsi jusqu'au lever du soleil.