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By BialyWritesFictions

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Maël doit changer de ville, de lycée et de vie complètement lorsque sa camé de mère les force à déménager. Il... More

Chapitre un
Chapitre deux
Chapitre trois
Chapitre quatre
Chapitre cinq
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Chapitre dix
Chapitre onze
Chapitre douze
Chapitre treize
Chapitre quatorze
Chapitre quinze
Chapitre seize
Chapitre dix-sept
Chapitre dix-huit

Chapitre dix-neuf

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By BialyWritesFictions

Le valet tendit les clés de voiture à Killian, qui, en échange, lui donna un généreux pourboire. L'employé, abasourdi, le couvrit de remerciements, s'éclipsant avec ce qui devait équivaloir à son salaire hebdomadaire. Killian l'ignora et caressa ma joue, doucement, mais son attention glaciale cibla quelque chose derrière moi. Un sourire factice se dessina sur ses lèvres, empli de menaces. Je déglutis.


Je pivotai légèrement afin d'apercevoir la source de sa colère soudaine, mais il me poussa d'autorité et se plaça de sorte à ce que je me retrouve pratiquement dissimulé derrière lui. Un couple s'approchait de nous. Une femme d'une trentaine d'années était accrochée au bras d'un homme beaucoup plus âgé. En considérant leur tenue vestimentaire, ils sortaient visiblement d'un endroit tout aussi chic que le restaurant dans lequel nous venions de manger.


— Mr. Brady! S'exclama l'homme avec un large sourire. Voilà bien longtemps qu'on ne s'est croisé!


La femme, lui adressa un petit signe de tête poli, ses longs cheveux blonds tombant en cascade sur sa robe noire.


— Mr. Brady, le salua-t-elle à son tour d'une voix chaude.


Il ne prit la peine de saluer ni l'un, ni l'autre.


— Ne devrais-tu pas être à Puebla, Christopher?


L'expression joyeuse de l'homme se crispa légèrement devant le ton péremptoire de Killian. Il échangea un regard avec sa compagne et se ressaisit rapidement.


— En effet, mais j'avais quelques petits problèmes à venir régler ici. Si tout se passe bien, j'y retourne dès la semaine prochaine.


— Des problèmes?


Christopher émit un rire rauque de nervosité.


— Rien de grave, quelques petites broutilles familiales.


— J'espère que tes petites broutilles ne viendront pas foutre la merde dans mes affaires comme la dernière fois, Christopher. 


Je frémis. La colère et le danger vibraient dans la voix de Killian. L'homme fronça les sourcils mais chercha à détendre l'atmosphère, gratifiant Killian d'un regard complice.


— Vous n'avez pas à vous en faire, vous avez ma parole. Voyons, qui voudrait se mettre à dos Mr. Brady, mmh? Certainement pas moi, en tout cas! Rigola-t-il, le visage plutôt pâle.


La femme partagea son rire, espérant elle aussi apaiser les tensions, mais quelque chose dans son regard me fit frissonner. Tout à coup, elle se pencha sur le côté afin de mieux me voir, un sourire qui se voulait aimable aux lèvres.


— Et qui est-ce que nous avons là? 


— Oui, si vous nous présentiez cette adorable petite chose, Mr. Brady!


Je m'empourprai et jetai un coup d'œil inquiet à Killian. Sa mâchoire se serra.


— Vous auriez tout intérêt tous les deux à vous concentrer sur la grande chose beaucoup moins adorable en face de vous, car elle risquerait de ruiner irrémédiablement votre soirée, et ce serait regrettable, n'est-ce pas, Christopher?


La grande blonde eut un mouvement de recul et tous deux blêmirent considérablement. Christopher se racla la gorge, anxieux, mais aussi vexé.


— Ce... ce n'est pas la peine de réagir de cette façon, dit-il avec un sourire crispé, nous voulions seulement faire connaissance. N'est-ce pas, petit?


