NOLANNE
— Alors, comment s'est passée ta semaine à l'université, ma chérie ? Tu t'es fait des amis ? lance mon père à table.
Je baisse les yeux vers mon assiette, j'essaye de trouver les mots justes pour répondre sans mentionner l'incident avec Kade. Difficile de cacher des choses à mes parents, ils sont beaucoup trop fouineurs pour mon bien.
— Oh, euh... la semaine a été chargée. J'ai rencontré quelques personnes intéressantes, mais je suis encore en train de m'adapter à l'ambiance de la fac.
— C'est bien de te faire de nouveaux amis. Tu sais, tu peux toujours nous en parler si quelque chose te tracasse.
Je souris à mon père, touchée par sa préoccupation. Mais je ne peux pas leur dire ce qui s'est passé. Ils feraient un scandale, chose dont je n'ai pas besoin.
— Merci, papa. Ne vous inquiétez pas, tout va bien. Je suis juste encore en train de prendre mes marques.
— Tu es sûre que tout va bien, Nolanne ? Tu as l'air un peu tendue.
Je me force à sourire, dissimulant mes émotions au maximum. Jouer la comédie est un talent presque inné chez moi.
— Oui, maman, ne t'en fais pas. Je suis juste un peu fatiguée, c'est tout.
Mon esprit divague vers les moments de tension dans la piscine, la peur que j'ai ressentie face à Kade. Je décide de changer de sujet pour détourner l'attention.
— Donc en plus maintenant tu nous mens, cingle ma mère.
— Je- comment ça ? begayé-je
— Chérie, ne l'attaque pas ainsi, tempère mon père.
Il lui prend la main dans un signe de réconfort, avant de se tourner vers moi.
— Mon ami, le doyen, m'a appelé. Un professeur a fait remonter une altercation en cours entre toi et un autre élève, c'est vrai Nolanne ?
— C'était une petite altercation de rien du tout, c'est déjà oublié papa, rien de grave, je t'assure.
Je lui donne un sourire convaincant, j'espère seulement qu'il ne va pas vouloir s'en mêler. Je suis soulagée quand je le vois hocher la tête et consentir à mon explication. Mais ça ne suffit pas à ma mère. Non, rien n'est jamais suffisant pour elle quand il s'agit de moi.
— Tu sais, Nolanne, j'ai remarqué que tu avais pris un peu de poids depuis quelques mois. Encore... Fais attention à ce que tu manges.
Mes yeux s'élargissent de surprise et de colère. Comment osait-elle me faire une telle remarque, mes vêtements, mon comportement, je ne dis rien. Mais mon corps ? Qu'elle aille se faire foutre, elle et sa perfection.
— Quoi ?! Maman, c'est vraiment ce dont tu as envie de parler maintenant ?! Je suis juste fatiguée et stressée, et toi, tu me sors ça ?!
Je me lève brusquement de ma chaise, sentant la colère monter en moi. Je sais que je devrais contrôler ma réaction, mais la tension accumulée de cette semaine a atteint son paroxysme.
— Nolanne, je ne voulais pas te mettre en colère. Je m'inquiète juste pour toi, minaude-t-elle.
— Tu t'inquiètes ? Mais quelle magnifique menteuse, tu fais, je pourrais peser quarante kilos au lieu de soixante-dix que ça ne serait pas assez pour toi !
— Jeune fille, je ne te permets pas de me parler de cette façon ! Nelson dit quelque chose !
Mon père soupire, il ne dit rien. Il ne dit jamais rien de toute façon. Il se retrouve coincé entre les deux femmes qu'il aime. J'ai conscience que cette situation le rend malheureux. Mais, je fais déjà tellement d'efforts en société, que je refuse d'en faire pour elle.
Je ne suis jamais assez bien habillé, je ne me comporte jamais assez bien pour elle et ainsi de suite, sa liste de reproche à mon égard est bien plus longue que ce que je peux énumérer.
Je me dirige rapidement vers ma chambre, les larmes de frustration commençant à se former dans mes yeux. Je claque la porte derrière moi, m'isolant dans mon refuge. Je me laisse tomber sur mon lit, le souffle court.
Les mots de ma mère résonnent encore dans ma tête, alimentant ma colère et ma tristesse. Pourquoi est-ce qu'elle ne peut pas comprendre ce que je traverse ? Pourquoi ne peut-elle pas voir que je lutte avec ma propre perception du monde et mes problèmes personnels ?
Même ma douleur après la mort de Terrence ne l'a pas atteinte. Quand je ne pouvais pas me lever de mon lit, enfermé dans ma peine, elle débarquait dans la chambre pour me dire que j'étais pathétique.
Je m'enfouis sous les couvertures, cherchant à me protéger de tout, à retrouver un peu de calme dans ce tumulte émotionnel. Les larmes commencent à couler doucement sur mes joues, libérant une partie de ma frustration accumulée.
Je m'installe confortablement sur mon lit, les larmes séchant lentement sur mon visage. J'attrape mon téléphone et compose le numéro de ma meilleure amie, Lola. J'ai besoin de me confier, de trouver un soutien dans cette période difficile.
Lola décroche après quelques sonneries.
— Allo ? Nolanne ? Ça va ? J'ai senti que tu n'étais pas bien ces derniers temps. Tu ne me parles plus.
— Lola... J'ai vraiment besoin de toi en ce moment. Ça a été une semaine horrible. Je me suis avec ma mère, mes parents me rendent folle, un mec a voulu me noyer et je suis complètement submergée par mes émotions.
— Oh mon Dieu, Nolanne. Raconte-moi tout, mais qu'est-ce qui s'est passé ?
Je prends une profonde inspiration, je rassemble mes pensées avant de commencer à déverser tout ce qui s'est passé, depuis l'altercation avec Kade jusqu'à la remarque de ma mère sur mon poids.
— Et tu sais quoi ? Je me sens complètement seule. Et je ne te dis pas ça pour me faire passer pour une victime. C'est simplement la putain de réalité.
— Je suis désolée que tu traverses tout ça, Nolanne. Mais, sache que je suis là pour toi. Je suis dégoûté que mes parents n'ont pas accepté que j'aille à l'université avec toi. Cette école privée est vraiment pourrie. Pire que dans les vieux films que l'on regarde.
On parle et on rigole ensemble encore quelques minutes, ça me fait du bien. Un peu de normalité dans cette semaine bizarre.
— Merci, Lola. Ça compte énormément pour moi. Tout semble si compliqué, si épuisant.
— Nous trouverons une solution, Nolanne. Tu es forte, bien plus que tu ne le crois. Nous allons affronter ces difficultés ensemble, pas à pas. Je serai là à chaque instant.
Un sentiment de gratitude me submerge, mes larmes se tarissent peu à peu, remplacées par une lueur d'espoir et de détermination.
— Merci, Lola. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. Je suis tellement reconnaissante de t'avoir dans ma vie.
— Ne t'inquiète pas, ma belle. Tu penseras bientôt le contraire quand je recommencerai à t'appeler à quatre heures du matin pour te parler de mon ex. Maintenant, essaie de te reposer un peu, demain est un nouveau jour. Je t'envoie plein de bonnes ondes et de câlins virtuels.
Je souris à travers mes larmes, sentant une chaleur réconfortante m'envelopper. Je sais que je ne suis pas seule, que je peux compter sur l'amitié sincère de Lola pour m'aider à surmonter les épreuves qui se présentent à moi. Lola et moi, c'est une amitié de longue date. Nos mères se sont connues à l'hôpital et ne se sont jamais lâchés. Elles sont trois, nous sommes trois enfin, nous étions trois. Lola, Terrence et moi.
— Merci, lola.
Je raccroche, je respire plus sereinement. Je fronce les sourcils quand je me rends compte que j'ai reçu un message pendant mon appel. Je le déverrouille et constate qu'il provient d'un numéro inconnu. Intriguée, j'ouvre la conversation et lis le message
"On a une semaine de retard sur le projet. T'es où ?"
Mon cœur bat un peu plus rapidement à la vue de l'expéditeur inconnu pourtant il ne peut sagir que d'une seule personne : Kade. Je suis partagée entre l'envie de l'ignorer complètement et celle de lui répondre pour régler cette histoire au plus vite. Après tout, ce projet est important pour mon avenir académique. Je ne vais pas obtenir mon diplôme en foutant en l'air mon premier projet.
" je n'aime pas que l'on m'ignore. Un petit plongeon te ferai peut-être du bien"
" Va te faire foutre."
"Je savais que tu finirais par me répondre. On ne peut pas se permettre de traîner pour ce projet, et je ne vais pas endosser toute la responsabilité. Alors, où est-ce que tu te caches ?"
Un mélange de colère et de détermination s'empare de moi. Je refuse de me laisser intimider par lui.
"Écoute, Kade, je ne te dois rien. Et je ne vais certainement pas me précipiter pour te satisfaire. Si tu veux travailler ensemble, on le fera à mon rythme."
"À ton rythme ? Tu es vraiment arrogante, Nolanne"
"comment t'a eu mon numéro sale taré ? T'es un genre de stolker, c'est ça ?"
"Loin de moi l'envie de devenir obsédé par une gamine arrogante.. Disons juste que la gestionnaire des dossiers parle énormément quand elle à les cuisses ouvertes."
Un frisson de dégout me saisit, il me répugne.
" t'es un porc Ridler"
" j'en ai rien à foutre de ce que tu penses de moi. Bibliothèque, demain 14H. Ne sois pas en retard "
Merde, un lieu public bien sûr, pas que j'ai envie de me retrouver avec lui sans témoins. Mais, je supporte très mal les lieux bondés. Une bibliothèque universitaire ? L'enfer pour moi. Dans ce genre d'endroit, les gens stressent, pleurent, angoissent.
" Impossible la bibliothèque. Trop de monde. Le lac de streetsweet, demain 14H. Plus tranquille pour faire disparaître ton corps, si tu m'emmerdes Ridler."
Un sourire sarcastique se dessine sur mon visage. Je suis bien décidée à me venger et demain va être l'occasion parfaite.
" Putain, t'as cru que c'était un date ou quoi ? Si t'essaye de m'embrasser, je te noie pour de bon. Demain, 14h. Ne sois pas en retard.
Je clôture la conversation, ressentant un mélange d'excitation et de détermination. Cette rencontre sera l'occasion de montrer à Kade que je ne suis pas une personne à sous-estimer. Je me prépare mentalement pour cette joute verbale qui s'annonce intense.
J'envoie un sms à Emma.
« Tu as tout ce qu'il faut ? C'est pour demain. »