Léonie
Respirant profondément comme si je m'apprêtai à plonger au fin fond de l'océan, j'abaisse d'une main tremblante et surtout nerveuse comme pas possible, la poignée de ma chambre.
A peine celle-ci s'ouvre que le visage de Naël apparaît et j'ai un soupir de soulagement qui m'échappe.
Il hausse un sourcil, pas dupe pour un sou de ma nervosité grandissante puis esquisse un sourire bienveillant.
– Ce n'est pas le moment de nous claquer entre les doigts, Picasso...
– Hahaha, très drôle, Cowl, je riposte aussitôt d'une voix sarcastique.
Son sourire s'étire et je lève les yeux au ciel avant de le rejoindre dans le couloir.
Mais plus nous approchons du salon où doit se trouver ma mère ainsi qu'Elia, et plus j'angoisse à nouveau.
– Elle n'a jamais rien vu, je lui confie. Elle ignore tout du changement qu'on subit mes cheveux...
– Et ton père, il n'a jamais rien dit ?
– Avant que ces deux traîtres se liguent contre moi, ils ne se parlaient plus depuis leur séparation.
Bavarder me fait penser à autre chose mais quand j'arrive à l'avant dernière marche, je freine des quatre fers, avec l'envie irrépressible de partir cacher ce blanc que j'arbore avec énormément de difficulté. Mais surtout, j'appréhende la réaction qu'elles vont avoir et j'ai peur d'être déçue... Pire, qu'on me brise un peu plus en me rejetant...
– Flamme Ardente...
Le ton redevenu langoureux de Nathanaël comme quand on était dans la salle de bain me fait porter les yeux sur lui. Mais ce n'est pourtant pas son regard que je vois en premier, mais la mèche blanche qui glisse entre ses doigts.
Je retiens mon souffle, à demi figée. Depuis qu'il les a vu, il n'a pas arrêté de les toucher, presque avec révérence et délicatesse comme s'ils étaient précieux et fragiles.
Son toucher n'a rien avoir avec ce que j'ai subie quand on me les tirés pour essayer de vérifier si c'était des vrais et non des extensions ou une perruque. Et pourtant, ça me pétrifie toujours autant, même avec lui.
– Et si elle me rejette... ? je m'entends alors formuler tout bas.
– C'est ta mère, Picasso. Elle est programmée pour t'aimer inconditionnellement.
Sa réponse censée me rassurer n'a pas l'effet escompté. Parce que Gaëlle est peut-être ma mère mais elle est aussi celle qui m'a trahie. M'a piégée et nos liens sont plus rompus que jamais. Alors au final, c'est très probable pour qu'elle me rejette, ne préférant pas avoir une abomination pour fille.
Elle ne te rejettera pas, sombre idiote. Mais il lui suffira d'un regard pour comprendre ce que tu n'as pas encore dit. Et quand elle découvrira toute l'histoire, les coupables devraient prendre un billet d'avion pour l'autre bout du monde au plus vite parce qu'il n'y a pas pire qu'une louve furieuse quand on s'en prend à ses petits.
Ma conscience n'a pas tort et en me rabrouant de la sorte me fait descendre la dernière marche. Peu importe combien nos rapports sont compliqués, elle était déjà prête à en découdre avec la coupable qui m'avait rouée de coups. Elle ne peut pas me rejeter parce que j'ai des cheveux aussi blanc que la neige qui a commencé à tomber dehors.
Je souffle longuement et lentement puis je finis par apparaître dans le salon où Elia et ma mère se trouvent. Et comme si elle était greffée d'un radar pour détecter ma présence, elle tourne aussitôt la tête vers moi et je n'aie plus le temps de fuir pour me cacher.
Trop tard, elle m'a vue et ses yeux qui s'agrandissent me font malgré moi reculer d'un pas.
Nathanaël me dépasse et s'affale dans le canapé, nonchalant. Pourtant, je sais que son attention est braquée sur moi.
