𝕹𝖔𝖚𝖗
JUIN 2023
- Mais je suis choquée.
- C'est bon Célia, c'est la dixième fois au moins que tu me le dis. soupirais-je en pliant un pull avant de le coincer dans un coin de ma valise. Change un peu de disque, tu vas finir rayée.
- Tu me demandes de me calmer comme si le fait que tu partes en vacances, rien qu'avec Hakim, ce soit pas un truc de ouf... Non mais je suis choquée là.
- On part qu'une semaine, crois-moi qu'il risque pas de se passer grand-chose.
- C'est là où tu trompes mon frère. elle se mettait à ricaner sournoisement, me faisant lever les yeux au ciel. J'attends de pied ferme mon compte-rendu à la fin de la semaine.
- Célia, je viens de rompre avec mon fiancé, c'est pas trop dans mon esprit d'aller draguer un autre mec.
- J'ai jamais dit que vous alliez vous draguer mais... Ma foi, il pourrait peut-être y avoir plus.
Ne voulant pas répondre pour qu'elle me répète encore et encore son même discours, je préférais finaliser ma valise qui aurait déjà dû être prête depuis un bout de temps. Mais je m'étais éternisée à discuter avec ma copine et en voilà le résultat, j'avais mon avion demain à onze heures, il était minuit passé et je n'avais même pas commencé à faire ma trousse de toilettes.
La perspective du voyage m'angoissait un peu en réalité, j'avais peur de ne pas trouver de sujet de conversation avec Hakim et qu'on finisse comme deux cons à ne pas savoir quoi se dire. Surtout qu'on allait vivre en communauté pendant sept jours et heureusement, il y avait deux chambres, sinon ça aurait été la cata.
- Tiens, j'ai fini ta valise. me prévenait Célia quand je revenais vingt minutes plus tard de la salle de bain, ma trousse rose à la main.
- Merci beaucoup, faut trop que j'aille dormir.
- T'auras le temps dans l'avion. À moins que tu discutes avec Hakim pendant des heures.
- J'en ai aucune idée de comment ça va se passer et arrête de te faire des films, tu risques d'être déçue à la fin. la provoquais-je en tassant toutes mes affaires dans ma valise, sans même regarder au préalable. J'espère que t'as bien préparé mes vêtements.
- Non mais j'hallucine. Je te rappelle que j'ai trente ans et pas quinze, je SAIS faire une valise.
Devant son air boudeur, je pouffais de rire avant de la remercier une nouvelle fois et de mettre mon bagage au pied de mon lit. C'était Célia qui m'emmenait demain à l'aéroport, pour que je n'aie pas à laisser ma voiture dans le parking pendant une semaine.
On ne sait jamais, je n'avais pas envie qu'on me la vole, déjà qu'elle revenait tout fraîchement du garage, flemme de devoir payer encore pour m'en racheter une.
- Dis, Nour. débutait Célia alors qu'on était toutes les deux allongées dans mon lit deux places.
- Ouais ?
- On en a jamais parlé mais... Pourquoi c'est à trois heures de ton mariage que t'as décidé de quitter Allan et pas avant ?
Sa question me fit froncer les sourcils, Célia n'était pas du genre à aimer parler de mon ancienne relation, elle ne se gênait pas pour insulter Allan de tous les noms d'oiseau et c'était totalement mérité pour ce chien.
- Je sais pas. avouais-je sincèrement en me mettant sur le dos, croisant alors mes mains sur mon ventre. Avant de parler avec Louane, ça m'effrayait d'imaginer une vie sans Allan, j'avais bâti tous mes espoirs sur lui et, de me dire que tout pouvait s'arrêter comme ça, ça me faisait peur. Et puis, elle est venue me voir, j'ai vu la douleur sur son visage... Et le fait que ce sentiment provienne de mon mal-être à moi et non de la déception que de savoir son meilleur ami être un gars violent, ça m'a fait quelque chose.
- Ah parce-que moi quand je me suis mise à pleurer sur ton lit d'hôpital, le déclic tu l'as pas eu à ce moment-là ?
- Célia... ricanais-je en levant les yeux au ciel.
- Non mais pas de problèmes, continue.
- Bah c'est tout en vrai, juste de voir quelqu'un qui supportait Allan depuis des années, me supplier de partir parce-que c'était un truc de fou, j'ai pas hésité. Je pense que mon cerveau s'est surtout dit que quand c'était vous qui me mettiez en garde, c'était entre autre parce-que vous n'aviez jamais aimé Allan. Mais Louane si, elle l'aime comme un frère et elle m'a quand même demandé de le quitter, sachant tout de même la peine que ça lui ferait. C'est comme ça que j'ai raisonné au final.
- Hmm... Mais je reste vexée que tu aies attendu qu'elle te le dise pour te réveiller.
Je ricanais en secouant la tête avant d'embrasser longuement la joue de ma copine depuis toujours. Évidemment que j'avais entendu ses mises en garde il y avait de ça bien longtemps, au sujet de mon couple toxique avec Allan.
Je l'avais entendu. Mais je ne l'avais pas écouté pour autant.
