À l'unisson

By -livresse

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Nouvelle année scolaire, nouvelle occasion pour Germain de se réjouir de la vie qui lui est offerte. Passion... More

LEVER DE RIDEAU
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SALUT FINAL

MOUVEMENT N°31

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𝐆𝐄𝐑𝐌𝐀𝐈𝐍

Depuis plusieurs minutes, Clément et Théo rigolent devant moi. Je fais en sorte de les recopier mais c'est bien trop dur. J'aimerais avoir assez de force pour que mon bonheur soit réel. Ça serait l'un de mes plus grands rêves, même. Comment pourrais-je être heureux après tout ce qui vient de se passer ?

Alors, je les écoute, souris quelques fois, juste assez pour ne pas éveiller les soupçons. J'ai pris la décision de tout leur dire ce matin. Demain est mon jour et je ne veux pas les laisser sans explication. C'est dur, je dois bien l'avouer. Je n'ai en aucun cas l'envie de les abandonner. Ils sont vite devenus tout pour moi et je ne sais pas comment ma placer pour leur parler. Il n'y a qu'avec Iris que je me sens complètement libre d'aborder ce genre de sujet, mais tous méritent d'être au courant.

C'est à moi d'avoir ce rôle, mais à elle de faire la commission.

J'ai déjà mal agi avec Leslye. Je me dois bien de bien le faire avec eux.

⎯  Tu savais que les accidents liés aux distributeurs de boissons sont deux fois plus nombreux que ceux liés aux attaques de requins aux Etats-Unis ?

Il me faut du temps pour identifier la voix de la personne qui parle. Et quand je remarque que c'est Mao, je manque de mourir de rire. Son regard est rivé sur son téléphone et je suis prêt à parier que c'est un de ces comptes infos sur TikTok qui vient de lui annoncer cette bêtise.

⎯  Ah ouais ? fais-je, faussement intéressé.

⎯  J'te promets. Ça fait trois minutes que je cherche un fait réel et improbable pour que l'un de vous me parle.

Quand je ne serais plus là, c'est cette touche de Mao qui me manquera le plus. Il peut être doux et brute en moins de trente secondes, sans même nous laisser le temps de cligner des yeux. Il a cette particularité qui m'a tout de suite interloqué et plu.

⎯  Oh, donc tu voudrais que je te donne mon avis ? intervient Théo.

⎯  Ça serait sympa, même si je pense que rien ne peut être dit de plus bête après ceci.

⎯  Tu as tout résumé, ajoute Iris avec un sourire.

Elle s'empare de son téléphone et je la vois faire défiler la page web sur laquelle il devait être. Son visage passe par toutes les émotions. Je ne préfère pas savoir ce qu'elle lit.

⎯  Ohhh, je meurs. Ils sont tellement bizarres les gens qui ont écrits ça !

Clément vient se positionner par-dessus son épaule pour y jeter un coup d'œil, mais elle le repousse, préférant être celle qui nous instruit.

⎯  Savez-vous qu'il y a 1,6 millions de fourmis pour chaque être humain ?

Je reste, interdit, devant elle, ne sachant pas comment réagir ni quoi dire. Dois-je rire ou pleurer ?

⎯  Enlevez-moi ce truc, je risque de le péter trop vite. Ça me gonfle ces faits dits improbables, franchement. Les gens ils ont une vie si nulle qu'il faut qu'il cherche toujours plus loin !

⎯  Ouais, allez faire du skate, les gars !

Comme si son intervention avait servi à quelque chose, Mao sourit. Tous, nous nous tournons vers lui, avec dans notre regard la même signification.

⎯  Ok, je la ferme. Mais changez de sujet. Notre pauvre Iris est toute rouge.

⎯  Quelle gentillesse de prendre soin de moi, mais je pense que je suis bien plus indépendante que vous tous réunis.

⎯  Boom ! crie Théo, fière de son amie, avant qu'ils se tapent dans la main l'un de l'autre.

Mao le prend plutôt bien. Il a appris à ne pas se fier au beau sourire d'Iris quand elle commence à parler. Le plus souvent, quand elle fait ça, elle ne va pas nous dire de jolis mots.

Chez elle, c'est ceci qui va me plus me manquer. Elle a l'air toute gentille, mais quand tu l'énerves, elle sort assez vite les crocs. Mais dès qu'elle se sent bien avec toi et que tu ne te montres pas frustrant avec elle, tout se passe bien. Tu peux lui raconter tout ce qui se passe dans ta tête, sans même avoir peur du jugement.