– Sympa ta nouvelle couleur, chérie, sourit ma belle-mère.
– En accord avec la saison, ajoute ma mère.
Je sens ma bouche qui s'assèche considérablement et je prie pour que le sol s'ouvre sous mes pieds et m'avale.
Malgré moi, je finis par aller trouver le regard de Nathanaël qui esquisse un petit sourire engageant.
Mon cœur bat comme un fou dans ma poitrine alors que j'essaie par tous les moyens de sortir les mots de ma gorge.
– Je...
Impossible, putain. J'y arrive pas.
– Léo, chérie ? Ça va ?
Non, maman. Rien ne va.
Je suis incapable de t'avouer que ce blanc que tu trouves joli est ma véritable couleur de cheveux.
Je suis amoureuse de ton beau-fils.
J'ai vécue un enfer pendant un an et encore cette année.
Et ta trahison avec papa a pourtant été la plus douloureuse chose parmi tout ça.
A la place de dire tout ça, ce sont des larmes qui dévalent mes joues sans que je puisse arrêter quoique ce soit. Encore une fois, me voilà spectatrice de ma propre vie, hors de mon corps. Du coin de l'œil, j'aperçois Nathanaël se redresser sur le canapé et serrer les poings sur ses cuisses, se retenant sûrement de bondir de là où il se trouve pour foncer sur moi.
Je secoue la tête, me détestant de ma lâcheté.
– Je suis désolé, j'y arrive pas... je lui lance sans même le regarder avant de m'enfuir d'ici à toute vitesse.
– Léonie ! crie ma mère mais déjà je suis dehors, enfilant mon manteau tout en courant le plus vite possible.
Et cette fois, je sais parfaitement où je me rends, en ajustant la capuche sur ma tête qui dissimule ma longueur. Je monte dans le premier bus que je vois tout en textant à Kaylee, lui demandant si on peut se voir. Sa réponse fuse aussitôt :
T'es toujours la bienvenue. Je t'attends.
Au même moment, mon téléphone affiche un appel entrant de Nathanaël et la mort dans l'âme, je l'envoie sur messagerie.
Bien évidemment, il réitère puis en comprenant que je ne répondrai pas, il m'envoie un message :
Bordel, Picasso réponds !
Dis-moi au moins si tu vas bien...
Léonie...
T'es partie où ?
Léonie Style, merde ! Réponds à ce putain de téléphone !
Je ne lis plus et à la place, j'éteins mon téléphone et descend dans la rue de Kaylee. Je n'ai à faire que quelques pas que déjà je trouve ma meilleure amie en face de moi, accompagné d'un sourire qui me fait fondre encore une fois en larmes dans ses bras.
– Je te jure que si tu pleures à cause de Naël, je vais le défoncer, commence-t-elle à le menacer et elle m'arrache une faible rire.
– Non, rien avoir avec lui, je réponds entre deux sanglots.
– C'est déjà ça, au moins. Aller viens, allons au chaud.
Elle m'invite chez elle et aussitôt la chaleur de la maison réchauffe mon cœur meurtrie. Et nous sommes instantanément bien accueillie par ses deux petits jumeaux qui ressemblent énormément à Kaylee.
– Hey, deux secondes, bande de monstres ! râle mon amie et la vision de ses frères en train d'attirer son attention en agitant leurs mains tout en me jetant des regards curieux me tire un sourire attendri.
– Mais parlez pas si vite ! J'ai pas le temps de suivre... Donc, alors pour répondre à votre première question, je vous présente Léonie. C'est une excellente amie à moi depuis la rentrée. Léo, voici les jumeaux, Zackary mais que tout le monde appelle Zack et Hiro.
Je salue les deux garçons d'un geste de la main, unique signe que je connais dans la langue des signes. Mais ça suffit aux deux petites têtes pour m'offrir un sourire à faire fondre un cœur de glace.
– Tu veux quelque chose à boire ? me demande Kaylee qui part vers la cuisine.
