Nathanaël
« Tu vas voir, c'est un super lycée. Tu vas pouvoir rattraper ton année » m'avait dit mon père avant que je parte.
Super lycée, tu parles. J'ai plutôt l'impression d'avoir atterri dans ces établissements qu'on voit à l'écran, stricte, uniforme obligatoire et une tonne de règles qui me gonfle déjà. Comme si, j'avais choisi de foirer mon année, l'année précédente. On m'a fait chier, j'ai riposté, point. Évidemment, quand on s'en prend au fils du proviseur, ça sent mauvais. Et même si ce fils à papa est un crétin doublé d'un abruti, ça n'a pas été du tout en ma faveur et ce connard de proviseur m'a renvoyé du bahut. Bien sûr, je n'aie pas servi la véritable version de mon renvoie définitif à mon père, qui de toute façon était bien plus occupé avec sa nouvelle petite famille que de s'occuper de son fils. Je pousse un soupir et farfouille nerveusement dans ma tignasse que je ne parviens jamais à dresser, peu importe ce que je fais. Alors j'ai décidé de la laisser vivre sa vie et que tout ceux qui ont quelque chose à me reprocher, aille se faire foutre.
De toute façon, mes cheveux ne seront jamais pires que ceux violets de la nouvelle élève, également. Sérieusement ? Je suis encore étonné qu'on l'est accepté sans rien dire alors qu'en plus de sa couleur atypique, son style vestimentaire l'est tout autant. Dans une école prestigieuse comme celle dans laquelle nous avons atterrit, c'est même plutôt étrange. Mais passons. Ce sont ses affaires, j'ai bien assez des miennes à gérer.
Ennuyé par ce début de journée catastrophique, je finis par me rendre en cours de français dans la salle C7.
Évidemment que je savais où elle était. Je suis tombé dessus quand je faisais une promenade de santé dans ce labyrinthe. J'aurai très bien pu me montrer cordial et lui indiquer qu'on était dans le même cours et classe mais sa manière de me toiser comme si j'étais un idiot qui l'avait dérangé dans sa pause grignotage m'a agacé. Alors qu'elle se démerde à trouver la salle de classe, ce ne sont pas mes oignons.
La porte peinte d'un gris foncé me fait face où dessus une plaque où est écrit en majuscule « SALLE C7 » est collé.
J'attrape mon portable dans la poche arrière du pantalon de mon uniforme et avise l'heure.
9h45.
En soit, je vais me pointer pour les dix minutes de cours restantes. Débile mais passons.
Je toque deux fois à la porte et range mon téléphone à sa place initiale.
La porte s'ouvre sur une femme d'une quarantaine d'années, vêtue d'une tenue stricte digne d'un pensionnat, et une queue de cheval brune impeccable d'où aucune mèche n'ose se rebeller. Elle remonte à l'aide de son index les deux verres qui lui servent de lunettes sur le nez et me toise, les yeux plissés.
– Et vous êtes ? demande-t-elle d'une voix autoritaire.
Je me retiens de lever un sourcil qui serait une provocation stupide. Et me faire remarquer dès le premier jour n'est pas l'idée qui me branche le plus.
– Nathanaël Cowl. J'ai cours ici.
– Le cours a commencé depuis quarante-cinq minutes, monsieur Cowl, relève-t-elle d'un scepticisme palpable.
– Je suis nouveau et je me suis perdu dans les couloirs.
Elle pince les lèvres en une fine ligne que je dirai de contrarié avant de se décaler pour que je puisse entrer.
– Première et dernière fois, monsieur Cowl. Au prochain retard, nouvel élève ou pas, ce sera chez le proviseur.
Intérieurement je grimace à sa remontrance. Surtout que je ne garantis pas de ne pas arriver en retard étant donné le nombre d'intersections qui se trouvent dans ce foutu bâtiment. Cependant, je décide de garder ma bouche fermée et balaie la salle de classe du regard, grimaçant cette fois quand je remarque les couleurs horribles des murs.
J'ai atterri dans un arc en ciel ou quoi ?
