À genoux, Lorelaï regardait impuissante cet homme qui avait été son premier amour s'éloigner inéluctablement d'elle. Chaque pas qu'il faisait les séparant de plus en plus l'un de l'autre, ajoutait un poids invisible et pourtant écrasant sur les épaules de la jeune femme, enserrant son cœur, étouffant son âme encore davantage. Les bruits de la ville s'étaient estompés dans le lointain, et le silence ambiant renforçait la solitude de Lorelaï. Ses mains tremblaient légèrement, son instinct lui criant de courir vers lui, de le retenir, mais elle savait que c'était inutile. Les mots, de toutes manières probablement vains et inefficaces, restaient coincés dans sa gorge nouée par la culpabilité.
Des larmes embuèrent ses yeux alors qu'elle le voyait s'en aller, sa silhouette de plus en plus floue dans la pénombre croissante. Les derniers rayons du soleil couchant teintaient le ciel d'une palette de couleurs chaudes, donnant une ambiance mélancolique à cette scène déchirante. Le souvenir des instants partagés ensemble affluait dans son esprit, une danse d'images douces-amères qui la faisait vaciller. Elle se rappelait leurs rires complices, leurs regards échangés qui parlaient plus que les mots, leurs mains entrelacées qui semblaient promettre une éternité qui lui était dorénavant refusée. Tout cela était désormais un rêve lointain, un château de cartes qui venait de s'effondrer. Leur passé commun, les moments heureux qu'ils avaient partagés, tout s'effritait à chaque pas qu'Ethan faisait. Ils disparaissaient tels des mirages dont il ne restait aujourd'hui plus que poussière.
Elle se sentait perdue, déchirée entre ce qu'elle avait été et ce qu'elle était devenue, nostalgique d'un passé irrémédiablement révolu. Pire encore elle se sentait vide, à un point tel qu'elle avait l'impression qu'Ethan avait emportée une partie d'elle avec lui, la laissant à présent incomplète. Sa poitrine était oppressée par cette sensation de rejet, comme si tout ce qu'elle avait connu jusque-là venait de lui être arraché. Un trou béant s'était formé à l'intérieur d'elle, une douleur lancinante qui paraissant impossible à apaiser. Le chagrin était si puissant qu'il lui coupait le souffle, lui donnant l'impression d'être submergée par une mer de désespoir.
Dans cet instant, l'obscurité grandissante de la nuit reflétait la noirceur de son cœur en lambeau. Elle se sentait telle une étoile éteinte dans l'immensité du ciel sombre, privée à jamais de sa lumière et de sa chaleur. La solitude qui l'enserrait était écrasante, altérant profondément sa perception du monde qui l'entourait. Désormais, tout semblait se draper d'une teinte monochrome et triste, les couleurs autrefois éclatantes s'effaçant progressivement, laissant place à un univers terne et insipide.
Les rues maintenant désertes apparaissait telles le miroir de son âme meurtrie, délaissées et abandonnées par la joie et la vivacité qui les animaient autrefois.
Lorelaï aurait tant voulu crier, libérer toute cette peine qui la tourmentait, mais sa voix se perdait dans le silence, étouffée par l'intensité des émotions qui l'habitaient. Elle éprouvait un sentiment de profonde vulnérabilité, son être semblait à nu, exposé sans défense à la cruauté du destin. Les astres scintillants du ciel paraissaient lointains, comme si ils avaient déserté son firmament intérieur, emportant avec eux toute l'insouciance et l'espoir qui l'avaient habitée autrefois.
Ses mains se crispèrent sur le sol, cherchant désespérément une prise sur la réalité qui lui échappait. Le monde autour d'elle continuait de tourner, indifférent à sa douleur, alors qu'elle se trouvait immobile, prisonnière de son chagrin. Les sentiments déferlaient en vagues successives, emplissant son esprit de souvenirs douloureux et de regrets. Le futur qui s'étendait devant elle était soudain si incertain, une toile vierge où tout était à reconstruire. Mais pour l'instant, elle était là, à genoux, cherchant dans les ténèbres une lueur d'espoir qui tardait à venir.
Peu à peu, l'accablement qui étreignait la sorcière se mua en une obscurité plus profonde, une impétuosité dévastatrice de sentiments. La tristesse qui avait jusqu'alors enveloppé son cœur laissa place à une colère grandissante, grondante telle une tempête d'été sur le point d'éclater. Dans ses prunelles azures, des éclairs de rage dansaient, reflétant la fureur qui bouillonnait en son sein, tel un brasier éternel.