Il s'était adressé directement à moi, et j'hésitai une petite seconde, la bouche ouverte. Toutefois, bien que l'envie de me présenter et de détendre l'atmosphère me tenaille, je savais que Killian n'apprécierait pas le moins du monde. D'autant plus qu'il semblait déjà à deux doigts de les refroidir tous les deux.


Je n'eus même pas le temps de refermer la bouche qu'il déverrouillait la berline garée sur le bas-côté.


— Chaton, va m'attendre dans la voiture, m'ordonna-t-il d'une voix calme et lourde de menaces.


Mon pouls s'accéléra et mon regard passa du couple à lui avec inquiétude.


— Tu...


Ses yeux gris et sévères se posèrent sur moi.


— Ne m'oblige pas à me répéter.


Je ravalai ma salive et jetai un dernier coup d'œil aux deux inconnus avant d'obéir. Leurs postures étaient maintenant tendues et leurs visages aussi blancs que la neige. Ils semblaient déjà regretter leur petit rendez-vous improvisé avec Killian.


— D-d'accord...


Je marchai maladroitement jusqu'à la voiture, le cœur battant, et m'y installai. Dès que la porte se referma, les bruits environnant de la rue s'estompèrent. Je voyais les gens discuter, je savais que de la musique s'échappait des halls des restaurants, mais je me retrouvais maintenant dans un silence pesant.


Dans le rétroviseur, je pouvais voir le trio poursuivre leur échange tendu. Je ne voyais plus très bien le visage de Killian, mais ceux de l'homme et de la femme m'étaient parfaitement visibles. Christopher avait les mains levées devant lui et secouait la tête, semblant s'expliquer avec ardeur. Killian fit un pas menaçant vers lui, et je pus sans mal imaginer son expression létale. L'homme se tut et j'étais prêt à parier que ce que je voyais était un film de sueur se former sur son front. Il était agacé et vexé, mais surtout très effrayé. 


Je ne pouvais évidemment pas entendre ce que Killian lui disait, mais ça ne sembla pas plaire à la femme qui s'avança brusquement vers lui, avec l'intention suicidaire de le frapper. Je hoquetai et plaquai une main sur ma bouche.


Oui, bon. Je l'avais moi-même déjà attaqué d'un baguel, c'est vrai, mais je doutais fortement qu'elle ait droit au même châtiment que moi. Le sien serait, je pense, définitif.


Heureusement, son compagnon l'arrêta, la retenant par le bras et la tirant sèchement vers l'arrière. Il venait de l'empêcher de faire une belle connerie et je gardai l'air emprisonné dans mes poumons.


Killian s'avança alors vers elle, la dominant de toute sa hauteur. Christopher se plaça entre les deux, le dos courbé et une main en l'air dans l'espoir de la protéger, mais aussi d'apaiser son vis-à-vis. Celui-ci serra les poings et l'homme tira sur le poignet de sa compagne, la forçant à baisser la tête. 


J'observais la scène avec un mélange de crainte et de stupeur mêlés. Ça faisait déjà un bon moment que j'avais compris qui était Killian, dans cette ville, mais d'en être témoin, c'était toujours... terrifiant.


Il sembla proférer une dernière menace qui fonctionna à merveille, car Christopher finit par hocher la tête et s'incliner légèrement. Malgré ses sourcils froncés par l'irritation, la femme garda son regard scotché au sol. Puis, elle se laissa traîner par son compagnon, qui ne perdit pas une seconde pour déguerpir.


Killian les regarda s'éloigner avant de s'approcher de la voiture. Il prit place derrière le volant et fit rugir le moteur.


— Putain, gronda-t-il.


Je me triturai les doigts, désirant le toucher mais craignant son humeur maintenant assombrie. Il extirpa son portable de sa veste et appuya sur une touche, le portant à son oreille. Il se pinça l'arête du nez de son autre main, excédé. 


— Derek, envoie deux hommes surveiller la résidence des Garcia, et assurez-vous qu'ils aient quitté la ville avant d'avoir eu le temps d'y foutre le bordel.


