Léonie
Punie pendant deux semaines. Voilà de quoi j'écope à peine de retour à la maison. Oh et j'oubliais aussi : privé d'ordi et de téléphone.
Pourtant, ça me passe au-dessus. Je ne suis pas prête de leurs pardonner de m'avoir foutue au pied du mur. Résultat, je n'adresse plus un mot à ma mère et le fossé entre nous est plus béant que jamais. Je n'aie pas reparlé à mon père non plus qui est repartie il y a deux jours pour Boston. Il règne une ambiance pourrie à la maison. Je ne suis pas la seule à faire ma crise d'ado car Nathanaël aussi a décidé de faire le numéro de l'ado à ne pas emmerder.
Depuis que Matthew nous a ramené chez nous, il est d'une humeur irritable et envoie chier tout le monde à peine on lui adresse la parole.
Il sort à peine de sa chambre et les repas en famille dégénèrent rapidement avec nous deux. J'ignore ce qui lui arrive mais je suis inquiète pour lui.
Plusieurs fois je suis allé frapper à sa porte mais il ne m'a jamais ouvert. La porte est restée désespérément fermée.
Je me demande si cela a un rapport avec la dispute qui a éclaté le lendemain de ma disparition provisoire. Matthew et Elia semblaient avoir une sacrée divergence d'opinion. Ils ignoraient que j'étais juste dans le couloir mais j'ai surpris quelques morceaux de leurs conversations.
« – Je t'ai interdit de t'approcher de lui ! avait crié ma belle-mère.
– Tu ne peux pas l'empêcher de me contacter s'il le veut, avait riposté Matthew en fourrant les mains dans ses cheveux.
Elia s'était alors brusquement retourné vers lui, le regard furieux.
– Tu sais très bien qu'il ne doit rien savoir, Matthew !
Matthew avait haussé un sourcil puis demandé calmement :
– Justement, parlons-en de ta décision. Tu comptes lui cacher la vérité encore combien de temps ?
Elia s'était figée, fixant Matthew d'un drôle de regard.
– Il n'a pas besoin de savoir.
– Au contraire. Il a le droit de savoir, Elia. C'est sa vie, bon sang !
– Ne crie pas si fort ! avait paniqué ma belle-mère. »
Et je n'aie pas écouté la suite, craignant de me faire surprendre. Cependant, depuis que j'ai entendue cet échange, j'ai parfaitement compris que le concerné de la discussion était Naël et que sa mère ainsi que le doc étaient au courant d'une chose qui le concernait. Mais apparemment, Elia ne voulait rien dire tandis que c'était le contraire de Matthew.
Je soupire en fixant le plafond blanc de ma chambre. Je ne fais que ça depuis deux jours alors que je pourrai continuer de lire Neon Gods si je cessais de me torturer le cerveau en essayant de comprendre le changement d'humeur de mon demi-frère et le fameux secret qui le concerne...
Mais il faut dire que deux jours sans le moindre véritable contact avec lui me manque bien plus que je ne l'aurais pensé. Jamais encore il ne m'avait ghosté ainsi.
Décidée à comprendre ce qui lui prend, je me lève de mon lit, avance vers le bureau et attrape une feuille sur laquelle je gribouille : on se retrouve dehors ?
Je vérifie que la voie est libre en ouvrant prudemment la porte de ma chambre puis sur la pointe des pieds, je franchis le seul pas qui me sépare de celle de Naël et glisse la feuille que j'ai plié en quatre, sous sa porte.
A ma plus grande surprise, la feuille revient par le même chemin avec une réponse écrite : T'es privé de sortie je te rappelle.
J'arque un sourcil avant d'écrire à toute vitesse : ça tombe bien, j'ai toujours rêvé de faire le mur ! Alors ?
Rejoins-moi sur le balcon. Je me tape le front du plat de la main, récupère la feuille et repars vite dans ma chambre.
– Sérieusement, pourquoi je n'y aie pas pensé plus tôt ? je lui lance en le rejoignant.