(...)
- Putain mais ces sièges ils sont pas du tout confortables, on dirait l'vieux canapé de Jida.
Sans rien dire, j'observais Hakim gesticuler dans tous les sens pour essayer de trouver une bonne position avant le décollage. Allez savoir comment, il avait réussi à négocier avec mon voisin pour échanger sa place contre la sienne, se retrouvant alors à côté de moi pendant tout le long du voyage.
Je ne savais pas si c'était une bonne chose au final.
- Fais gaffe, y a quelqu'un derrière toi. le prévenais-je quand même, au cas où il oublie que l'avion ne lui appartenait pas.
- Ouais mais c'est une dinguerie, j'vais me choper un dérèglement de la colonne vertébrale et j'pourrais plus faire de saltos dans la mer. un petit rire s'échappait de mes lèvres, faisant râler le grand brun. Et arrêtes d'te moquer toi, y a rien de drôle.
- Si, on dirait un enfant jamais content. affirmais-je en sortant de mon sac à dos, mon gros casque.
- Wesh c'est mort, tu vas pas m'faire le même coup que le dernier vol à pas me calculer là. Hakim attrapait carrément mon poignet, m'empêchant de mettre mes écouteurs sur mes oreilles.
- Si c'est pour t'entendre te plaindre encore, crois-moi que c'est ce que je compte faire.
Dans notre périple jusqu'à Bali, on rencontrait avec Hakim, une escale à Singapour avant le vol direct jusqu'à l'aéroport de Denpasar. Et il était vrai que, pendant les quatorze heures d'avion entre Paris et Singapour, j'avais royalement ignoré mon voisin afin d'écouter de la musique et surtout, de dormir.
De toute manière, il ne s'en était pas vraiment plaint initialement vu qu'il en avait profité pour gratter un peu sur son ordinateur, je l'avais vu écrire puis effacer, puis écrire à nouveau des phrases dans tous les sens. Je m'étais retenue de lui demander de me faire écouter, il m'aurait tenu la jambe pendant des heures durant sinon.
- On a encore presque trois heures jusqu'à Bali, profites-en pour dormir un peu. lui proposais-je, alors qu'il tenait toujours la coque gauche de mon casque.
- Nan, viens on parle.
- On aura tout le loisir de parler une fois arrivés là-bas, je te rappelle qu'on va littéralement cohabiter dans la même maison, on risque de se croiser assez souvent.
- Mais je connais quasi rien de toi et ça va me soûler si on se retrouve avec zéro sujet de conversation, c'est trop nul. un sourire venait esquinter mes lèvres, ce que le rappeur remarqua très rapidement d'ailleurs. T'as quoi ?
- Rien. Juste que moi aussi, j'y avais pensé à ça, au fait qu'il y ait des blancs pendant le séjour.
- Guette, ça nous fait déjà un point commun. Allez range-moi ton casque que j'en apprenne plus sur toi.
- Attends, j'ai une meilleure idée que de discuter.
- Ah ouais ?
- Oui. je hochais de la tête avant de me pencher en avant pour, cette fois, tirer de mon sac mon ordinateur portable.
Rapidement, j'enlevais mon casque pour le ranger avant d'ouvrir mon PC et de me caler bien dans mon siège.
- J'rêve ou tu comptes bosser ? je pouffais de rire devant l'air perdu d'Hakim qui me regardait faire.
- Non, on va regarder un film, comme ça le temps passera plus vite et on pourra apprendre à se connaître directement à Bali, ça nous économise déjà une soirée où on sera sûrs d'avoir des choses à se raconter.
- Apprendre à se connaître hein. mes yeux se révulsaient d'eux-mêmes devant son ton grave et son rictus en coin.
- Me faites pas dire ce que je n'ai pas dit monsieur Akrour.
- La tête de ma mère commence même pas avec ça. cette fois-ci, j'éclatais de rire avant de tourner ma tête vers les hublots pour cacher mon sourire affreux avec toutes mes dents de sortie.
Je me rendais d'ailleurs compte à ce moment-là qu'on avait déjà décollé et qu'on planait dans les airs.
- Mon idée est trop ingénieuse, t'as pas le droit de refuser quand même. affirmais-je en lui faisant signe d'un doigt pour qu'il approche son visage de l'écran. On va commencer par se découvrir chacun avec nos goûts cinématographiques, moi j'aime bien-
- Laisse-moi deviner, t'as téléchargé tous les films de Di Caprio et tu pleures sur Titanic.
- Tellement cliché putain, t'es le pire ! m'exclamais-je alors qu'il éclatait de rire. Pas du tout en plus, j'aime vraiment pas comment tu décris les femmes.
- J'plaisante Nono, ça va.
Y avait peu de personnes qui m'appelaient Nono, seulement qu'un groupe en fait. Celui d'Hakim. Ils m'avaient tous adoptés comme ça et, même si ça me faisait plaisir de les entendre dire mon surnom à tout va, ces deux syllabes sorties de la bouche de mon ancien client avaient un goût différent. Une sensation différentes à mes oreilles.
