Let Somebody Go T.1

By -livresse

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Au gré du vent, la vie de Marin passe entre bonheur et manque. Il y a un peu plus de deux ans, sa mère a pris... More

là où tout commence.
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By -livresse

𝐦𝐚𝐫𝐢𝐧

Cette fille est magnifique. Tout chez elle semble fait pour plaire. De la forme de son visage aux quelques taches de rousseurs qui ornent son nez passant par ses yeux d'un vert envoutant, je ne peux en détacher les miens. Sa beauté est flagrante et ne passe pas inaperçue. Mon cœur commence à battre vite, un peu trop vite, j'y pose ma main pour lui demander de la meilleure des manières de me laisser l'admirer.

Mais je la reconnais bien trop vite pour ne pas comprendre le regard mauvais qu'elle me lance. J'en souris car cette situation ne pouvait pas être pire. S'il y a bien une personne que je ne souhaitais pas revoir, c'est bien elle. Cette dernière me fait la grimace alors que nos yeux ne peuvent se détacher. Je vois donc cela comme une forme de haine et elle en a totalement le droit. Je suis partie la laissant choquée toute seule sans même lui demander si elle allait bien. Quel mauvais garçon je fais.

Ma mère remarque que l'attention que je porte à cette fille n'est pas la même que la sienne. Elles semblent bien s'apprécier, enfin je l'ai compris grâce à leur conversation plus que sincère.

Evane coupe le seul vrai lien que nous avons en clignant des yeux plusieurs fois d'affilée, comme éblouie ou se rendant compte de quelque chose.

— Mais vous ne lui avez jamais fait passer son permis vélo ?

Quelle bêtise est-elle en train d'inventer ?

— Un permis vélo ? Ça existe ce truc ?

— Nan, mais il a jamais appris à regarder devant lui en roulant ? Je ne sais pas moi, c'est la base.

— C'est vrai qu'il passe la plus part de ses journées sur un bateau depuis deux ans, peut-être qu'il a perdu les bases.

Le culot de ma mère. Moi qui pensais que son rôle était de me soutenir, elle échoue lamentablement.

— Non mais oh, je ne vous gêne pas à parler de moi comme si je n'étais pas là ? Bien sûr que si, je sais faire du vélo, c'est juste que j'étais stressé à propos de notre problème. Et en plus tu es apparue comme ça, d'une petite ruelle, sans prévenir !

Elle ouvre grand la bouche, offusquée par mes paroles alors qu'elles n'ont rien de blessant.

— Ça va être de ma faute maintenant ! me pointe-t-elle du doigt. Désolée de connaitre les raccourcis qui me permettent de ne pas me faire engueuler par mon père si j'arrive en retard.

Cette discussion me fait rire pour je-ne-sais-quelle stupide raison. Mais de son côté, Evane semble prête à exploser tant elle semble exaspérée devant mon comportement. Je lis sur son visage que je si je continue, je risque d'aller plus vite que je ne le pense dans l'eau, le corps bandé pour que ma noyade soit immédiate. Peut-être qu'en fait c'est ce à quoi j'ai pensé en découvrant qui elle était.

Mais comme je ne renoue devant rien, je continue de la provoquer. Cette soudaine attraction qui nous unit me plait et je ne risque pas de la laisser s'effacer aussi facilement.

— Comment va ta voix depuis tout à l'heure ?

— Et toi, comment vont tes oreilles ? Il s'agirait de savoir les laver.

Ma mère pouffe et à côté de moi Néréo fait de même. La répartie est quelque chose que j'aime et elle semble savoir l'utiliser. Je sens que cette fille ne va pas être n'importe qui pour moi. Quitte à rester bloquer dans la même ville qu'elle pendant quelques temps, je peux au moins jouer en sa compagnie.

— Elles se portent à merveille, merci de demander. J'essaie de les préserver en écoutant que ce qui m'intéresse. Les gamines qui hurlent et ne voient rien, ça ne les passionnent pas trop.

— Ah oui ? Oh c'est intéressant ça dis donc. Et si je leur dit d'aller se faire voir, elles m'entendent ?