Je n'entendis pas la réponse de Derek.


— Je sais, c'est bien le putain problème. Fais ce que tu as à faire.


Il raccrocha, jetant sans ménagement son portable dans les portes-gobelets de la console centrale. Je tressaillis. Cette rencontre l'avait mis plus qu'en rogne. Mon ventre se tordit et je tendis finalement une main tremblante vers lui.


Je la posai doucement sur son avant-bras, les yeux implorants. Il darda son regard réfrigérant sur moi et je frémis, mais il s'adoucit quelque peu.


— Ne sois pas fâché, je t'en prie...


Il scruta chaque centimètre de mon visage et grogna.


— Ce n'est pas contre toi que je suis en colère, chaton.


Il attrapa ma main posée sur lui et la porta lentement à sa bouche. Ses yeux gris, voilés d'une fureur froide, ne me lâchèrent pas une seconde alors qu'il embrassait chacune de mes phalanges. Un frisson de plaisir me parcouru l'échine.


— Qui c'était? Soufflai-je.


— Qu'un connard de plus dans cette ville.


Il ferma les yeux un instant et j'attendis sans bouger. Après quelques minutes, il les rouvrit, semblant plus, disons, tempéré.


— Toujours partant pour cette balade?


Je souris.


— Oui. 


— Tant mieux.


Sans lâcher ma main, il s'engagea sur la route, et je me détendis enfin. Je n'avais aucune idée de qui pouvaient être ces personnes, et bien que ma curiosité soit piquée, j'allais croiser les doigts pour que Killian oublie leur existence pour le reste de la soirée.


Il nous conduisit encore plus loin, vers les rives de la Mississippi River. D'immenses buildings illuminés s'élevaient autour de nous. Les touristes et les locaux se mélangeaient sur la rue bordée de resto lounges, créant une vie nocturne animée.


Killian se dirigea vers un édifice qui surplombait majestueusement tous les autres. Le Four Seasons Hotel. Il s'arrêta juste devant celui-ci, remettant encore une fois ses clés à un voiturier. La bouche grande ouverte, j'admirai les alentours. J'avais beau me tordre le cou, je n'arrivais pas à voir la pointe de l'hôtel tant elle était gigantesque. Vitrée et éclairée de la tête au pied, elle était splendide. Une large et haute fontaine circulaire trônait pile devant, les jets d'eau se croisant en arcs parfaits, achevant de rendre le paysage magnifique.  


— Allez, viens chaton, m'incita Killian en me prenant la main.


Je le suivis jusqu'au hall, ou un valet l'accueilli en s'inclinant.


— Mr. Brady, c'est un plaisir de vous voir ce soir.


Il poursuivit son chemin, me tirant toujours à sa suite alors que je m'émerveillais devant le décor intérieur. Un plancher et des murs de marbres blancs, striés d'or par endroit, des sculptures de pierre çà et là, ainsi qu'une touche de bois de chêne et de verdure pour couronner le tout.


Il nous fit pénétrer dans l'un des ascenseurs et actionna le bouton RT, juste au-dessus du 34e étage. Bien que la cabine soit plutôt grande, je me sentais à l'étroit, avec la stature imposante de Killian. Je lorgnai sur son dos musclé et ses larges épaules et déglutis. Il se tourna lentement vers moi, son regard glissant de mon visage à mes hanches étroites. Il s'avança et je reculai jusqu'à me retrouver coincé contre le mur de la cabine. 


Mon ventre se réchauffa et mon pouls s'accéléra. Il plaqua une main juste à côté de ma tête et se pencha, ses yeux plongeant dans les miens. Son odeur familière, masculine et musquée, m'emplit les narines. Son autre main vint taquiner la naissance de mes lèvres. Puis, il remplaça ses doigts par sa bouche, m'embrassant doucement, mais trop brièvement, me laissant sur ma faim.


Un sourire en coin, il nota mes joues rouges. Son pouce passa sans délicatesse sur mes lèvres humides.