Il rigole avant de m'attirer contre lui et de me voler un baiser passionné. Je crois que je soupire contre ses lèvres qui m'ont tant manqués depuis ces dernières quarante-huit heures.
– C'est thérapeutique de t'embrasser, Flamme Ardente, souffle-t-il.
J'observe ses cheveux plus en bataille que jamais, ne résistant pas à y passer une main dedans et les foutre encore plus en joyeux bordel. Nathanaël grogne avant de me pincer les côtes, ce qui m'arrache un glapissement de bébé chien. Ce qui nous fait tous les deux rire.
– Tu m'as manqué, je m'entends dire.
– Excuse Picasso mais j'étais pas d'une super humeur. Non que je le sois aujourd'hui mais je crois que tu serais capable de transformer un ours agressif en bisounours arc-en-ciel.
J'éclate de rire.
– Je devrai essayer un jour ! Bon, que dis-tu qu'on se casse avec nos supers humeurs et qu'on aille emmerder d'autres gens ?
Il sourit, révélant ses dents.
– Je te suis !
– J'ai gribouillé rapidement un truc, je lui montre en mettant la feuille devant ses yeux.
Il ricane.
– T'es décidé à jouer l'ado rebelle qui fait tourner en bourrique ses vieux, toi !
Je souris de toute mes dents, acquiesçant fièrement.
– Elle m'a déclarée la guerre.
Pour vous expliquer ce qu'il se trouve sur la feuille, j'ai fait un plan de la ville dans la forme d'un labyrinthe, notifiant tous les endroits où je compte aller avec une légende au-dessus : essayer de me rattraper si vous le pouvez !
Evidemment, je compte fréquenter aucun des endroits sur la feuille, sinon ce ne serait pas drôle.
– Tu vas aggraver ta punition, Picasso...
– Mince ! C'est vrai ? je souris.
Nathanaël roule des yeux.
– C'est carrément de la provocation, Léonie...
Cependant, je ne manque pas le sourire qu'il ne peut retenir.
– J'ai découvert que c'était ma nouvelle passion ! Et puis, de toute façon, je pourrai toujours faire le mur.
Naël secoue la tête, comme désespéré de mon cas.
– Bon alors on va où ?
– Je ne sais pas, j'admets mais on finira pas trouver.
– Ca me va.
Et suivant son accord, il saute par-dessus le balcon et réatterris sur ses pieds. Bon, il n'est pas super haut non plus alors après avoir laissé mon joli petit cadeau sur le bureau, je le rejoins en bas sans mal. Et comme deux fugitifs, nous fuyons en courant notre prison en plaqué or.
***
– Une chance que Matthew n'ait pas dit où j'étais, je lance tandis que nous entrons dans le vieil entrepôt.
Un de nos endroits favoris à présent.
– Ouais, marmonne Naël en laissant tomber son sac à dos noir qui émet un bruit sourd sur le béton.
Je m'étire tel un chat et j'ai même un bâillement qui surgit, me provoquant des larmes de fatigue dans les yeux. Ce qui évidemment, il ne tarde pas à remarquer.
– Depuis quand t'as pas dormi avec toutes tes heures de sommeil, Léo ?
J'arque un sourcil ironique.
– Tu veux dire depuis la fois où ma mère m'a surpris dans ton lit ?
Je ne lui laisse pas le temps de répondre que j'enchaîne en renvoyant sa question :
– Et toi, depuis quand t'as pas dormi ?
Je désigne du menton ses cernes sous les yeux et son air épuisé que j'ai bien évidemment remarqué.
Il hausse une épaule.
– J'sais pas. Sûrement depuis que ta mère t'as surpris dans mon lit...
Conclusion : on dort mal sans l'autre voire pas du tout.
– Qu'est ce qui te tourmente, Picasso ? m'interroge-t-il en formant une ceinture avec ses bras autour de ma taille.
Je soupire et love ma tête contre son épaule en l'entourant à mon tour.
– Rien, juste quelques cauchemars. Et toi... ?