Nos rictus se forment à l'unisson, fiers des piques que nous pouvons nous lancer mutuellement. Il faut dire que les poissons ne sont pas les personnes les mieux placées pour m'améliorer au niveau de ma répartie, alors Evane tombe à pic.

— Marin, me réprimande ma génitrice au moment où je comptais justement lui répondre en posant une main sur mon épaule.

Je lui obéis car je n'ai pas envie de me la mettre à dos, même si une simple conversation n'est pas un motif pour une dispute. Quand elle partira je lui poserais toutes les questions qui me viennent concernant sa nouvelle amie.

Evane met ses mains dans les poches arrières de son jean, se balançant de droit à gauche, soudainement mal à l'aise. Elle prétexte avoir une urgence amicale en sortant le plus discrètement de notre bateau, disant au revoir seulement à ma mère et mon frère. Moi qui espérais un beau sourire de sa part, je m'en vois déçu... Je sais très bien que c'est une fuite, pas besoin d'avoir un QI de 230. Et même si cela est dû à moi et à mon arrogance, je garde en mémoire l'image de la profondeur de ses yeux. Je pouvais y lire des choses dont je n'avais pas le droit.

La légère pointe de son nez et les quelques tâches de rousseurs qui y perlaient ne cessent de se disperser devant moi. Je ferme les yeux pour ne plus y penser. Mais je ne cesse de me repasser la sensation qui se propageait en moi quand elle me regardait. J'en frissonnais.

Sauf que ressentir cela ne me mènerait à rien. Comment puis-je être sûr que ce sentiment est bien réel ? Alors que j'ai passé ma vie entière en compagnie des mêmes personnes et à n'aimer qu'eux. On ne m'a jamais appris à décrypter ce que mon cœur veut me dire ou ce que les filles ressentent aussi.

— Tu me déçois, Marin. Être gentil rien qu'une minute c'est trop te demander ? me blâme ma mère, en parlant avec les mains.

— Je suis désolé, OK ? Tu sais parfaitement que je ne suis pas comme ça d'habitude. Et puis, elle n'est pas celle qui va changer notre vie ici. Dans trois heures elle nous aura oubliés. C'est largement le genre de cette fille.

— Ce n'est pas de cette manière que je t'ai éduqué, à juger les personnes à leur apparence. Mais justement. Je veux que tu passes du temps avec elle, pour que tu te fasses des amis. C'est elle qui me l'a proposé.

Je lui souris. Elle voit peut-être ça pour une punition, mais je le vois plutôt comme l'opportunité de mieux la connaitre et de comprendre pourquoi mon rythme cardiaque en fait des siennes quand elle croise mon regard.

Après une simple œillade plus pour me faire pardonner qu'autre chose, je pars préparer les quelques affaires qui peuvent m'être utiles. Néréo est descendu dans la cabine au moment où Evane est partie. Mon comportement a dû lui aussi l'affecter et je compte bien lui dire que c'était seulement le stress qui m'a fait être méchant avec elle. Et même si je n'ai normalement pas besoin de m'excuser, je m'en vois obliger aujourd'hui, pour je-ne-sais-quelle raison.

Peut-être est-ce l'air de la mer qui commence à s'évaporer de moi. Ce monde dans lequel je viens de poser les pieds est en train d'avoir une mauvaise influence sur moi et je n'aime pas ça. Je n'aime pas ce qui émane de toutes les personnes que j'ai croisé. Tous semblent vivre à reculons avec comme seul objectif celui de mourir heureux alors que la joie n'a jamais été aussi réelle qu'en faisant ce qu'on aime et non en restant là où ils sont. Sûrement que la vie est aussi éphémère que l'amour et que chaque instant que l'on vit peut nous mener à notre propre perte ou au contraire à la plus belle expérience de notre existence.

Pour moi, vivre est bien plus complexe que ces quelques mots. Aucun sentiment ne peut pleinement décrire la peur extrême que je ressens à chaque respiration que je prends. J'ai peur de ne plus pouvoir voir ce qui m'entoure, de ne plus entendre le doux chuchotement des vagues et de ne plus comprendre ce qu'est le bonheur.