Elle avait l'impression que son cœur allait déborder, éclaboussant le monde de sa férocité contenue et refoulée depuis bien trop longtemps. Ce déferlement indicible et sans borne résonnait dans chacune de ses cellules, faisant vibrer son être tout entier. Sa poitrine se soulevait au rythme effréné de sa respiration, chaque inspiration nourrissant le brasier qui brûlait en elle. Des frissons parcouraient sa peau, comme si l'énergie bouillonnante qui l'habitait cherchait à s'échapper par tous les pores de sa chair. Ses tempes pulsaient au rythme de ses passions enflammées, créant une cadence oppressante qui martelait ses pensées. Tout en elle semblait sur le point d'exploser, de libérer ce ressenti puissant qui la submergeait. Elle était à la fois spectatrice et actrice de ce tumulte intérieur qui la secouait, emportée dans un tourbillon de sensations intenses.
La sorcière se sentait telle une vague furieuse, s'élançant contre les digues qui tentaient de contenir sa rage. Cette frénésie qui la dévorait en cet instant avec un appétit inextinguible avait une même origine et destinataire : Keiko. La simple évocation de ce nom faisait monter en elle un torrent d'émotions tourmentées. La trahison, l'abandon, l'injustice, tout cela se mêlait en une puissante marée de fureur.
Animée du feu de la déterminations, elle se releva, tel un phœnix, dressant sa silhouette fière contre la lueur crépusculaire du ciel. D'un geste brusque, elle essuya les larmes qui roulaient sur ses joues, effaçant les vestiges de sa vulnérabilité passée. Le vent, complice de sa colère, souffla dans ses cheveux comme pour lui insuffler sa puissance. L'inquisitrice avait certes gagné les deux premières manches, mais cette fois-ci elle avait été trop loin. Lorelaï pouvait passer outre le fait que ses manigances avaient faillis lui coûter la vie, mais impliquer Ethan dans cette bataille qui n'était pas la sienne, cela lui était intolérable.
Un frisson glacé se glissa le long de l'échine de Lorelaï, caressant chaque centimètre de sa peau. Sa noirceur intérieure s'éveillait, réclamant justice avec insistance tel un spectre affamé d'une voracité insatiable. Les ténèbres qui sommeillaient en elle semblaient soudainement se déverser, noyant son cœur dans un océan noir et agité. Cette énergie obscure agissait comme un courant impétueux, la transformant de l'intérieur, la métamorphosant en une force implacable, prête à se déchaîner sur ses ennemis tels les flots dévastateurs d'une tempête enragée. Les émotions tourbillonnaient en elle, engendrant une symphonie intérieure où la mélodie obsédante de la vengeance résonnait avec puissance, ensorcelant son âme de ses notes envoûtantes. Tel un chant happant de sirènes, les échos de la haine la séduisaient sans relâche, l'attirant inexorablement vers un abîme de sombres désirs. Chaque fibre de son être était en alerte, vibrant comme une corde tendue à l'extrême prête à rompre, tandis que l'univers semblait retenir son souffle, témoignant de l'intensité de la danse dangereuse qu'elle livrait avec l'obscurité.
Sur le bord d'un précipice intérieur, elle oscillait entre deux mondes, hésitant entre plonger dans le vide des ombres ou rebrousser chemin vers la lumière salvatrice. L'idée que ce choix déterminerait sa destinée la terrifiait autant qu'elle l'exaltait. C'était un vertige émotionnel, où la peur et l'excitation se mêlaient étroitement, créant une symphonie d'émotions en conflit, car elle était à la fois une proie et une prédatrice de ses propres démons. Le combat entre sa volonté et les forces sombres était devenu un ballet chaotique où les pas s'enchevêtraient, risquant de la conduire à sa perte ou à sa renaissance.
Alors que la noirceur gagnait du terrain, un nouvel adversaire entra dans l'arène qu'était devenu l'esprit en proie au chao de Lorelaï. La culpabilité. Tel un ogre dévoreur d'âme, cette émotion vorace se délectait du festin offert par la sorcière tourmentée. Chaque souvenir, chaque acte regretté, était comme une délicieuse friandise pour cet être malfaisant, qui ne manquait pas une seule occasion de lui rappeler ses erreurs passées. Ce banquet composé de la multitude de remords de la jeune femme, avait de quoi ravir les papilles de ce goinfre famélique. Le met de choix du moment, l'annihilation de la bonté et la bienveillance de l'homme bien qu'était Ethan. Les souvenirs des mauvaises décisions qu'elle avait prises, telles des bouchées exquises, étaient englouti avec avidité et gourmandise par cette émotion gloutonne se tapissant dans les recoins les plus sombres de l'âme tourmentée de Lorelaï.