Je sens son menton s'appuyer sur le haut de ma tête.
– Je n'aie plus l'habitude de dormir seul.
Mon cœur loupe un battement.
C'est vrai, excepté deux ou trois nuits, nous avons toujours dormi ensemble depuis que notre relation ? a commencée.
– Moi non plus, confié-je.
– Alors reviens ce soir, Flamme Ardente...
Je lève la tête pour croiser ses iris. Ce qui le déloge de mes cheveux et lui tire un râlement.
– Tu m'ouvriras la porte cette fois ?
Il caresse doucement le bas de mon visage en faisant oui de la tête.
– Même quand c'est fermée, entre Picasso. C'est toujours mieux de tourner en rond à deux que seul.
Est-ce qu'on peut mourir d'amour ? Enfin, est-ce vraiment de l'amour que je ressens pour lui ? J'en sais rien. Je ne suis pas certaine de déjà savoir ce que c'est.
Mais ce qu'il vient de dire fait tellement battre mon cœur que j'ai vraiment l'impression d'avoir de profonds sentiments pour Naël.
Je me lèche les lèvres, un mouvement purement mécanique mais qui attise les flammes dans ses yeux et fait renaître ce désir que nous avons pour l'autre.
– Alors je viendrai ce soir, je souffle tout contre ses lèvres en me hissant légèrement sur la pointe des pieds.
Ce qui lui fait plisser les yeux avant qu'il ne fonde sur ma bouche qui ne fait que le provoquer davantage. Je souris contre ses lèvres tandis que nos corps se collent, réduisant le moindre écart entre nous, pendant que nos langues entament une danse propre à elles-mêmes qui fait éclater une volée de papillons dans mon ventre. Pris au piège par notre frénésie, nos pieds trébuchent dans ceux de l'autre, ce qui nous fait pouffer.
Avant que tout ne s'intensifie quand Nathanaël se retrouve le dos plaqué contre le mur en taule... Enfin, avant qu'il n'inverse les rôles et la taule claque et résonne dans mon dos quand ce dernier la rencontre brutalement.
Ses mains glissent sous mes cuisses avant qu'il ne me soulève et j'enroule les jambes autour de ses hanches, les bras autour de son cou et mes doigts venant jouer et tirer ses boucles de cheveux. Nathanaël grogne contre mes lèvres, mordille ma lèvre du bas. Ses doigts pressent mes cuisses par-dessus mon jean, provoquant un délicieux pincement qui titille mes envies joueuses.
Paresseusement, je glisse ma langue sur sa lèvre, décidé à le taquiner un peu.
J'ouvre les yeux pour trouver les siens plus qu'éveillé et son sourcil narquois levé.
Je survole sa bouche sans jamais l'embrasser et il lâche un grognement frustré.
– T'es une sacrée emmerdeuse, Picasso. Rends-moi ce qui me revient, grogne-t-il en emprisonnant mon visage dans ses mains et venant m'embrasser avec encore plus d'ardeur qu'il y a quelques minutes.
J'oublie aussitôt mes révoltes féministes, ne sachant de toute façon plus ce que je voulais dire, délicieusement confuse et occupée par ses lèvres qui revendiquent les miennes comme si je lui avais toujours appartenue.
Et au fond, je donnerai cher pour que ce soit le cas parce qu'une chose est claire : j'ai Nathanaël dans la peau, dans la tête et dans le cœur.
Il est partout, n'importe où et n'importe quand.
Il a envahie la maison, ma chambre, l'école. Je tourne la tête, il est là. Je lève les yeux, il est là aussi. Même au fond de l'enfer, il est encore et toujours là.
Ce qui ne fait que m'effrayer davantage car quand il ne sera plus là, comment ferai-je ? Je me suis tellement habitué à le savoir partout et à n'importe quelle heure avec moi que je crains du jour où il devra repartir et moi rester ici. Du jour où nos chemins ainsi que notre relation se terminera. Parce que c'est bien connue ; toutes les bonnes choses ont une fin.