— Un jour, je baiserai cette jolie bouche juste ici, dans cet ascenseur, promit-il d'une voix profonde.


Bon sang. Mon ventre se contracta avec délice sous cette promesse qui avait des airs de menace. Le cœur battant, je ne pipai mot, et son sourire s'élargit alors que le carillon de l'ascenseur retentit. Les portes s'ouvrirent derrière nous et je priai pour que personne ne s'y trouve.


Killian posa une main sur ma nuque et se redressa, nous faisant sortir de la cabine. Je soufflai en constatant que nous étions seuls. Dieu merci. Toutefois, je dû retenir ma respiration à nouveau face à ce qui se trouvait devant moi. 


Nous nous trouvions sur le rooftop, et le ciel étoilé me sembla alors à porter de main. Killian me relâcha et je m'avançai vers le bord, les yeux écarquillés. Je m'accrochai à la rambarde vitrée et baissai les yeux sur la vue époustouflante que la ville avait à offrir. 


Les lumières scintillantes de la Nouvelle-Orléans, délimitant merveilleusement le Mississippi, étaient renversantes. D'ici, on pouvait admirer le paysage à des kilomètres à la ronde. Quelques yachts tout aussi éclairés s'étaient immobilisés sur le fleuve. Bien que la température soit élevée, en cette période de l'année, nous nous trouvions assez haut pour qu'une brise réussisse à rafraichir agréablement ma peau.


Deux grandes mains se placèrent sur la rambarde, de chaque côté de mon corps et m'encerclèrent de deux bras puissants. Je sentis le souffle de Killian derrière mon oreille alors qu'il se penchait sur moi.


— Tu aimes ce que tu vois, chaton?


Un grand sourire accroché aux lèvres, je hochai la tête, émerveillé.


— C'est magnifique, murmurai-je.


Son étreinte se resserra et il me calla contre son torse, déposant un baiser sur ma tempe. Ce sentiment de sécurité et de bien-être, lequel je n'arrivais à ressentir qu'en sa présence, me réchauffa la poitrine. Je ne savais pas ce que l'avenir me réservait, mais s'il était parsemé de ces instants de bonheur en compagnie de Killian, je me fichais du reste.


* * *


Il nous avait fait dormir dans la suite de l'hôtel, située au tout dernier étage. La soirée s'était terminé sur un bain. Pardon, sur un jacuzzi qui, au départ, devait servir simplement à nous détendre et nous nettoyer. Toutefois, les choses avaient rapidement dégénéré, et je m'étais retrouvé après seulement quelques minutes à cheval sur Killian, son membre bien enfoncé une fois de plus dans mon intimité.


Je m'étais finalement effondré sur le lit, vidé de toute énergie, en me disant que cet homme finirait par avoir ma peau, d'une manière ou d'une autre. Une serviette noire sur les hanches, il s'était servi un verre de whisky et le sirotait pensivement, debout près de la baie vitrée. 


Les yeux à demi-clos, je pus admirer son profil à souhait. À chacun de ses mouvements, ses muscles roulaient sous sa peau. Quelques mèches noires et humides retombaient sur son front. Il les écarta en passant une main dans ses cheveux, et je me crus pendant un instant devant une pub de parfum pour homme.


Allongé sur les couvertures et éreinté, je pouffai de rire. Il arqua un sourcil et se tourna vers moi.


— Qu'est-ce qui te fait rire comme ça, mmh?


Il s'avança et déposa son verre sur la table de nuit.


— Tu as déjà songé au mannequinat? 


Le coin de ses lèvres s'étira d'un sourire suffisant.


— Trop de muscles.


Je ris derechef. Il laissa tomber la serviette par terre et s'allongea près de moi, m'attirant contre lui. Il replia un bras derrière sa tête, l'autre autour de mon corps. Sa main caressait ma hanche en un geste inconscient et je fis de même, décrivant de petits cercles du doigt sur son torse. Nous restâmes ainsi plusieurs minutes, lui les yeux fermés, moi concentré sur sa cicatrice à l'épaule.