- Bref vas-y, montre-moi tes téléchargements.
- Très bien. j'accédais à un dossier où je répertoriais tous les films que je me matais des fois le soir sur mon ordi.
Et pas sur la grande télé du salon, elle était réservée pour les matchs du PSG d'Allan.
- Est-ce que tu as déjà vu Kill Bill ? demandais-je au garçon, sans quitter mon écran des yeux.
- C'est quoi ta question éclatée, bien sûr que oui. Tous les Tarantino j'me les suis fait.
- Tu mens. mon regard s'écarquillait alors que je tournais direct la tête vers Hakim qui souriait en voyant mon état.
- Nan, j'suis sah.
- Putain mais on était fait pour se rencontrer ! exagérais-je en attrapant sa main pour la serrer comme une folle.
- Calme-toi Nour, il te prend quoi. se moquait-il gentiment en me regardant perdre la boule.
- T'es l'une des premières personnes que j'ai rencontré et qui connaisse Tarantino, crois-moi c'est pas rien pour moi.
- T'abuse, tout le monde connaît Tarantino sans pour autant avoir vu un d'ses films.
- Django, t'as vu ?
- Ouais.
- Pulp Fiction ?
- Nour wesh, respecte-moi un peu.
- Attends je t'en dis un et si tu l'as pas vu, je vais m'en vouloir de t'avoir fait sortir de prison.
- Tout de suite les grands mots. soufflait Hakim tandis que je l'observais sérieusement.
Sa réponse allait déterminer la suite de nos vacances, soit il répondait par l'affirmative et j'étais prête à faire à manger tous les jours, soit il réfutait et alors là, il y avait moyen que je me trouve une autre location pour ne pas avoir à vivre sous le même toit qu'un inculte.
- Inglourious Basterds ?
- Mais demande moi aussi si j'ai vu Les Huit Salopards, ça en revient au même.
- Les soirées cinés de ouf qu'on va se faire. salivais-je déjà d'avance en reportant mes prunelles sur mon écran. Bon vas-y, je te laisse choisir un film, on mangera les trois-quarts du vol déjà.
- Celui-là. il pointait du doigt un titre, alors que j'en profitais pour brancher un petit gadget que j'avais acheté au Tutti Frutti de l'aéroport de Singapour, afin de connecter deux embouts Jacks à mon ordi.
- Fight Club, ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu, va pour ce film. déclarais-je finalement.
- Attends deux secondes, tu veux faire la connaisseuse avec moi mais tu peux pas me dire que t'as déjà vu Fight Club sans répondre à ma question.
- Je t'écoute. un sourire venait se prononcer sur le coin de mes lèvres, j'aimais bien ce petit jeu entre nous.
- Première règle du Fight Club ?
- Hakim sérieux. je pouffais de rire, il me prenait vraiment pour une débutante à ce point. Il est interdit de parler du Fight Club. récitais-je scolairement en levant les yeux au ciel
- Deuxième règle ?
- Il est interdit de parler du Fight Club. Troisième règle ?
- Y en a un qui crie stop, un qui s'écr-
- Hé non ! l'interrompais-je de manière narquoise, en le pointant du doigt. Tu t'es trompé.
- Tu veux quoi ? C'est grave ça la réplique.
- Pas du tout, c'est "Quelqu'un crie stop, quelqu'un s'écroule ou n'en peut plus, le combat est terminé.".
- C'est archi ce que j'ai dit.
- T'es qu'un menteur ! T'as dit "y'en a un" et pas "quelqu'un".
- Zehma tu vas jouer sur les mots ?
- Zehma ouais. il éclatait de rire, me faisant froncer les sourcils malgré mon air amusé au visage. Qu'est-ce qu'il y a de marrant ?
- Tu sais grave pas parler arabe Nour.
- Mais je te rappelle qu'on parle arabe en Égypte ?! m'indignais-je en le voyant se foutre de moi, j'avais horreur de ça.
- Bah putain, ça s'voit que t'y as pas été depuis longtemps.
- Vas te faire foutre.
Rageusement, je frappais son bras sous ses rires et tentais par tous les moyens de l'empêcher de brancher son casque à la prise de mon ordi, je n'avais plus envie de regarder le film avec lui. Surtout que cet abruti continuait à rire de moi, jusqu'à ce qu'une dame anglaise râle en lui demandant d'arrêter de gesticuler sur son siège, qu'Hakim la dérangeait dans le visionnage de sa série sur la tablette qui y était intégrée.
Au final, on n'avait même pas fait la moitié du film dans l'avion, entre la pause que l'on avait prise pour manger, additionnée à nos nombreux allers et retours aux toilettes à cause des boissons que la compagnie aérienne avait offert à tous les passagers.
Mais j'avais tellement ri en même temps que j'en avais des crampes au ventre à la sortie de l'avion. Ces vacances s'annonçaient rudement bien.
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je vous réserve du Show pour ces vacances, 20 chapitres de procès, de violences et tout, il est temps de se faire plaisir non ?
et zeeeeeest parti 🕺 à vendredi !