Nathanaël
C'est enfin vendredi et vous savez ce que ça veut dire ? Je peux enfin me rendre à la putain de soirée d'Aurélia. L'évènement de la semaine que tout le monde avait à la bouche a enfin lieu !
– Tu sors ? m'interpelle Gaëlle d'un ton étonné.
Il faut dire que depuis que j'ai emménagé ici, je n'avais encore fait aucune sortie nocturne.
– Ouais. Je vais rentrer tard.
– Pas plus tard que minuit, Naël, elle lance alors et je me retourne vers elle, agacé.
Qu'est-ce qu'elle vient me casser les couilles sérieusement ? Elle ferait mieux de se préoccuper de sa fille qui ne montre même plus le bout de son nez. Même pendant les repas.
– Une heure, je négocie.
Elle hausse un sourcil.
– Minuit et demi.
– Quarante-cinq, je contre.
Elle rit.
– Ok, minuit quarante cinq. Aucun retard ou je ne serai pas aussi conciliante la prochaine fois.
– Compris, je marmonne.
Je me dirige vers la porte quand je suis de nouveau interpellé.
– Léo ne vient pas avec toi ? lance ma mère.
Et pourquoi viendrait-elle d'abord ?
Je soupire.
– Non.
– Tu lui as demandé au moins ? elle insiste.
Je grogne.
– Non plus.
– LÉO, TU VAS PAS À LA SOIRÉE AVEC NAËL ?! elle hurle alors.
– Pourquoi faire ? elle marmonne et nous sursautons tous.
Elle vient d'apparaître de je ne sais où mais elle n'était pas à l'étage comme on le pensait tous. Je ne peux m'empêcher de l'étudier, notant qu'elle n'a vraiment pas l'air dans son assiette. Tous les jours, je la croise au lycée et tous les jours, elle ressemble à un fantôme.
Au bahut, tout le monde ignore - excepté Shiro - que Léonie est ma demi-sœur. Ce qui m'arrange parce que vu la nana qu'elle est en ce moment, ma réputation qui commence tout juste à s'installer serait ruinée d'avance.
– Léo, commence Gaëlle mais elle s'arrête avant même de poursuivre.
Elle regarde sa fille avec cet élan de pitié qui m'irriterait à sa place. Léonie n'attend pas et monte dans les escaliers.
– Tu vas encore dans ta chambre ? soupire ma mère.
Elle ne répond même pas et poursuit son chemin. Les deux femmes échangent un regard qui en dit long. Cependant, ce n'est pas mon problème.
– Bon, étant donné qu'elle a dit non, je peux y aller maintenant ou je vais encore me faire interrompre ? je lance sarcastique sans pouvoir m'en empêcher.
– Naël ! s'agace ma mère et je roule des yeux. Tu pourrais au moins faire semblant de te soucier de ta sœur.
– Demi, je me sens obligé de corriger. Demi sœur, m'man.
Elle soupire bruyamment puis hoche la tête. Alors je me dirige vers la porte, l'ouvre et juste avant de la refermer j'entends :
– Minuit quarante cinq !
Je réponds oui puis ferme la porte avant qu'on ne me retarde à nouveau. Il est déjà vingt-deux heures et pile à l'heure, le scooter de Shiro arrive devant la maison.
Je souris, prends un casque qu'il me tend, l'enfile et il repart dans la nuit.
Direction faire la fête !
***
La fête bat déjà son plein et comme elle l'avait prévu, tout le lycée est réuni. On échange un regard complice avec Shiro et nous entrons dans l'immeuble d'où de dehors, nous entendons la musique faire trembler le bâtiment. Comme si elle semblait attendre tous ses invités, nous tombons aussitôt sur Aurélia qui affiche un sourire magnifique en nous voyant arriver.
– Les meilleurs sont enfin là ! elle s'exclame en venant à notre rencontre.
Elle nous claque la bise à chacun de nous avant de nous entraîner dans les allées de l'immeuble.
– Ça ne va pas déranger les voisins ? je m'inquiète.
Elle rit.
– Aucunement, l'immeuble a été acheté par ma famille du coup tout ceci est à moi ! elle explique en faisant un grand geste des bras pour désigner tous les appartements du coup inoccupés.
– Cool, je commente en acquiesçant.
– Eh ouais ! se vante-t-elle et je ricane devant son arrogance.
Nous progressons parmi la foule d'étudiants en délire, un verre dans les mains qui se déchaînent sur les musiques qui y passent.
Shiro me fait un signe pour me signaler qu'il va quelque part et je hoche la tête.
– Ça ne fait pas bizarre de parler avec un muet ? lance soudainement Aurélia une fois qu'il est parti.
Je fronce les sourcils et baisse les yeux sur elle.