– Monsieur Cowl, j'entends la prof m'interpeller. Au lieu de perturber davantage le cours, allez vous asseoir.
Perturber le cours ? Je rêve, je n'aie même pas ouvert la bouche. J'ai bien envie de fusiller la prof coincée du cul comme une nonne du regard mais là encore je ne fais rien. J'aperçois un gars aux cheveux noirs virer son sac d'une chaise et j'ignore ou pas si c'est à mon attention mais je me dirige dans sa direction, glissant mon sac à dos au pied de la table et prend place sur la chaise qu'il vient de libérer.
– Merci ? je lance.
Ses yeux marrons pétillent d'une malice qui m'échappe et il hoche seulement la tête. Maintenant que je suis plus près de lui, je remarque que ses traits tirent sur des origines asiatiques.
Il écrit quelque chose sur sa feuille de cahier et me le fait glisser vers moi pour que je lise « Shiro ».
J'en déduis que ce doit être son prénom.
– Nathanaël, je me présente à mon tour. Mais tu peux m'appeler Naël.
J'entends un léger ricanement devant moi et je fronce les sourcils quand la fille se tourne vers nous, un sourire moqueur qui me hérisse les poils.
Châtains, yeux verts, elle pourrait être jolie si je ne décelais pas cette lueur malveillante dans son regard.
– Ça va être compliqué pour qu'il t'appelle, Naël, il ne sait pas parler, ricane-t-elle et j'arque un sourcil comme unique réaction. Il y a qu'elle qui trouve ça drôle et c'est pathétique, bordel.
Je jette un regard à mon nouveau camarade et m'aperçois alors qu'il fusille d'un regard assassin la fille devant nous.
Je me retourne vers l'immaturité de cette gonzesse et lance :
– Primo, je ne t'ai jamais autorisé à m'appeler Naël, secundo, même s'il ne savait pas parler, je ne vois pas ce qui te fait rire comme une pintade.
Je me prends un coup de coude sur le bras de la part de mon voisin et je pivote la tête vers lui, interrogateur. Il baisse les yeux sur la table et je remarque alors qu'il a écrit autre chose.
Je suis muet. Je sais parler mais je n'ai juste pas envie.
J'hausse les sourcils devant sa dernière phrase et lève les yeux sur Shiro.
J'ai l'impression qu'il appréhende ma réponse quant à son annonce mais je finis par lui sourire et hoche la tête.
– C'est aussi pas mal les gens silencieux, je lui lance.
Il émet un léger rire alors que la bécasse devant nous, renifle, dédaigneuse.
– Incroyable, dis donc Shiro. Tu t'es enfin trouvé un ami aussi pathétique que toi.
Shiro roule les yeux alors que je sens mon sang s'échauffer.
– La seule personne pathétique que je vois ici, c'est toi... (Shiro vole à mon secours en m'écrivant le nom de cette peste) Lyana. Retourne t'occuper de ta petite et ennuyante existence.
Ladite Lyana pince ses lèvres et j'esquisse un sourire carnassier. Mince, on dirait que j'ai touché l'ego de cette dinde, dis donc...
– Monsieur Cowl, intervient soudainement la nonne et je réprime un soupir. En plus d'arriver en retard, vous vous faites déjà remarquer ?
Je n'aie pas le temps de répliquer quoi que ce soit qu'on frappe à la porte. Je ravale un ricanement narquois quand je vois la prof pincer les lèvres et aller ouvrir à la personne qui vient de l'interrompre alors qu'elle s'apprêtait à encore une fois m'engueuler.
– Sauvé par le gong, susurre Lyana et je lève les yeux au ciel.
– Sois gentille et regarde devant toi, lui souris-je.
– Vous savez l'heure qu'il est, mademoiselle...? J'entends alors la prof lancer.
Curieux comme jamais, je me redresse sur ma chaise et tend le cou pour voir qui est l'heureuse élue qui a le privilège de se faire remonter les bretelles.
– Léonie Style, madame, sourit la retardataire et quand je repère sa chevelure violette, un ricanement moqueur m'échappe.