Je ne lui avais encore jamais demandé comment il se l'était faite. Je n'y connaissais rien et n'arrivais même pas à déterminer si c'était une brûlure ou une blessure par balle. Néanmoins, il avait assurément eu son lot de confidences pour aujourd'hui, alors je me tus.


Je repensai à ce qu'il m'avait révélé sur sa sœur, essayant de m'imaginer à quoi elle avait pu ressembler. Avait-elle eu les cheveux aussi noirs que Killian? Ses yeux aussi gris? Était-elle plus douce, ou tout aussi tranchante que lui? Je ne savais pas à quel âge elle avait été... tuée. Était-elle plus jeune que lui, ou plus vieille? J'avais beaucoup trop de questions qui resterait pour l'instant sans réponse.


Je me pelotonnai un peu plus contre lui et fermai les yeux, me forçant à ne penser à rien d'autre que la présence chaude et réconfortante de Killian.


Sentant mon geste, il me serra un peu plus fort.


— Dors bien, chaton.


* * *


Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Killian et moi traversâmes le hall, se faisant apostropher par la plupart des gens qui le saluait ou lui souriait.


— Bon sang... vraiment, mais vraiment tout le monde sait qui tu es, m'exclamai-je après qu'une sixième personne le salue avec politesse.


Il me rapprocha d'une main sur ma nuque.


— Il serait difficile de passer inaperçu dans son propre hôtel. 


Je levai mes yeux écarquillés sur lui.


— Ton... ton hôtel?


Il me jeta un coup d'œil, un sourcil arqué.


— Évidemment.


Woah.


— Et tu en as... d'autres, comme celui-là?


Il fit un signe de tête à un homme qui passait non loin avant de me répondre.


— Quelques-uns oui. Et d'autres bien plus grands.


Plus grands que celui-ci? Je ne pouvais m'empêcher de repenser à mes anciens logis, lorsque je vivais avec Alicia. Je n'avais aucunement l'habitude du style de vie de Killian. Oui, j'étais enfermé dans la Villa depuis des semaines, je sais. Cependant, malgré tout le temps que je pouvais passer dans ce luxe, tout me semblait toujours aussi irréel.


La berline nous attendait devant l'hôtel. Le soleil du matin était déjà chaud et éclatant. Une fois que Killian eut récupéré ses clés, il m'ouvrit la portière côté passager et bientôt, nous filâmes sur la route, en direction de la maison. Je me sentais un peu triste que cette petite escapade soit terminée. Ça avait été de loin la plus belle soirée de ma vie, sans aucun doute. 


Alors maintenant, je ne pouvais qu'espérer ne pas avoir à attendre des semaines entières avant que Killian ne m'autorise une nouvelle sortie. Le simple fait que ce soit en sa compagnie semblait grandement le tranquilliser, alors je pensai avoir de fortes chances pour que ça se reproduise bien assez tôt.


Une sonnerie me fit sursauter. Le portable de Killian était connecté à la berline et l'écran centrale affichait le nom de Derek. Après m'avoir jeté un coup d'œil pensif, la mâchoire contractée, il décrocha.


— Alors?


Ça va pas te plaire.


Ses jointures blanchirent autour du volant.


— Dis-moi.


Perez a rendu une petite visite aux Garcia, hier soir.


Une lueur dangereuse vrilla le regard de Killian.


— Perez? Siffla-t-il les dents serrées.


Il dit quelque chose à Derek, mais je ne captai pas tous les mots, dans ce foutu langage codé qui avait le don de m'agacer. Qu'y avait-il donc de si grave pour que je ne puisse pas l'entendre?


Pas encore, répondit Derek, mais on garde un œil sur eux. Ian leur a mis un petit coup de pression.


— Bien. Je veux que les Garcia aient quitté ce putain de pays dès ce soir.