Bien qu'elle fût parfaitement consciente que les architectes de ce désastre n'étaient autres que les membres de l'inquisition, elle ne put s'empêcher de s'en imputer la faute. Après tout, s'il ne l'avait pas connu, si elle était restée loin de lui, Ethan demeurerait aujourd'hui encore la personne douce et charitable qu'il avait toujours été. Il aurait toujours un avenir radieux qui lui tendrait les bras, au lieu de cet horizon désormais voilé d'obscurité qui se dressait devant lui. Ce nouveau gâchis venait s'ajouter à la déjà bien trop longue liste des victimes prises au piège dans le tourbillon destructeur de la guerre opposant Lorelaï aux Hantã. Chaque nom, chaque visage, chaque destin brisé étaient autant de maillons qui l'enchaînait à son propre destin, ce dernier semblant de plus en plus obscure à mesure que le temps avançait. Pour la première fois depuis le moment où elle avait sciemment arraché ses points de sutures appelant la mort de tous ses vœux, Lorelaï fut tenter de rendre les armes, de laisser Keiko gagner ce duel sans se battre. Elle ne voulait pas seulement mourir, elle désirait disparaître, se noyer dans le néant absolu, devenir une ombre parmi tant d'autres.
L'organe dans sa poitrine se brisa.
Alors que la reddition ultime apparaissait comme une douce libération, un flot d'images envahit l'esprit de la jeune femme. D'abord, le regard tendre et bienveillant de son frère apparut comme une étoile réconfortante dans un ciel sombre et orageux, agissant tel un baume sur l'âme écorchée de la sorcière. Un léger tambourinement résonnait en elle, semblable à un murmure de réconfort, boum boum.
Puis, la douce étreinte de sa grand-mère, chaleureuse et enveloppante, ressurgit comme une douce brise, dissipant le froid qui s'était installé dans son corps, privé de cette affection depuis bien trop longtemps. Les bras aimants qui l'avaient jadis entourée semblaient la saisir de nouveau, la berçant, la réconfortant. Un nouveau battement s'éleva, boum boum.
Puis, le souvenir des lèvres de Castiel se posant délicatement sur les siennes vint apaiser son cœur en lambeaux. La douceur de celles-ci, leurs impétuosités, la passion dont elles étaient porteuses, tout cela renaissait en elle, comme un moment suspendu dans un éternel présent.. Les pulsations se firent plus profondes, boum boum.
Enfin, le sourire mutin de Liam, si vivant, si vibrant, raviva ses sens qui ne captaient plus que la fadeur de la vie; illuminant son être tout entier. Une pulsation joyeuse dansa dans ses veines, boum boum.
Ces souvenirs s'enchevêtraient, formant un kaléidoscope d'émotions qui dansaient dans son esprit et se propageaient dans tout son être. Ses amis, ses compagnons de route, sa famille – tous ceux qui avaient gravé leur amour en elle – semblaient se rassembler dans ce moment précaire, lui insufflant la vitalité et la détermination nécessaires pour affronter l'incertain. Chaque pouls, chaque pulsation devenait une expression de cet amour, une déclaration silencieuse, une mélodie qui résonnait en elle avec une intensité profonde et inexprimable.
Lorelaï ferma ses paupières lourdes et inspira profondément. L'afflux abondant d'oxygène balaya les ombres voraces de ses démons intérieurs, les repoussant dans les recoins obscurs de sa conscience. L'air pur inonda ses poumons, apportant un calme bienvenu, éloignant la tourmente qui avait menacé de la submerger une fois encore. Entre culpabilité dévorante, infinie tristesse et colère ravageuse, elle avait faillit se perdre une nouvelle fois. Il lui fallait se ressaisir, s'armer d'une volonté indéfectible et d'un courage incommensurable. Les deux lui faisaient pourtant cruellement défaut pour l'heure, mais elle devrait trouvait la force nécessaire de les obtenir. si elle voulait survivre aux épreuves qui l'attendaient et mettre un point final au règne de terreur de l'inquisition, elle n'avait pas le choix.
Alors qu'elle rouvrait les yeux, une détermination farouche animait son regard tandis qu'elle refusait de capituler aussi facilement face à ses ennemis. Seule l'obscurité était visible dans cette ruelle étroite, drapée du manteau d'une nuit sans lune. Du cœur de ces ténèbres oppressantes s'éleva une voix froide et cruelle. Une voix qu'elle n'avait pas entendu depuis son périple hors d'Hollow Creek. C'était un écho lointain du passé, une réminiscence qui laissa un frisson d'inquiétude parcourir sa colonne vertébrale, un sombre présage qui glaça son sang.
« Il y a vraiment pas à dire sœurette, tu sais vraiment bien t'y prendre avec les hommes ! » Ironisa Philae, en sortant de la pénombre, un sourire moqueur ornant son visage.