Let Somebody Go T.1

By -livresse

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Au gré du vent, la vie de Marin passe entre bonheur et manque. Il y a un peu plus de deux ans, sa mère a pris... More

là où tout commence.
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By -livresse

𝐞𝐯𝐚𝐧𝐞

Une semaine est passée.

Mon réveil sonne me faisant regretter d'avoir continué les cours après mon brevet. Après tout, j'aurais pu consacrer ma vie à l'écriture, en profitant de l'argent de mes parents si mes livres ne se vendaient pas. Mais si c'était le cas, je serais déjà virée de chez moi avec comme seules affaires ma tristesse et le numéro d'un psychologue.

En conclusion, jamais ô grand jamais, mon père m'aurait autorisé à prendre cette décision.

Ce n'est pas que je n'aime pas aller au lycée...en fait si, c'est bien ça. Je déteste cet endroit. Parce que ce sont des moments que je ne partage pas avec lui, mais avec des personnes qui me rappellent chaque jour qu'il n'est pas là. Je les haïs tous, un par un. Mais j'en aime aussi certains, ceux qui connaissent le même sentiment de solitude que moi le concernant. La plupart l'aimaient et continuent de le faire.

Mon regard passe lentement de mon téléphone à ma porte et j'hésite sérieusement à descendre les escaliers. Mais ma mère m'appelle d'en bas au moment où je me recouvre de ma couverture. Je souffle mais prends mon courage à deux mains et enfile une veste. Le moral dans les chaussettes – sans chaussettes –, j'arrive dans la cuisine.

— Alors, cette nuit ?

— Pas encore pris de café. Peux pas faire de vraies phrases.

Je me prends une tasse en l'entendant pouffer. Ça l'amuse, sympa. Comme si le monde venait de conspirer pour que tout aille mal, mon café coule trois fois plus doucement que normalement. Je passe une main dans mes cheveux remarquant à mon grand désarroi que j'ai un énorme nœud. Ça m'apprendra à ne pas vouloir me couper les cheveux et les laisser libres la nuit. Pourtant, Abi m'a dit de me faire des tresses, mais je crois que je préfère ressembler à Bellatrix Lestrange au réveil, sans les boucles bien évidemment, mais avec l'épaisseur.

— Et si je te donne toutes mes économies, tu me laisses ne pas aller au lycée aujourd'hui ?

— Non.

— Toute mon inspiration à vie ?

— Mhh, laisse-moi réfléchir. Non.

Je réfléchis mais ne vois rien d'autre qui puisse lui plaire. À moins que...non je ne peux pas lui faire ça.

— Je te promets de rester jusqu'à ce que tu sois plus là à tes côtés.

— Ne raconte pas des bêtises. Tu as beaucoup trop hâte de partir pour ça.

— Non, c'est faux. Je t'aime trop pour ça.

Elle lève les yeux au ciel et je me sers un bol de céréales. Je les savoure le plus possible, les mangeant presque une à une, essayant de gagner du temps. Elle remarque et me demande de passer la seconde. Je lui réponds que je suis en terminale mais elle ne trouve pas ça drôle. Ma carrière d'humoriste tombe à l'eau alors je lui fais la tête. Son rôle est de me soutenir à vie pourtant.

— Et ton frère, il arrive à quelle heure ?

— Je sais pas, haussais-je les épaules. On va le chercher à Paris avec papa la semaine prochaine. D'ailleurs, tu viens ?

— Non, faut que je termine un truc.

— Quoi ?

Aucune réponse. Ça doit être un secret. Moi qui n'en ai aucun pour elle, je suis déçue.

— Ça à un rapport avec ton livre ?

— Peut-être.

— Maman, s'il te plait. Dis-moi au moins un truc. Tu sais que je n'aime pas quand je ne sais pas.

— Et toi, ton livre ? me demande-t-elle pensant que je ne vais pas remarquer qu'elle évite qu'on parle de ça, pour je-ne-sais-quelle-raison.

— Ne change pas de sujet.

— Ce n'était pas un sujet de toute façon.

Je lui dis que ça fait longtemps que je n'ai rien écrit et que ça me fait tout drôle. J'ai toujours eu beaucoup d'inspiration concernant mes projets livresques alors me retrouver pendant plus d'une demi-heure devant mon ordinateur et me demander ce que je fous là, ce n'est pas habituel. Je n'apprécie pas ce sentiment qui m'est nouveau.