– Non.
Et par cette unique réponse, je clos le sujet et elle semble le comprendre. Il y a assez de cette peste de Lyana qui ne cesse d'harceler Shiro. Pas besoin d'une seconde.
– Tu m'indiques où sont les boissons, s'te plaît ? je lui demande avec un sourire charmeur.
– Vos désirs sont des ordres, elle raille et j'éclate de rire en la suivant, tandis qu'elle s'enfonce dans la masse de gens, d'une assurance non feinte.
Dans notre progression, je crois repérer au loin Kaylee avec...
– Shiro ? je m'étonne en les discernant mieux cette fois grâce à un néon de lumière qui est venue momentanément les éclairer.
– En voilà un qui semble s'amuser, vient murmurer une voix à mon oreille que j'identifie comme celle d'Aurélia.
Je lâche des yeux mon meilleur pote et la copine de ma demi-soeur qui sont en train de se rouler des pelles pour porter mon attention sur la jolie brune aux yeux profonds, soudainement très proche de moi.
– Jalouse ? je raille en haussant un sourcil.
– De lui ? Non. En revanche, de ce qu'ils sont en train de faire, carrément !
Je ricane.
– T'es toujours aussi directe quand tu veux quelque chose ?
Elle sourit, loin d'être désolée. Elle incline la tête sur le côté, et se mord la lèvre d'un air séducteur.
– À quoi sert le vocabulaire qu'on ne cesse de vouloir nous apprendre si c'est pour au final tourner autour du pot ? elle rétorque et je dois bien admettre qu'elle a raison.
– Je vois...
– Qu'est-ce que tu vois ?
Je souris, énigmatique puis je baisse les yeux sur ses lèvres peintes d'un joli rouge cerise. Mes mains se posent sur sa taille et je la rapproche de moi. Elle hausse un sourcil d'un air de défi que je lui rends sans sourciller.
– Et maintenant ? elle souffle, toute souriante.
Je ricane et écrase mes lèvres sur les siennes. Elle a raison. Pourquoi tourner autour du pot, passer par moult artifices et faire semblant de faire la discussion alors qu'au final on est venue dans un but bien précis ? Moi, si faire la fête me plaît, baiser me branche encore plus. Et honnêtement, je pense qu'elle est dans le même état d'esprit.
Nous nous séparons après quelques minutes.
– Putain, laisse moi te dire que t'es long à la détente, Naël.
– J'aime faire attendre mes victimes, je réplique en souriant.
Elle hausse un sourcil.
– Parce que je suis ta victime ? Qui te dit plutôt que tu n'es pas la mienne ?
Je ricane.
– Impossible, ma jolie.
Elle esquisse une moue faussement boudeuse que je chasse en reprenant ses lèvres. En plus torride et plus explicite encore.
– Si jamais ça t'intéresse, les chambres, c'est pas ce qui manque, elle lance d'une voix badine et je ricane.
– Je prends note.
C'est effectivement ce que j'ai fait, quand je reviens trente cinq minutes plus tard. Seul. La soirée bat toujours son plein et l'alcool ainsi que les substances illicites coulent et circulent à flots.
Les corps se mouvent, couvert de sueurs mais les gens sont bourrés, défoncés et heureux.
Moi je suis satisfait et pourtant, quelque part, un sentiment m'assaille par surprise.
Comme si quelque chose de mauvais était en train de se produire.
Quand je recroise la pote de Léonie, ça me ramène à cette dernière qui est restée seule à la maison. Pourquoi n'est-elle pas venue ?
Plus je repasse dans ma tête les évènements de ces derniers jours et plus je sens que quelque chose cloche avec elle. Je ne dis peut-être rien mais j'observe.
Elle s'isole de plus en plus, elle semble épuisée et j'ignore si elle mange régulièrement vu le nombre de repas qu'elle saute quand nous sommes tous ensemble.
Elle ne dort pas la nuit non plus car je l'entends bouger, sa chambre étant juste collée à la mienne.
Tout comme je l'entends pleurer.
Mais je n'ai rien dit à Gaëlle et à ma mère. Après tout, ce sont ses affaires, pas les miennes.
Pourtant...
Je finis d'une gorgée mon verre de bière que j'ai fini par prendre puis me casse d'ici. J'ai eu ce pourquoi j'étais de base venue et Aurélia est vraiment un très bon coup. Il n'est pas minuit quarante cinq, seulement vingt trois heure quinze et voilà que je quitte aussitôt la soirée parce que mon instinct, mon sixième sens, appeler ça comme vous le voulez ne cesse de me murmurer que quelque chose ne va pas.
Et bizarrement, quand ça me dit ça, je pense instantanément à Léonie qui n'a vraiment pas l'air bien depuis quelques jours.