Il ajouta quelque chose, et tout ce que je pus comprendre fut le nom de Perez. Derek acquiesça et Killian interrompu la communication. Sa colère refaisait surface et je frissonnai. Le trajet du retour pris une trentaine de minutes et je gardai le silence. Une main sur ma cuisse, il enserrait le volant de l'autre, tendant les muscles de son bras. Un pli entre ses sourcils et les traits durs, il semblait réfléchir à des choses dont je préférais ne pas connaître l'existence.


Il exerçait inconsciemment une légère pression sur ma cuisse et je posai ma main sur la sienne. Son regard glissa brièvement sur moi avant de se reconcentrer sur la route. Je me plaisais à suivre du doigt le sillage des veines de sa main, ou à comparer nos différences de taille. Il me laissa faire alors que je bougeais ses doigts d'un sens et dans l'autre. Ma petite main se perdait dans sa paume rugueuse.


— Tu t'amuses? S'éleva sa voix grave.


Je m'empourprai et le gratifiai d'un sourire timide.


— Assez, oui...


Ses longs doigts emprisonnèrent les miens, m'empêchant de bouger. Une mine boudeuse s'afficha sur mon visage.


— Ce n'est pas juste.


— Ce n'est jamais juste, chaton.


Je le regardai, mais il s'était détourné. Nous approchions de la Villa et je réprimai un soupir. La ville avait laissé place aux boisés et au chemin sillonnant la grande Baie. Le paysage familier m'apportait un certain réconfort, malgré ma tristesse soudaine. La Villa était, certes, ma prison, mais elle était aussi devenue ma... maison.


Le grand portail dépassé, Killian alla se garer devant l'entrée. Il n'éteignit pas le moteur et se tourna vers moi.


— Rentre et va manger, m'intima-t-il.


Je défis ma ceinture.


— Tu repars?


Ma voix trahissait ma déception, bien malgré moi. Il me jaugea avant de se pencher sur mon visage. Son souffle chaud s'écrasa contre mes lèvres.



— Oui, j'ai beaucoup de choses à régler, mais je reviendrai vite, me promit-il avant de m'embrasser.


Mon cœur s'emballa. Killian rompit notre baiser et désigna la Villa d'un geste autoritaire du menton. 


— Allez, files, maintenant.


— À tout à l'heure, soufflai-je avant d'obtempérer.


Deux hommes de main, Joey et Parker, attendaient devant les grandes portes. Je me dirigeai vers eux alors que la voiture de Killian s'éloignait en un grondement de moteur. Ils m'ouvrirent les portes.


— Bonjour, les saluai-je avec un petit pincement au cœur.


Joey, le plus jeune des hommes de main de Killian, me sourit à pleines dents.


— Bonjour, Maël, content que tu sois rentré!


Si ce n'était pas de sa silhouette musclée et cette éclat dangereux derrière son air espiègle, je l'aurais pris pour un surfeur et non pour un... tueur. Je lui souris en retour. Même si j'avais préféré que ma petite escapade dure plus longtemps, j'étais touché par son accueil.


— Merci, m-moi aussi je suis ravi...


— James est en cuisine, m'informa Parker.


C'était le signe que je devais m'y rendre. Je le remerciai à son tour et marchai d'un pas lent jusqu'au cuisinier de la demeure. Il s'affairait aux fourneaux et me demandai une fois de plus comment il réussissait à être aussi habile avec ses pattes d'ours et sa taille de mammouth. Ne lui dites pas que j'ai dit ça.


Il m'aperçut alors que je me hissais sur un tabouret. Les coudes repliés sur le comptoir de l'îlot, je plaçai mes poings sur mes joues, maussade.


— Bah dis-donc, petit. Pas content de voir ton chef préféré?


— Bien sûr que oui, soupirai-je.


Son sourire bienveillant adoucit son visage. Le four émit une alarme derrière lui et il s'empressa de sortir un plat fumant à l'odeur alléchante. Mon estomac se réveilla.


— Qu'est-ce que c'est? M'enquis-je tout ça coup très intéressé.