À contre cœur, je dois lui avouer que j'ai tout fait pour avoir des idées, jusqu'à regarder beaucoup trop de films en me disant que ça m'aiderait. En vain. Rien ne vient.

— Eva, ne cherche pas l'inspiration ailleurs, elle est en toi.

C'est comme ça que je comprends que c'est la passion pour les mots de ma mère qui a fait naitre la mienne. C'est grâce à elle, tout ça vient d'elle et de son talent. Jamais je n'aurais pensé autant vouloir lui ressembler que maintenant. Pourtant, rien d'extraordinaire vient d'avoir lieu. Elle vient seulement de me dire une simple phrase qui résume pour moi beaucoup de choses.

Je lui souris, la remerciant silencieusement. Elle ne comprend sûrement pas pourquoi sa fille la regarde bêtement avec ce sourire sur les lèvres mais je m'en fous.

À ce moment-là, j'aime ma mère bien plus que quiconque au monde.

Sans vraiment faire d'efforts, je choisis presque au hasard mes vêtements avec comme seul objectif celui de ressembler à quelque chose de vivant. Des affaires basiques sur le dos, en dix minutes chrono j'ai ce qu'on peut appeler une tenue à peu près potable. Le reflet que me renvois mon miroir ne me convient qu'un peu mais je ne m'en préoccupe pas. Ce ne sont que quelques heures dans une vie. Quelques heures importantes que je me tue à réussir, même si tous mes souvenirs viennent chaque seconde gâcher mes plus grands efforts.

Mais j'essaie de passer entre et de ne pas m'en importer. Sauf qu'ils sont bien plus forts et puissants que moi. Ils ont ce pouvoir surhumain que je n'ai pas la chance d'avoir. Peut-être que si je fermais les yeux, je me verrais en train de tous les combattre ?

Kelly me dirait que ce sont bien les pensées d'une autrice. Loyan se foutrait de moi en m'avouant que je suis bien plus forte qu'eux. Abigaïl s'en foutrait car les astres ne lui ont toujours pas donné la réponse. Et Célian me prendrait dans ses bras et me chuchoterait que, quoi que je fasse, il ne faut jamais que je cesse de rêver et d'espérer.

C'est pour cette raison que les paroles de Loyan sont plus intenses que celles de mes meilleurs amis. Il n'a pas la même vision des choses mais surtout n'en a pas besoin.

Je passe dire bonjour à mon père et il me propose que l'on fasse une partie du chemin ensemble. Mon cœur manque un battement, j'en viens à me demander si c'est vraiment lui que j'ai devant moi et non un sosie raté. Il y a quelques semaines, je suis sûre qu'il ne m'aurait jamais proposé ça. Avant, il m'embrassait le front et me souhaitait une bonne journée. C'est tout.

Il me demande d'attendre quelques secondes pour qu'il aille chercher son sac. Je prie intérieurement pour qu'il ne le trouve pas. Mais mes prières n'arrivent pas à temps, à moins que je n'aie pas prié le bon dieu. Il faudrait que je me renseigne de ce côté-là.

— Je parie que tu es impatiente de retourner en cours.

Non, rectification, rien n'a changé. Il ne me connait pas plus qu'il y a deux semaines.

— Tu ne devrais pas jouer au poker papa, tu perdrais beaucoup, lui répondis-je sarcastiquement.

— Alors mince, c'est comme ça que je contais finir les fins de mois, ajoute-t-il sur le même ton.

Si on ose me dire que ce n'est pas de lui que j'ai hérité mon sarcasme, je cris. Il peut avoir tous les défauts du monde, son quasi-humour est bien le seul que je suis fière d'aussi avoir. À vrai dire, si je dois être sérieuse, nous avons tous notre part d'ironie. Peut-être que si nous les assemblons, ça formait quelque chose vraiment drôle ou de semblable à de l'humour. Dans certaines familles, les moments les plus drôles sont les diners, là où tout le monde place sa petite phrase et où le cliché du tonton pervers parle enfin.

Nos diners de famille se résument plutôt à des discussions entre sexe. Les femmes ensemble et les hommes ensemble. Quand mes grands-parents sont là, notre famille parait encore plus déséquilibrée.