La seule personne qu'elle juge est Mao.

Je crois que la manière dont elle le traite, toujours différemment de nous, peut, d'un autre point de vue, parait irrespectueuse, mais quand on a l'habitude de les côtoyer au quotient, on se rend vite compte que ce n'est que de l'amour. Ils se connaissent depuis la maternelle et le besoin de protection qu'ils ont l'un envers l'autre est bien plus précieux que celui qu'on peut avoir nous.

Si l'un d'eux doit partir, l'autre ne survivra pas.

Leur amitié différente va aussi me manquer. Il faudrait peut-être que j'en fasse une liste, où je classerai, non dans l'ordre de la chose qui va le plus me manquer à celle dont je me fous pratiquement, mais seulement pour qu'avant de partir, je puisse relire tout ça et me dire que j'ai eu de la chance de l'avoir. Même si je n'ai pas su en profiter pleinement, comme je l'aurais dû.

Je sors mon téléphone, alors que mon groupe d'amis commence une nouvelle conversation.

𝐋𝐈𝐒𝐓𝐄 𝐃𝐄𝐒 𝐂𝐇𝐎𝐒𝐄𝐒 𝐀𝐔𝐗𝐐𝐔𝐄𝐋𝐋𝐄𝐒 𝐉𝐄 𝐓𝐈𝐄𝐍𝐒 𝐋𝐄 𝐏𝐋𝐔𝐒 :
𝐚𝐤𝐚 𝐥𝐞𝐬 𝐭𝐫𝐮𝐜𝐬 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐯𝐚𝐢𝐬 𝐫𝐞𝐠𝐫𝐞𝐭𝐭𝐞𝐫.