Il poussa le met sur une plaque, de sa main non-gantée, et je hoquetai. Lui restait-il seulement quelques terminaisons nerveuses ou avaient-elles toutes été complètement grillées? Il attrapa alors un énorme couteau et se mit à l'aiguiser, se tournant vers moi.


— Attends, un peu. J'aimerais que tu répondes à une de mes questions, tout d'abord.


Son sourire s'était subitement effacé.


— Euh... oui, lesquelles?


Il s'avança, l'îlot me séparant du long couteau. Son air s'assombrit. J'écarquillai les yeux et déglutis, incertain.


— C'était bien, ta petite sortie?


— O-oui, pourq...


— Le boss a dû t'amener dans un grand resto, non? Me coupa-t-il.


Le couteau émit un son aigu et métallique.


— Je... oui, nous s-sommes allés au Arnaud's...


— C'était comment?


Mon regard passa du couteau à son expression inquiétante.


— C'était t-très bon...


— Encore plus que ma cuisine? S'enquit-il, menaçant.


J'affichai un petit sourire qui se voulait rassurant et convainquant sur les lèvres.


— N-non, James, voyons, jamais de la v-vie! Tes plats s-sont les meilleurs!


— C'est vrai?


Je hochai vivement la tête, jetant un dernier coup d'œil à son arme affutée. Soudain, il éclata de rire et je sursautai.


— J'espère bien que mes plats sont les meilleurs! J'y mets tout mon amour, tu sais?


Il rigola alors que je le regardai, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte. Puis, je croisai les bras sur mon torse et le foudroyai du regard.


— C'était pas drôle du tout.


Il me fit un clin d'œil.


— Bien sûr que si.


Son sourire était contagieux et je ne pus m'empêcher d'y répondre, m'allégeant et pouffant de rire. Bordel... je passais trop de temps avec ces hommes. Voilà que je me mettais à aimer leur sens de l'humour... sordide. 


Il me prépara une assiette, bien remplie comme à son habitude, et la posa devant moi.


— Filet d'agneau en croûte de truffe, annonça-t-il.


Je salivais. 


— Il en reste pour moi aussi, j'espère, s'éleva une voix derrière moi.


Connor s'installa à mes côtés et je levai la tête vers lui, souriant.


— Tu peux en manger avec moi, James m'en sert toujours trop, de toute façon!


— Pas question, asséna celui-ci. Va te servir Connor.


Ce dernier m'ébouriffa les cheveux avant de se lever.


— Il n'y a qu'avec toi, qu'il est gentil, se plaignit-il.


Je rigolai alors que James tentait de foutre un coup de spatule sur la tête de Connor. Il évitait toutes les attaques, ne cherchant qu'à atteindre la nourriture. James finit par le toucher directement derrière la tête.


— Putain, grogna Connor en se frottant le crâne. Ça va, ça va! T'es tout aussi gentil avec moi!


Je mangeai tranquillement mon repas, amusé par les railleries que se lançaient les deux hommes. Je me considérais tout de même chanceux de leurs présences et me demandais parfois s'ils ne faisaient pas exprès de causer des scènes simplement pour me divertir.


Dans tous les cas, ça fonctionnait, et je leur en étais reconnaissant.


Les heures s'écoulèrent tranquillement. Je passai la journée près de la mer, à lire un ouvrage du journaliste Sergio González Rodríguez, la version originale du livre Des os dans le désert. Le sujet était très sombre, mais ça me permettait de pratiquer ma lecture en espagnol.


J'avais espéré voir Killian avant que le soleil ne se couche, mais il n'était toujours pas revenu. Je me demandais ce qui pouvait lui prendre autant de temps et ignorai tant bien que mal la déception qui m'enserrait la poitrine.


Après une longue douche, je repris ma lecture au lit, sans savoir à quel moment exactement Morphée s'empara de moi.


* * *


— Maël, fiston, ne le laisse pas me faire de mal. Je ne veux pas mourir, je t'en prie. Je t'en prie.