Les parents de ma mère sont divorcés. Elle est née en Ecosse, y a passé la plus grande partie de son enfance avant que l'histoire clichée arrive : mon grand-père trompe ma grand-mère. Elle décide de venir s'installer ici, à Hossegor et de créer son entreprise. Elle a tout de suite réussi, sûrement dû au fait que sa famille soit connue de tout le monde partout. C'est une vraie star dans son milieu, elle a voyagé à travers le monde et souvent en compagnie de ma mère. Cette dernière a grandi dans l'avion et a développé sa passion de l'écriture comme ça. Les nombreuses histoires qu'elle voulait voir se dérouler devant ses yeux, elle les a écrites.

Mais elle en a gardé des séquelles émotionnelles. Ce n'était pas une vraie vie pour une enfant de son âge et ma grand-mère le savait pourtant. Maintenant, quand elle peut venir nous voir, elle ne fait pas les choses à moitié. Elle prend une grosse valise et passe son temps libre chez nous, sur l'emplacement de son ancienne maison.

Au moment où ma mère a eu la maturité d'avoir une vie de famille et amoureuse, elle lui a légué son terrain. Cette bâtisse rappelait à ma génitrice beaucoup trop de souvenirs. Comme le fait que sa vie a été gâchée par une simple tromperie. Cette partie-là, elle l'a écrasé à la pelleteuse. Pour y construire ce qu'elle, elle voulait.

La détermination de ma mère à oublier coule souvent à l'eau lors de ces fameux repas de famille. Sans savoir le mal que ça peut faire, ils creusent des trous là où elle a donné sa vie pour les recouvrir. C'est pour ça que je n'aime pas ces moments-là. Je vois les yeux de la femme qui compte le plus pour moi devenir humides et discrètement ses doigts demander à ses émotions de se recoucher. Ils réveillent le silence qu'elle n'entendait plus depuis quelques temps.

Parce que ce sujet est l'un de leurs préférés, sans que quiconque ne sache pourquoi. Mon père n'a jamais pris sa défense, cette lassitude contribue à la haine que j'ai pour lui.

J'aimerais le lui dire, là, maintenant, mais je n'ose pas voyant l'endroit où nous nous séparons approcher. Ce n'est que maintenant que je remarque qu'il me parlait.

— Pardon, tu as dit quoi ?

— Evane, soupire-t-il. Je t'expliquerai ce soir.

— Pardon, m'excusais-je alors que ça ne sert à rien. Bonne journée.

— Passes en une aussi.

Je lui fais un signe de tête et souris, les mains dans les poches de mon sweat alors qu'il s'avance vers moi et me fais un léger baiser sur la joue à ma grande surprise. Je reste interdite quelques secondes. Il le remarque et pose sa paume sur mon épaule en signe de « tu n'es pas en train de rêver, ma fille ». Pour une fois, je souhaite que ce ne soit pas le cas.

Au bout de plusieurs minutes et de nombreux mètres parcourus avec l'envie de faire demi-tour, Kelly me fonce dessus, sans même prendre la peine de me prévenir ou de faire des appels de phare. Sans grande surprise, on tombe presque à la renverse. Elle s'en fout alors que je regarde autour de nous, de peur qu'un rire sorte des bouches de ceux que je déteste. Ils sont assez nombreux ici, et on ne sait jamais où ils se trouvent. Ce sont de vrais psychopathes, pires que Marin. Et pourtant entre son égo et son côté psychopathe, il est difficile de faire pire.

Oh bordel, pourquoi lui? Je suis sûre que c'est lui, je reconnais ses boucles. Il est partout, même là où on pense qu'il ne l'est pas. On pourrait presque croire qu'il nous suit comme une ombre, peut-être que c'est celle du diable ou qu'il est vraiment ami avec des extraterrestres comme il l'a dit à Célian ?

En fait non, ce n'était pas lui. Il doit être en train de déteindre sur moi.

— Tu m'as manqué, tu le sais ?

— Ouais, tu viens à l'instant de me le dire.

Célian rigole en me serrant furtivement dans ses bras.

Abigaïl et Loyan ont un an de plus que nous et ont déjà leur bac. On se retrouve donc tous les trois à dépasser les grilles du portail en fer.

je ne me suis jamais - pour le moment - autant retrouvée en evane que durant ce début de chapitre.

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