En deux minutes une vie peut changer. En deux minutes la mienne a basculé.

Comme nous savons que nous en avons pour plus de deux semaines et que notre bateau va nous être enlevé le temps des réparations, nous prenons la route du centre-ville à la recherche d'une agence immobilière pour une location. Ma main a pris celle de mon frère tandis qu'il a pris celle de notre mère. Nous formons une sorte de barrière impossible à franchir. Ensemble, rien ne peut nous atteindre ni même nous bousculer. Alors que quand nous nous séparons, le pont sur lequel nous marchons devient de plus en plus fin et nous nous écroulons. C'est de cette manière que je perçois la force de notre famille. Malgré toutes les épreuves que nous avons traversées, seule la solidarité a pu nous aider et nous faire nous aimer encore plus. Et même si nous ne sommes plus que trois, le mot famille a bien trois syllabes, alors pourquoi pas nous ?

Le mois de février et ses basses températures battent leur plein. Mon sweat m'est presque insuffisant alors je me frotte les bras avec la main qui ne m'est pas prise. Nous croisons une dizaine de personnes, certains rentrent du travail, alors que d'autres se promènent tout simplement sur le front de mer avec comme espoir le fait de passer un agréable moment en compagnie des personnes qui comptent pour eux. Des grands-parents promettent des gaufres à leurs petits-enfants et des parents se battent avec les mouettes pour pouvoir prendre l'océan en photo. Des adolescents de mon âge me regardent de travers sans vraiment que je ne comprenne pourquoi, en y réfléchissant ma différence semble être bizarre pour eux.

Mais qu'est-ce qui est plus beau que le fait d'être unique ? Je suis pourtant le même qu'eux, avec quelques émotions et passions en plus. Moi, ce ne sont pas les musiques dans les fêtes qui me plaisent, mais les pulsations que je ressens quand le vent me frappe à plein fouet. Moi, ce n'est pas l'ivresse que l'alcool crée qui voyage dans mes veines, mais celle du bonheur que je cherche. Eux, ce n'est pas l'amour qui est écrit sur leur front, mais « Mes parents m'emmerdent ».

Et même si ce garçon qui vient de croiser leur regard parait le même, il ne l'est pas. Leurs yeux me le font bien comprendre. Mais je n'en avais pas besoin pour le savoir. Après avoir passé mes plus belles années loin de ce qu'ils ont pu vivre, revenir à la civilisation me fait être bizarre.

— Maman, tu crois qu'un jour être différent deviendra une qualité au lieu d'un défaut ?

— Tu n'es pas différent, Marin, tu es meilleur qu'eux. Ils ne le sont pas assez pour le comprendre.

Je souris. Elle a sûrement raison. Toutes les belles paroles que j'ai pu entendre sont sorties de sa bouche. Maintenant, je n'ai plus besoin d'espérer pour avoir ce que j'espère.

— Et comment on fait pour être meilleur ? la questionne Néréo en se tournant vers elle.

Elle lui ébouriffe ses boucles, les mêmes que les miennes quand je lui serre encore plus la main.

— Cette question reste sans réponse. On le devient peut-être en ne se posant plus de questions. On dit souvent que plus on est sûrs de nous, plus la meilleure version de nous-mêmes se révèle.

— Et si notre meilleure version ne se révèle jamais ?

— La tienne ne tardera pas, Néréo, je le rassure.

— Comment tu peux en être sûr, toi ?

— Je n'en suis pas sûr, j'en suis persuadé. Arrête de poser des questions. Ça ne te sert à rien.

Puis la discussion s'arrête là. Sans que personne n'argumente sur quoi que ce soit. Tous savent que rien d'autre n'a à être ajouté.

La journée se termine chez l'agence immobilière avec comme location une petite maison de pécheur. Les photos sont belles. Nous allons passer un bon moment ici. Je ne suis sûr de rien sur ce coup-là. J'espère seulement.

ne me demandez pas pourquoi je poste ce chapitre maintenant, je ne le sais pas moi-même.
mais peut-être qu'en réalité j'en ai besoin, sans le savoir.

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