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𝐞𝐯𝐚𝐧𝐞

Comme chaque fois, prendre la voiture m'angoisse. Je ferme les yeux et sers les poings mais rien n'y fait. Je vois tout, tout le temps. Leurs cris et mes larmes s'infiltrent d'un coup. J'essaie de respirer profondément, ma mère derrière moi qui me tient par les épaules. Elle me chuchote que ça va aller, que ce n'est qu'un simple trajet et que je suis bientôt dans le train. D'une oreille je l'écoute simplement, sans grande conviction. J'ai beau savoir pertinemment qu'elle a raison, une partie de moi ne cesse de me répéter que tout devait aller bien il y a quatre ans.

On ne sait jamais ce qu'il va se passer ni arriver. Trente secondes suffisent à tout démolir.

Alors j'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, avec comme seul objectif celui de me concentrer sur autre chose. J'embrasse ma génitrice, reste dans ses bras un peu trop longtemps pour que ça ne soit pas un appel au secours. Elle en est bien consciente alors elle prend le chauffeur de taxi, ainsi que mon père, à part, en attendant que je m'engouffre dans la voiture, pour leur parler de je-ne-sais-pas-quoi qui m'intéresse.

Je m'attache, lance un simple regard à mon ordinateur portable sur le siège à côté avant de regarder vers mes parents. Tout en parlant, ils ne cessent de m'observer, le visage pale. Mon père sourit puis embrasse ma mère, passionnément.

S'il y a bien une personne sur terre pour qui il pourrait mourir – après Colin, bien entendu – ça serait elle. Leur amour est le plus bel exemple que j'ai. C'est le plus beau dont j'ai accès, même si celui des parents de Kelly est particulièrement éblouissant aussi.

Penser amour me ramène immédiatement à lui. Aux sentiments que j'avais commencé à éprouver, aux mêmes qui ont dû, contre leur gré, s'évanouir. J'ai longuement essayé de les raviver, mais sa non-présence a eu beaucoup trop d'impact. Maintenant, je ne ressens plus rien de ce côté-là. Enfin du moins, je crois. C'est bien mon but premier, être tout sauf un livre ouvert à la vue des autres. Je ne souhaite pas que quelqu'un se serve de mon malheur pour se sentir supérieur. D'après ce que je lis et entends, je sais que c'est possible et que de nombreuses personnes ont été victimes de cela.

C'est l'une des douleurs les plus marquantes. S'être attaché à quelqu'un que tu pensais aimant et sincère, pour au final se retrouver une nouvelle fois seul(e) face à la même chose qu'avant. Sa venue qu'on pensait utile n'avait en fait aucun but, autre que la souffrance.

L'amour est de loin le sentiment qui peut le plus paraitre vrai alors qu'il ne l'est pas. Quelques idées préconçues suffissent à une personne pour croire tout ce qu'on lui dit.

Quand je ne pense plus à eux, mon père entre dans la voiture avant de finir sa dernière phrase, adressée à ma mère. Un je t'aime éternel, dont elle se souviendra toute la journée jusqu'à pouvoir le lui rendre ce soir. C'est vraiment cucul dit comme ça, mais ils fonctionnent toujours de la sorte.

Chaque matin, l'un deux dit je t'aime à l'autre. Celui qui a reçu l'amour, le lui rend le soir. Un jour, ils m'ont expliqué, que de cette manière, ils ne cessaient jamais de penser à l'autre. Je n'arrive pas à y croire, ni à me dire qu'on ne puisse pas répondre un simple moi aussi la seconde suivante. Je ne pourrais pas agir ainsi si j'étais à la leur place. Il faut constamment que je montre à la personne que j'aime, que je l'aime justement.

C'est comme si en dévoilant notre cœur tout de suite, on prenait le risque de se le faire détruire. Peut-être que c'est pour cette raison que je ne peux pas aimer. Car je n'ai plus aucun cœur à donner à quiconque. Il est parti lors de cette soirée d'Avril. Les seuls morceaux qui me restent sont tranchants. Moi-même, je n'ose plus les toucher.

Let Somebody Go T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant