𝕹𝖔𝖚𝖗
SEPTEMBRE 2023
- Nono ? Tiens.
Relavant brièvement la tête, je remerciais Hakim qui venait de m'apporter un café chaud, après m'avoir proposé de m'en préparer un. Depuis qu'on était rentrés chez moi, il était vraiment aux petits soins et il veillait à ce que je ne manque de rien, dans ma propre maison. J'appréciais beaucoup.
- Merci, t'as mis un sucre ?
- Ouais.
- Cool. souriais-je avant de souffler sur la fumée blanche et de boire un peu de ma caféine, alors qu'Hakim s'asseyait sur la chaise d'extérieur, juste à côté de moi. Il fait vraiment un temps de merde.
- Hmm. confirmait-il en se caressant le bout de la barbe, plogeant ses yeux sur le panorama de mon quartier, depuis le balcon ouvert et couvert où on se trouvait.
- Quelque chose ne va pas, Hakim ? mes sourcils se fronçaient devant l'air plutôt en retrait du brun.
D'habitude quand je me sentais mal, il était toujours du genre à essayer de me faire sourire mais là, rien.
- Si, tranquille.
- Non, pas tranquille. Quoi ? insistais-je en m'installant de travers sur ma chaise après avoir remonté mes jambes sur l'assise, avant de tourner le haut de mon corps vers le rappeur qui semblait ailleurs. Allez, dis-moi.
- J'aurais pas dû t'encourager à aller voir ta daronne, j'aurais dû te dire de suivre les conseils de ta sœur.
Sur ces mots, il se raclait la gorge avant d'étendre son bras vers la table qui séparait nos deux chaises, et d'attraper son paquet de cigarettes ainsi qu'un briquet. Dans le silence, il allumait son cylindre et l'apportait mécaniquement à sa bouche, sans même me jeter un regard. Il culpabilisait, il s'en voulait, il pensait que c'était de sa faute. Alors que pas du tout.
- Je regrette pas d'avoir vu ma génitrice aujourd'hui. déclarais-je, essayant de cibler la cause de son état.
- Moi j'en suis pas si sûr.
- Bien sûr que si.
- T'as revu ta mère refaire sa vie, avec des gamins derrière et un nouveau mariage. Elle t'a remplacé par de nouveaux marmots qu'elle regardera grandir en t'effaçant de sa mémoire. Elle les prendra dans ses bras en leur jurant de les aimer plus que sa propre vie, alors qu'elle laisse deux autres fils derrière elle. Y a rien de bien à apprendre ça.
Muette, je l'observais jurer avant de se frotter le visage, expirant longuement la fumée par le coin de ses lèvres. Si je n'avais pas été bouleversée par ses révélations, peut-être que j'aurais fondu devant cette scène sexy, Hakim qui fumait lentement une cigarette, de profil à moi, faiblement éclairé par un lampadaire à l'ampoule orange dans la rue en contre-bas. La pluie qui tombait devant nous sans pour autant que l'on ne soit mouillé d'une goutte, grâce au balcon du voisin du dessus qui nous servait de parasol sans soleil.
Mais non, il y avait bien là quelque chose qui me faisait tiquer. Fils.
- Est-ce que ta-
- On pardonne pas à ses darons quand ils nous oublient. claquait-il, me faisant comprendre de plus en plus qu'il se sentait concerné.
- Ta mère... Ta mère a refait sa vie ?
- Elle habite Oran, dans une grande baraque financée par son mari pété de thunes. Elle a refait trois ou quatre enfants qu'ont l'air de faire sa fierté. Et mon daron aussi, il nous a oublié avec Idriss, lui j'sais pas où il se terre et honnêtement, j'en ai rien à foutre.
Compatissante, je laissais ma main caresser le bras d'Hakim qui ne calculait pas mes attentions et je ne pouvais pas lui en vouloir, j'avais fait remonter des souvenirs chez lui, des souvenirs qu'on préférait mettre de côté.
- C'est pour ça que je regrette de t'avoir laissé voir ta daronne, j'veux pas que t'aies mal comme j'ai eu mal en apprenant qu'ils avaient refait leur vie. J'en ai marre de te voir souffrir, ça m'fait mal à chaque fois.
Ma tête se penchait légèrement sur le côté pour observer Hakim d'un nouvel angle et je sentais mon cœur battre à la chamade dans ma poitrine. Je ne savais pas comment il réussissait à me faire l'aimer encore plus dans des moments comme ça, j'aimais sa manière de vouloir me protéger alors qu'on ne s'était rien promis, il était rempli de sincérité et je ne pouvais que l'en remercier pour ça.
- Je pense que l'entre-vue de tout à l'heure m'a permis, en quelque sorte, de mettre toutes ces questions derrière moi, de savoir comment elle vivait sa nouvelle vie, et je suis satisfaite de ce que j'ai vu. Elle n'arrivera jamais à être pleinement heureuse, elle n'arrive même pas à admettre que mon père se soit volontairement donné la mort à cause d'elle. Et ça va la ronger. Donc quelque part oui, je suis satisfaite.
- T'es sadique comme nana. ricanait l'homme à mes côtés, me faisant pouffer de rire.
- Tu m'apprécies comme ça, non ? le narguais-je alors qu'il tournait sa tête vers moi pour m'inspecter minutieusement, comme il savait si bien le faire. Qu'est-ce qu'il y a ? murmurais-je en suivant des yeux son pouce qui venait doucement épouser la surface de ma joue, sa paume de main ayant pris possession de ma mâchoire.
- Je ne t'apprécie pas, je t'aime. Et c'est différent. mon visage se mettait à chauffer, je remerciais le faible éclairage de m'épargner une nouvelle séance de moquerie de la part d'Hakim.
- Y a quoi de différent ?
- Je peux donner de l'aide à ceux que j'apprécie s'ils ont besoin mais je donnerai ma vie pour ceux que j'aime, sans une seconde d'hésitation.
- Et moi, je fais partie de la deuxième colonne ?
- Exact miss Kassab. on souriait tous les deux et j'aimais la manière dont on réussissait à clore des débats sans l'énoncer clairement
J'aimais aussi la facilité qu'avait Hakim pour me faire changer les idées, j'aimais la façon dont il me souriait en détaillant tout mon visage, comme s'il était à la recherche de la moindre imperfection. J'aimais me sentir désirée par ses yeux quand je me pointais devant lui dans une jolie tenue, je raffolais de ses compliments parfois sourds que je déchiffrais facilement.
Et puis, je l'aimais lui, tout simplement.
- Je reviens, je vais vérifier que Cora ne m'ait pas rappelé. sans attendre, je me levais de la chaise, ce qui fit tourner la tête d'Hakim vers moi. J'arrive.
Il acquiesçait simplement avant que je ne me penche pour embrasser doucement sa joue et que je ne quitte le petit balcon. J'avais limite l'impression d'être transportée par un nuage cotonneux qui me servait de guide, jusqu'à la commode de ma chambre, où reposait mon portable. J'appuyais furtivement sur l'écran d'accueil et remarquais que ma sœur ne m'avait pas rappelé, elle m'avait prévenu qu'elle serait occupée ce soir, par quelqu'un.
Les bras croisés derrière mon dos, je rejoignais la terrasse en hauteur pour retrouver Hakim, qui était toujours installé dans sa petite chaise, les yeux sur la vue face à lui. Face à lui, je me permettais de le détailler un peu plus que d'habitude, m'arrêtant par exemple sur ses biceps qu'il avait contracté en posant ses avants-bras sur les accoudoirs de l'assise.
Je ne savais pas de quel ciel cet ange était tombé mais en tout cas, je le remerciais d'avoir atterri dans mon cabinet.
- T'as pas sommeil ? ma question frappait le silence alors que je me trouvais juste dans le dos d'Hakim, debout derrière lui.