𝟏. 𝐋'𝐨𝐝𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐨𝐤𝐢𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐦𝐚 𝐦𝐞̀𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐢 𝐬𝐨𝐫𝐭𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐮 𝐟𝐨𝐮𝐫.
𝟐. 𝐋𝐚 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐲𝐞𝐮𝐱 𝐝𝐞 𝐦𝐞𝐬 𝐩𝐚𝐫𝐞𝐧𝐭𝐬 𝐪𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐢𝐥𝐬 𝐬'𝐚𝐢𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐧𝐨𝐮𝐬 𝐚𝐢𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐩𝐚𝐫𝐥𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐧𝐨𝐮𝐬, 𝐝𝐞 𝐧𝐨𝐬 𝐫𝐞́𝐮𝐬𝐬𝐢𝐭𝐞𝐬, 𝐝𝐞 𝐥𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐫𝐞́𝐮𝐬𝐬𝐢𝐭𝐞𝐬, 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐛𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐯𝐢𝐞 𝐪𝐮'𝐢𝐥𝐬 𝐨𝐧𝐭.
𝟑. 𝐕𝐨𝐢𝐫 𝐓𝐡𝐚𝐢̈𝐬 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞𝐫 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐡𝐚𝐢𝐧𝐞 𝐚̀ 𝐥'𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫 𝐞𝐧 𝐦𝐞 𝐫𝐞𝐠𝐚𝐫𝐝𝐚𝐧𝐭.
𝟒. 𝐌𝐚 𝐟𝐚𝐦𝐢𝐥𝐥𝐞. 𝐋𝐚 𝐦𝐞𝐢𝐥𝐥𝐞𝐮𝐫𝐞 𝐟𝐚𝐦𝐢𝐥𝐥𝐞 𝐝𝐮 𝐦𝐨𝐧𝐝𝐞.
𝟓. 𝐋𝐞𝐬𝐥𝐲𝐞.
𝟔. 𝐃𝐚𝐧𝐬𝐞𝐫. 𝐋𝐞 𝐡𝐢𝐩-𝐡𝐨𝐩.
𝟕. 𝐌𝐨𝐧 𝐚𝐦𝐢𝐭𝐢𝐞́ 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐈𝐫𝐢𝐬, 𝐌𝐚𝐨, 𝐓𝐡𝐞́𝐨 𝐞𝐭 𝐂𝐥𝐞́𝐦𝐞𝐧𝐭.
𝟖. 𝐅𝐚𝐢𝐫𝐞 𝐝𝐮 𝐬𝐤𝐚𝐭𝐞, 𝐝𝐚𝐧𝐬𝐞𝐫, 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞𝐫 𝐝𝐮 𝐭𝐞𝐦𝐩𝐬 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐞𝐮𝐱.
𝟗. 𝐋𝐞 𝐬𝐞𝐧𝐭𝐢𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐟𝐨𝐫𝐭 𝐪𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐣𝐞 𝐬𝐮𝐢𝐬 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐋𝐞𝐬𝐥𝐲𝐞.
𝟏𝟎. 𝐄́𝐜𝐨𝐮𝐭𝐞𝐫 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐦𝐮𝐬𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐥𝐨𝐫𝐬𝐪𝐮'𝐢𝐥 𝐩𝐥𝐞𝐮𝐭 𝐝𝐞𝐡𝐨𝐫𝐬.
𝟏𝟏. 𝐋'𝐡𝐮𝐦𝐨𝐮𝐫, 𝐥𝐞𝐬 𝐛𝐥𝐚𝐠𝐮𝐞𝐬 (𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐓𝐡𝐚𝐢̈𝐬 𝐧𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐧𝐚𝐢𝐭 𝐩𝐚𝐬)
𝟏𝟐. 𝐄𝐦𝐛𝐫𝐚𝐬𝐬𝐞𝐫, 𝐬𝐞𝐧𝐭𝐢𝐫 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐦𝐨𝐢 𝐋𝐞𝐬𝐥𝐲𝐞. 𝐒𝐨𝐧 𝐜œ𝐮𝐫, 𝐬𝐨𝐧 𝐭𝐨𝐮𝐜𝐡𝐞𝐫, 𝐬𝐨𝐧 𝐨𝐝𝐞𝐮𝐫, 𝐬𝐞𝐬 𝐜𝐡𝐞𝐯𝐞𝐮𝐱, 𝐬𝐞𝐬 𝐲𝐞𝐮𝐱, 𝐬𝐨𝐧 𝐚𝐮𝐭𝐡𝐞𝐧𝐭𝐢𝐜𝐢𝐭𝐞́, 𝐬𝐨𝐧 𝐚̂𝐦𝐞, 𝐬𝐨𝐧 𝐞𝐬𝐩𝐫𝐢𝐭, 𝐭𝐨𝐮𝐭 𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐢 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐭𝐢𝐭𝐮𝐞. 𝐓𝐨𝐮𝐭 𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐢 𝐟𝐚𝐢𝐭 𝐋𝐞𝐬𝐥𝐲𝐞 𝐜𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐪𝐮'𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐞𝐬𝐭. 𝐂𝐞 𝐪𝐮𝐢 𝐬𝐞 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐢 𝐪𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐣𝐞 𝐥𝐚 𝐯𝐨𝐢𝐬, 𝐪𝐮𝐞 𝐬𝐞𝐬 𝐥𝐞̀𝐯𝐫𝐞𝐬 𝐬𝐨𝐧𝐭 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐥𝐞𝐬 𝐦𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞𝐬 𝐞𝐭 𝐪𝐮𝐞 𝐣𝐞 𝐬𝐚𝐢𝐬 𝐪𝐮'𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐦'𝐚𝐢𝐦𝐞. 𝐋'𝐚𝐢𝐦𝐞𝐫. 𝐋'𝐚𝐢𝐦𝐞𝐫 𝐞𝐬𝐭 𝐥𝐚 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐛𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐜𝐡𝐨𝐬𝐞.
𝟏𝟑. 𝐋'𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫.
𝟏𝟒. 𝐋𝐚 𝐜𝐮𝐫𝐢𝐨𝐬𝐢𝐭𝐞́.
𝟏𝟓. 𝐋𝐚 𝐛𝐞𝐚𝐮𝐭𝐞́ 𝐧𝐚𝐭𝐮𝐫𝐞𝐥𝐥𝐞.
𝟏𝟔. 𝐄̂𝐭𝐫𝐞 𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫𝐞𝐮𝐱 𝐞𝐭 𝐬𝐚𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐪𝐮𝐞 𝐪𝐮𝐞𝐥𝐪𝐮'𝐮𝐧 𝐞𝐬𝐭 𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫𝐞𝐮𝐱 𝐝𝐞 𝐦𝐨𝐢.
𝟏𝟕. 𝐌𝐞𝐬 𝐕𝐚𝐧𝐬. 𝐋𝐞 𝐭𝐫𝐮𝐜 𝐥𝐞 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐢𝐦𝐩𝐨𝐫𝐭𝐚𝐧𝐭, 𝐚𝐩𝐫𝐞̀𝐬 𝐭𝐨𝐮𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐭𝐫𝐮𝐜𝐬 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐭.