Tiens donc, comme on se retrouve Picasso.
– Et je peux savoir où se trouve votre uniforme scolaire, mademoiselle Style ?
Je cache mon sourire derrière le dos de ma main alors que comme toute la classe, j'assiste aux remontrances de Picasso.
– Je l'ai oublié chez moi, elle répond, pas le moins du monde désolé.
Je dois bien le lui accorder, cette fille étrange ne manque pas d'aplomb.
– Et qu'est-ce que votre uniforme fait chez vous, mademoiselle ? rétorque la prof, loin d'être ravie.
– Eh bien, c'est une longue histoire. Vous voulez quelle version, Madame Cole ? l'interroge Picasso. (Comme la prof ne répond pas, elle enchaîne) je vais vous la faire courte alors. Dans mon ancien lycée, il n'y avait pas tout ça et surtout pas ces horribles uniformes. Mince, je ne veux pas dire qu'ils sont moches hein mais bref, donc je suis partie rapidement de chez moi, et c'est arrivé devant le lycée que j'ai remarqué que j'avais oublié mon uniforme. Et vu que je n'habite pas la porte à côté, le temps que je refasse le chemin inverse, j'aurais sûrement loupé tous les cours de la matinée...
Quelques ricanements fusent dans la salle de classe et je ne retiens même pas le mien. Même Shiro, mon nouveau pote, est amusé par le divertissement que nous procure Léonie. (Oui parce que j'ai retenu son prénom mais je trouve que Picasso lui va bien mieux). Con et fier de l'être, que voulez-vous ?
– ... Je vous prierai de cesser de me prendre pour une idiote, mademoiselle Style. Il est hors de question que je vous accepte dans mon cours avec cet... (elle cherche ses mots et détaille presque avec dégoût, la tenue vestimentaire de Léonie) accoutrement.
– Cet accoutrement ? S'offense la concernée qui croise les bras une seconde avant de les ouvrir et de faire de larges mouvements. Excusez moi, madame mais ma tenue pourrait se fondre dans votre salle de cours ! Au passage, très stylé d'ailleurs ! Elle ajoute en passant la tête pour admirer cette horrible salle.
Je lève les yeux au ciel alors que la prof commence à sérieusement bouillir.
– Assez, claque-t-elle. Mademoiselle Style, vous êtes envoyé chez le proviseur.
– Quoi ? Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Demande sérieusement Cheveux Violets sous l'exaspération évidente de la prof qui énumère sur ses doigts les motifs :
– Vous arrivez avec une heure de retard dans mon cours, vous ne portez pas l'uniforme de cet établissement, vous êtes insolente et vous vous payez ma tête depuis plusieurs minutes. Et dernière chose : vous perturbez mon cours avec vos pitreries !
– Mais je suis nouvelle, je ne trouvais pas la salle C7 dans ce labyrinthe de lycée ! s'exclame-t-elle.
– Mademoiselle Style, changez immédiatement de ton. Et pour la dernière fois : vous êtes attendu chez le proviseur.
Picasso fulmine mais finit par capituler. Elle se détourne aussitôt, sa chevelure volant dans son sillage et part sans un « au revoir ». Je ricane mais il faut croire un peu trop fort car les yeux persans de la nonne qui me sert de prof de français me percute avec sévérité.
– Vous voulez rejoindre votre camarade, monsieur Cowl ?
– Non merci, madame. J'ai déjà peiné pour trouver cette salle alors si je sors maintenant, je ne vais pas revenir de suite.
La prof fulmine et souffle lourdement. Il faut dire que deux nouveaux élèves aussi insolents l'un que l'autre dans son cours ne doivent pas aider.
– Votre premier jour commence très mal, monsieur Cowl. Tenez le pour dit, m'avertit-elle et cette fois, je ne réplique rien.
Et moi qui ne voulais pas me faire remarquer, c'est loupé.
🤍🤍🤍🤍
Et c'est au tour de Nathanaël dont vous faites maintenant la connaissance !!
Dites moi vos impressions sur ce nouveau chapitre 😎
À très vite pour le prochain !
Xoxo 🦋