- Nan. Et toi ?
- Pas trop. mes bras glissaient le long des flancs de son cou, pour finalement se rejoindre sur l'avant de son torse. Tu vas au studio demain matin ?
- Non plus, j'ai envie de faire la grasse matinée avec toi. je pouffais de rire tandis qu'il embrassait calmement le creux de mon coude gauche, me donnant des frissons dans tout le corps. Enfin, c'est si t'es d'accord ?
- Tu m'as déjà vu refuser un matin dodo ? Avec plaisir tu peux rester. Mais... Tu risques pas de te faire charrier si tu n'y vas pas ? Les gars vont commencer à avoir de sérieux doutes, c'est pas la première fois que t'annules le studio avec eux.
- Ils savent juste que j'ai parfois autre chose à foutre que le son, t'inquiètes pas pour ça.
- D'accord... Et dis, tu pourras aller me chercher le petit déjeuner demain ?
- Tu m'demandes beaucoup de choses là Hayati. ricanait-il, me faisant sourire et plonger ma tête dans son cou, de gêne. Vas-y s'tu veux.
- D'ailleurs, tu sais pas quoi ?
- Nan mais vu comme tu parles beaucoup et que tu me laisses pas me détendre tranquille sur ton balcon, tu vas me dire.
- T'es pas drôle. claquais-je en me redressant, presque vexée qu'il m'ait coupé dans mon entrain.
- Wesh Nour j'rigole, reviens là. il attrapait mon poignet pile au moment où je m'apprêtais à rebrousser chemin, afin que je me reposte juste à côté de lui. Dis-moi.
- Laisse tomber, j'ai pas envie de t'emmerder.
- Ça y est tu m'emmerdes pas, c'était pour plaisanter, te braques pas. Vas-y, dis-moi.
- J'ai un nouveau problème.
Ses sourcils se fronçaient subitement alors que je me forçais à ne pas sourire ou à ne pas trahir mon jeu d'acteur en une seconde. Les bras croisés sous ma poitrine et le silence qui sifflait à mes oreilles, je fixais Hakim qui s'était redressé sur sa chaise, littéralement pendu à mes lèvres et à ce que j'allais bien pouvoir lui révéler.
- Qu'est-ce que t'as ? Nour ?
- Des fois j'ai... J'ai les jambes qui tremblotent. débutais-je, ne sachant en réalité pas trop comment aborder proprement le sujet. Y a aussi mes dents qui triturent mes lèvres parfois, mes mains qui gigotent, 'fin c'est compliqué.
Progressivement, le visage d'Hakim se détendait quand il comprenait enfin ce que je sous-entendais. Manquerait plus qu'il ne capte rien et qu'il me donne le numéro d'un bon docteur à lui.
- Et ça t'arrives quand ça ? il rentrait dans mon jeu en liant ses doigts aux miens pour me rapprocher de lui, sa main descendant ensuite pour agripper l'arrière de ma cuisse qui était juste à son niveau.
- Bizarrement quand t'es pas loin. Ou quand tu m'appelles, ou que tu m'envoies un message.
- Hmm, étrange ton histoire. poursuivait-il en faisant une pression sur ma hanche pour que je bascule une jambe par-dessus son bassin, afin de m'asseoir confortablement.
- Tu sais c'est quoi le pire truc encore ?
- Non. son large sourire illuminait son regard alors qu'il glissait un tout petit peu sur sa chaise pour que je puisse prendre un peu plus d'hauteur par rapport à lui, calant mes mains sur ses larges épaules.
- J'ai le cœur qui... Comment t'avais dit ça déjà ? Ah oui, j'ai le cœur qui flanche. Pile quand tu me prends dans tes bras ou que tu m'embrasses. Et j'aimerais comprendre pourq-
Les lèvres d'Hakim s'écrasant sur les miennes, m'empêchaient de finir ma phrase et m'arrachaient au passage un grognement qui sembla plaire au brun qui ancraient ses doigts au bas de mes reins. Mon souffle se sciait littéralement devant le baiser qui me donnait limite un mal de crâne de fou. Les symptômes de l'amour diront-ils.