Quand je n'ai plus d'idées, je ferme tout. Mon cerveau, mon esprit, dit stop à mes pensées et me concentre sur les battements de mon cœur. Tout va vite, trop vite. J'avais comme restriction d'en prendre soin, de ne pas trop m'appuyer sur lui, mais l'amour a frappé et il a été la chose la plus importante dans ma vie. C'est grâce à lui que j'ai vécu ce que j'ai vécu. Mais surtout à cause de lui que j'en suis là où j'en suis aujourd'hui.

J'ai tout abandonné pour un organe qui devait tout faire pour moi. Son rôle était de me maintenir en vie, de faire de moi un être vivant, non au bout de la mort. Morale et physique.

Il a autant échoué que moi. Nous sommes les deux responsables de ce qui nous arrive.

Sans y réfléchir deux fois, je les interromps :

⎯  Les gars, j'ai quelque chose à vous dire.

Ils s'arrêtent tous à l'unisson. Comme nos deux mondes. À Leslye et à moi.

Il me faut du temps pour les regarder droit dans les yeux, alors que c'est la seule chose qu'ils me demandent. Chacun leur tour, je le fais, comme pour les prévenir que leurs cœurs vont souffrir.

⎯  Si tu me dis que ta vie est en danger, je pas en courant, m'avertis Théo.

Alors, quand le regard que je lui donne confirme ce qu'il pense, il se raidit.

⎯  Non. Non, ce n'est pas possible, se plaint-il avant de se jeter à mes pieds, sous le regard des autres. Dis-moi que c'est une blague, je t'en supplie.

⎯  Je suis désolé. Je suis vraiment désolé.

Je cherche les yeux de tous les autres mais Iris a son visage entre ses mains, et Mao me regarde seulement, autre part. Clément, quant à lui est déjà parti. Je savais que cette annonce allait le faire du mal, mais jamais je ne m'étais imaginé ce genre de réaction de leur part. Alors, je me maudis immédiatement d'être malade et d'avoir besoin de faire ces adieux. Aucun de nous ne s'y attendait et n'avait besoin de ça aujourd'hui.

⎯  Pourquoi ?

Dans mon dos, Clément est celui qui vient de crier cette phrase, sous le choc. La colère doit être sa seule façon de réagir à la peine. Il peut me frapper, je ne lui en voudrais même pas. Celle de Leslye a été bien plus destructrice.

⎯  Qu'est-ce que tu as ? Veut savoir Iris.

Je lève la tête vers elle.

⎯  Une cardiopathie congénitale.

⎯  Ça signifie quoi ?

C'est la question la plus difficile que Mao pouvait me poser.

⎯  C'est une malformation cardiaque présente à la naissance. Certaines sont mineures et d'autres plus graves, comme la mienne. Je prends un traitement mais ça ne change rien, je vous assure. Je ne voulais pas en arriver là, vous le savez, hein ?

⎯  Depuis quand tu le sais ? Depuis quand tu nous mens comme ça ?

⎯  La mienne a été détectée lors de ma chute, quand j'ai fait quelques examens.

Silence. Je crois que c'était la seule réaction que j'attendais d'eux. Je voulais que personne ne parle, non que j'aie à leur donner plus d'explications.

⎯  C'est quand ?

⎯  C'est quand que je me fais opérer ?

Il hoche la tête. C'est la première fois que je vois Mao sous cette facette-là. En fait, je n'avais pas besoin d'avoir cette image. Elle va me suivre jusqu'à la fin et je n'aime pas du tout ça.

⎯  Dans deux jours.

⎯  Mais tu ne vas pas mourir, essaie de se rassurer Théo.

Ce n'est même pas une question, non. Elle dit simplement que je ne vais pas mourir. Comme si en être sûre allait changer les choses. Peut-être a-t-elle raison, en fin de compte. C'est aussi de cette manière que Clara a réagi et ça semblait lui aller.

⎯  Je ne sais pas.

⎯  Alors pourquoi tu fais ça ?

⎯  Pour que dans le cas contraire, vous puissiez me laisser partir normalement.

Théo me prend ma main droite, Iris ma main gauche, Clément mes deux épaules et Mao reste devant moi, ses yeux baignés de larmes. Je n'ose même pas passer ma paume sur les miens, de peur de voir ce qu'ils contiennent. S'il pleure, je dois faire bien plus.

⎯  Pourquoi tu es obligé de croire que tu vas partir ?

Je me retourne brusquement vers Clément.

⎯  Sais-tu les chances de survie lors d'une opération du cœur ? As-tu lu toutes les études que j'ai lues durant des heures, en essayant de me dire que j'allais avoir un futur, que ce n'était pas une putain de malformation cardiaque qui allait m'enlever à ce monde ? Non, tu n'en sais rien ! Ça fait six mois que je me dis que ça va aller, que vous allez rester dans ma vie, mais non. Je me mens depuis trop longtemps.