Je regardais ma mère, impuissant. J'ouvris la bouche pour parler mais aucun son n'en sorti. Je voulais détourner la tête, mais aucun muscle de me répondait. 


— Je t'en prie, je t'en prie, je t'en prie.


J'essayai de fermer les yeux. Impossible. Je ne me pouvais me défaire de cette vision. De ses paroles qu'elle répétait inlassablement. Mais alors, son expression larmoyante se transforma. Sa bouche se tordit d'un rictus cruel. Ses yeux me toisèrent avec dégout.


Un long frisson me parcouru l'échine et la panique s'empara de moi. Elle se releva, une arme à la main et soudain, Killian se trouva agenouillé devant moi, l'arme pressée à l'arrière de son crâne.


— Chaton.


Je n'eus pas le temps de comprendre ce qui se passait que ma mère pressait la gâchette. Ma gorge répondit enfin, et je poussai un hurlement, le visage et les vêtements tâchée du sang de Killian.


Chaton.


Je me redressai en sursaut, les cheveux et la peau humides de sueur. Ma respiration saccadée me faisait mal aux côtes. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine et j'avais du mal à déglutir.


— Chaton, tout va bien, calme-toi. Je suis là.


Deux bras puissants m'encerclèrent, me callant dans une étreinte protectrice. Je sanglotai.


— Je suis là, ça va aller, ça va aller.


— K-Killian...


— Oui, chaton, c'est moi. Respire.


Je m'accrochai à ses vêtements et tentai de prendre une grande inspiration. Son odeur familière envahit mes sens et aussitôt, ma respiration se fit de moins en moins rapide, reprenant un rythme normal. Killian me berçait doucement contre lui. 


— C'est bien, continue, m'encouragea-t-il.


Je pris plusieurs bonnes respirations dans le but d'apaiser mon pouls affolé. Son étreinte acheva de me rassurer et, après de longues minutes, je finis par me calmer. Je tremblais toujours un peu et quelques larmes roulaient sur mes joues.


Il les essuya de ses pouces et m'allongea sur le lit avant de se relever.


— Non! Ne t'en va p-pas, s'il te plaît! M'écriai-je en le retenant par la manche de sa chemise.


Il s'arrêta et ses yeux sévères, mais rassurants, se plantèrent dans les miens.


— Je ne sors pas de cette chambre, chaton. Alors, ne bouge pas.


Je scrutai son regard, hésitant, mais ne décelai qu'une sincérité indéfectible. Je relâchai sa manche à contrecœur et hochai la tête. Il se dirigea vers la salle de bain et je ne lâchai pas la porte des yeux, attendant avec impatience qu'il revienne.


Ce qu'il fit après quelques minutes seulement, un gant de toilette en main. Il s'assit à mes côtés et entreprit de passer le linge humide sur mon front, puis sur mon cou, afin d'essuyer la sueur moite. En silence, je le regardai faire ce qu'il avait fait déjà mainte fois depuis mon tout premier cauchemar.


Une fois sa tâche terminée, il se dévêtit et s'allongea près de moi. Mon dos se retrouva bientôt collé à son large torse. Un bras possessif m'enserra la taille.


— Tu avais dit que tu ferais vite...


Il poussa un grognement. Ses doigts caressèrent ma peau nue.


— Je sais, j'ai été retardé.


Je me pelotonnai contre lui. 


— Tu es en sécurité, chaton. Endors-toi.


Sa voix profonde m'apaisa d'autant plus. Bien que craintif, je fermai les yeux. Après un cauchemar, j'étais effrayé de m'endormir à nouveau, craignant de retourner sur ce pont encore une fois. Mais lorsque Killian prononçait ces mots, j'arrivais à le croire.


— Tu es en sécurité, répéta-t-il.











Je vous imagine, retoudant phrase après phrase l'éclat de la tempête.

Eh non, elle n'est toujours pas là.

Les voyez-vous, ces nuages noirs, au loin?

Ils approchent.

BISOUS.

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