J'aurais pu être sur une plage déserte de Bali ou assise sur la banquise de la Laponie en short que ça m'aurait été autant indifférent, tellement je m'adonnais à la bouche d'Hakim qui venait bientôt chercher ma langue.
- Je crois savoir ce que j'ai. murmurais-je en repoussant légèrement mon partenaire pour pouvoir le regarder dans les yeux, ses lèvres gonflées et ses pupilles éclatées de par notre récent échange.
- Dis-le. un sourire idiot ne voulait pas quitter son visage et je le trouvais mystérieusement plus beau comme ça, si bien que j'aurais aimé mettre cet instant sur pause, pour ne jamais vivre sans cette image dans la rétine.
- Je crois que je t'aime. Comme tu le fais avec moi.
Le temps semblait se figer juste après que ma bouche se soit refermée et que le son se soit muté dans ma gorge. Silencieuse et presque interdite, je regardais Hakim en ne sachant pas quoi dire et en ne sachant pas ce qu'il allait bien pouvoir me répondre. On disait quoi à un "je t"aime" ? Merci ? Moi aussi je t'aime ? Et on faisait quoi après ?
Avec mon ex, c'était plutôt rapidement éclipsé, un simple "Moi aussi" et c'était vite oublié. Mais là de le dire à Hakim, j'avais l'impression d'avoir sorti la plus grosse des conneries ou alors, l'alignement de mots le plus gênant au possible.
- T'es sûre ?
En effet, je m'étais préparée à tout type de réponses avant d'avouer mes sentiments à Hakim. Mais le "t'es sûre", n'avait jamais effleuré mon esprit.
- Euh... Oui ? le rouge me montait aux joues, j'avais peur qu'il pense que je me foutais de sa gueule.
- J'te dis pas ça pour te foutre la pression Nour ni rien, je veux juste que tu sois certaine de le penser sincèrement. J't'ai dit que tu pouvais prendre ton temps, je sais que c'est pas rien de-
- Hakim, je suis amoureuse de toi, pour de vrai. Et arrêtes de me le faire répéter, je vais finir par croire que tu es narcissique.
L'homme sous mes fesses me regardait encore quelques instants avant qu'il n'expire violemment, comme s'il avait retenu tout l'air de la Terre dans ses poumons, de crainte que je me foute de lui ou que je dise ça dans le vent. Or pas du tout, j'avais visiblement les mêmes symptômes que lui.
Les jambes qui tremblotent quand je m'imagine devoir le faire rire toute une soirée. Mes mains qui gigotent nerveusement quand je le prends dans mes bras. Le fait que je ne puisse pas m'empêcher de sourire devant chacun de ses textos, appels. Et surtout, le plus important et pas des moindres, le coeur qui flanche à peine je lui adressais une quelconque attention.
C'était donc ça d'être véritablement amoureux ? Je pensais que c'était juste un conte urbain pour enjoliver les situations alors que pas du tout, y avait rien de plus sincère que l'amour.
Et puis, c'était tout naturellement qu'on était partis se coucher même pas dix minutes plus tard, se serrant dans les bras l'un de l'autre à n'en plus pouvoir respirer, les baisers d'Hakim s'échouant par centaine sur le sommet de mon crâne. En réalité, il ne me fallait vraiment pas plus.
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Ne serait ce pas une mise en couple indirecte qu'on aurait là 😎 38 chapitres je crois que ce n'est pas mon record de mise en couple mais purée, que ce fut long, on est là depuis septembre quand même mdrrr
J'espère que ce chapitre vous a plu en tout cas, on se retrouve mardi pour la suite (il serait temps que je mette un peu de ma touche perso dans les prochains chapitres...)
Bisous prenez soin de vous !!