Je lui emboîte le pas.
– Un chocolat chaud ?
– Je te fais ça tout de suite !
Je la remercie d'un sourire mais déjà, ses frères me harcèlent pour que je sois attentive à eux, tirant sur mon manteau et agitant leurs mains dans tous les sens.
– Désolé, les gars mais je ne sais pas parler la langue des signes...
Zack et Hiro n'ont pas l'air de m'en vouloir car déjà ils attrapent un bloc note et griffonnent à toute vitesse avant de me le montrer. Je décortique les pattes de mouches des enfants avant de sourire à nouveau quand je comprends ce qu'ils viennent d'écrire.
Tu prends soin de notre sœur ? a écrit Zack où Hiro a complété avec :
Parce qu'elle prend toujours soin de nous mais personne ne s'occupe d'elle.
Je fronce les sourcils à la seconde phrase avant de jeter un regard à la concernée qui s'affaire en cuisine.
Avant de remarquer quelque chose :
– Tes parents ne sont pas là ?
Je vois le dos de Kaylee se raidir avant qu'elle ne lâche un soupir et me fasse face.
– Ils ne le sont jamais.
J'hausse les sourcils.
– Comment ça ?
– Eh bien... (Elle jette un regard aux jumeaux puis me regarde à nouveau) mon père est flic et ma mère est juge. Leurs boulots prennent tous leurs temps et ils sont rarement à la maison.
– Je comprends mieux ce que veulent dire les jumeaux maintenant...
Elle fronce les sourcils avant de braquer son regard sur les deux petits monstres, tout sourires :
– Qu'est-ce que vous avez encore dit ?
J'ai un rire nerveux avant que je ne lui montre ce qu'ils ont écrit.
– C'est adorable qu'ils s'inquiètent pour toi.
Elle soupire.
– Certes mais c'est moi la grande sœur, pas eux.
– L'un n'empêche pas l'autre, tu sais.
– Mon dieu... J'imagine le jour où ils vont rencontrer Shiro, ricane-t-elle.
– C'est toujours pas fait ? je m'étonne.
– Non...
– Pourquoi ?
Elle hausse les épaules.
– Je ne sais pas pour être franche... Mais dis-moi, pourquoi tu portes encore ta capuche à l'intérieur ?
Je me tends et par reflexe, rabats un peu plus la capuche sur ma tête. Ce qui ne fait qu'éveiller la curiosité de Kaylee.
– Pour euh... Rien de spécial...
– Quoi ? T'as voulu essayer une nouvelle teinture et au final, c'est supra moche ?
Je crois que j'aurai préféré, oui.
– Je n'ai pas fait de teintures...
– Bah alors ils sont toujours bleus.
– Non plus, je soupire.
Kaylee fronce de plus en plus les sourcils avant que tout à coup, elle les lèvent en s'exclamant :
– Oh putain ! Alors s'ils sont ni bleus ni d'autre couleur ça veut dire que... OHBORDELDEMERDE !
J'arque un sourcil devant tant d'exclamation avant qu'elle ne lance en me suppliant presque :
– Punaise, je veux voir, s'il te plaît Léooooooo...
– Mais pourquoi sachant que tu sais qu'ils sont simplement –
– Blancs ! Justement, ce n'est pas rien ! Je suis sûre que tu dois être magnifique avec !
Je baisse la tête, ne préférant pas commenter.
– Léonie ! s'écrie Kaylee d'un ton faussement sévère qui me fait pouffer.
– Ok, ok, très bien, je te les montre, je soupire en retirant sans plus réfléchir la capuche et libérant ainsi la blancheur immaculée dans mon dos.
Ses yeux s'agrandissent, elle porte les mains à sa bouche alors que je sens aussi deux autres paires de yeux sur moi que j'avais momentanément oublier.
Avant qu'un bloc note apparaissent sur mes genoux et que je lise ce que vient d'écrire Zack :
Plus tard, tu seras ma femme. T'es trop belle !