Il me chuchote des dizaines de pardon en se cachant de ses mains. Je veux le prendre dans mes bras, je veux tous les prendre dans mes bras, et qu'on se soutienne mutuellement.

⎯  Je suis désolé d'avoir à vous faire vivre ça. J'aurais préféré ne pas avoir à être face à vous, à être si faible devant vous, mais je vous devais bien ça, après tout le bonheur que vous m'avez procuré.

C'est ce moment qu'ils choisissent pour, à l'unisson, me foncer dessus. Je ressens ce réconfort que je cherche depuis tout ce temps avec eux. Ils me le procurent à mesure que je vis avec eux, et aujourd'hui qu'elle manque d'avoir une fin, ils sont encore là.

⎯  Merci d'avoir, chacun votre tour ou ensemble, été là pour moi et mon cœur. Sans la savoir, vous avez contribué à ma survie. C'est grâce à vous qu'il va un peu mieux et que ses battements sont un peu moins douteux...

⎯  Arrête tout de suite ! me coupe Théo. Arrête de dire que c'est grâce à nous, Germain. On est tous plus coupables les uns que les autres, tout autant que toi. On n'a rien vu, ni même suspecté que tu allais mal.

⎯  Je faisais en sorte d'aller bien, c'est normal.

⎯  Si tu te sentais vraiment bien avec nous, tu n'aurais pas eu besoin de jouer la comédie.

Ces mots, dits par Mao me font extrêmement mal. Je ne pensais pas qu'il verrait les choses de cette manière et purée que je m'en veux car c'est totalement logique.

⎯  Je ne voulais pas vous faire du mal et que votre attention soit constamment rivée vers moi.

⎯  On t'aime, continue Iris. On t'aime tellement qu'on aurait été prêts à tout pour te sauver.

⎯  Je ne demande pas à être sauvé, juste à être aimé. Et le rôle dans ma vie que je vous ai donné, vous l'avez pris à la perfection. C'est tout ce dont j'avais besoin. Vous avoir avec moi, le plus souvent possible.

Je crois qu'ils commencent à accepter ma vision des choses. Je le vois dans la manière dont ils se détendent immédiatement, comme si ce que je viens de leur dire avait le pouvoir de rendre cette atmosphère autour de nous un peu plus fleurie.

Mais même si j'ai réussi à les convaincre, jamais je ne pourrais le faire moi-même par rapport à la décision que j'ai prise avec Leslye. J'essaie le plus possible de me dire que j'ai pris la bonne décision, mais c'est faux. Je l'ai heurtée comme je me suis heurté. Les larmes de rage qui ont coulé sur son visage ont brisé mon pauvre cœur. Pourtant, malgré tous les mensonges qu'elle m'a craché à la figure, il continue de battre pour elle. Il ne cesse de vouloir être à elle.

D'un autre côté, je sais que je vais peut-être ne pas survivre et que la peine qu'elle a pu ressentir est moins forte que celle qu'elle aurait pu ressentir si nous étions encore ensemble. C'est la plus belle connerie que je n'ai jamais essayé de faire entrer dans mon crane, je le sais parfaitement. En fin de compte, et encore une fois, les mots de Thaïs avaient raison.


Mais c'est pour son bien. C'est la seule chose que je dois me dire. Je nous ai sacrifié pour elle.

****

En entrant chez moi, je ne prends même pas la peine d'enlever mes chaussures. Mes parents sont dans le salon, devant le journal de 13H. C'est leur petit rituel qui fait d'eux les vieux qu'ils ne veulent pas admettre. Quand ils voient leur fils en panique, ma mère prend l'initiative de tout éteindre et de m'ordonner de me poser à côté d'eux.

Je conclue un pacte avec eux.

Je n'ai pas peur de la mort, me répétais-je. Non, elle ne me fait pas peur. Elle n'a rien de terrifiant, en vérité. Ce n'est qu'une autre vie. Une autre partie, dans l'au-delà, que nous rejoignons quand notre monde actuel ne veut plus de nous.

Mes dernières pensées seront pour elle. Les derniers battements de mon cœur sont pour elle.

Le lendemain matin, à l'aurore, je vais me faire opérer. Sans savoir comment ni pourquoi, je ne me réveille pas. Je n'ai pas le temps de me dire que c'est la fin qu'elle vient à moi. 


ne me haïssez pas, je vous en supplie.

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