– Putain ! crie Kaylee nous faisant sursauter. Mais Léonie bordel !!!!
Elle contourne le comptoir de la cuisine, et se met à tourner autour de moi tout en jurant comme si c'était un job à plein temps.
– Bon sang ! Mais ils sont magnifiques, putain ! s'émerveille Kaylee.
Ce qui ne fait que me plonger davantage dans la confusion. Comment peut-on trouver ça magnifique ?
– Je peux les toucher ou ça va te rappeler de mauvais souvenirs ? se radoucit Kaylee.
J'acquiesce avec lenteur.
Et comme Nathanaël un peu plus tôt, elle les caresse doucement, avec respect.
Ca ne fait que me bouleverser encore une fois et je me retrouve être réconforté par deux gosses de huit ans et ma meilleure amie.
Avant qu'une sonnerie de téléphone interrompt le moment.
– C'est normal que ton mec m'appelle ? demande perplexe Kaylee et mon cœur loupe un battement.
– Nathanaël Cowl ! Que puis-je faire pour toi ? Léo avec moi ? Peut-être bien pourquoi ? Mince ! C'est embêtant ça, se moque Kaylee et je fronce les sourcils. Oh lala ça va, pas besoin d'être aussi de mauvais poil ! Bon, tiens, récupère ton ours là, le lait va passer par-dessus. Merde, c'est déjà fait ! s'écrie Kaylee en me filant le téléphone et se précipitant dans la cuisine.
Je secoue la tête en riant doucement avant de porter le téléphone à mon oreille.
– Je vais bien.
– Putain Léonie ! Tu sais à quoi sert un téléphone ?
– A faire des photos ? j'ironise.
– A REPONDRE !
J'écarte un instant l'appareil, grimaçant. Merde, il est furieux. En fait, non, inquiet plutôt.
– Désolé mais je vais bien. Je suis chez Kaylee en merveilleuse compagnie par les jumeaux. Oh, d'ailleurs, j'ai oublié de préciser que Zack m'a demandé de l'épouser plus tard ?
Sa réaction ne tarde pas.
– Quoi ?! Putain qu'il pose ne serait qu'un doigt sur toi et je-
– Nathanaël ! j'éclate de rire sans me retenir. Ce n'est qu'un enfant de huit ans ! Qu'est-ce que tu vas bien pouvoir lui faire ?
Il jure puis soupire.
– Je ne te partage pas. C'est tout.
Mon cœur se réchauffe à ses mots.
– Tu sais que t'as crée une panique intergalactique avec ta fuite ? Ça devient une habitude, Picasso, raille-t-il.
– Dis leurs que je rentre dans une heure.
– Tu comptes rester chez Kaylee ?
– Si je te manque trop, t'as qu'à venir.
– Ne me tente pas, Flamme Ardente...
Je ris.
– Bon, je dois rendre le téléphone à sa proprio. A toute !
– C'est ça, marmonne Nathanaël et il est le premier à raccrocher.
J'éclate de rire en rendant l'appareil à Kaylee qui me dépose le chocolat au lait devant moi.
– Merci, disons-nous en même temps.
– Alors tu restes avec moi pendant une heure ? sourit ma meilleure amie.
– Si ça ne te dérange pas...
– Bien sûr que non !
– Cool alors !
🤍🤍🤍🤍
Nouveau chapitre ici !!!
Peut-être que le suivant arrivera dans la journée si je le termine.
Bon alors dites moi ce que vous pensez de ce chapitre ? Léonie y était presque mais a encore une fois paniqué. Au moins, elle a enfin rencontré les frères de Kaylee et elles vont passer du temps entre girls !
Le prochain chapitre sera réservé à Naël et autant vous prévenir, pauvre chat, je vais pas l'épargner !
N'oubliez pas de voter !
À très vite (au cas où) pour la suite !
Xoxo 🦋