𝕹𝖔𝖚𝖗
MAI 2023
- J'te promets que si tu coupes pas ton portable, j'vais vraiment finir par l'envoyer par la fenêtre.
Un petit sourire venait esquisser le bout de mes lèvres alors qu'Hakim grognait une nouvelle fois, tout en essayant de rester concentré sur la série qu'il avait commencé il y avait une semaine de ça. Quant à moi, j'étais allongée sur son canapé qu'il m'avait laissé le temps d'une après-midi au moins.
- Désolée, je préfère pas l'éteindre au cas où ce soit un appel de Célia ou de Cora.
- Elles t'ont dit qu'elles reviendraient dans deux heures pour gérer tous les soucis à la mairie, détends-toi et repose-toi un peu. Tu peux dormir tranquille, j'surveille la porte si tu veux.
Je pouffais de rire en levant les yeux au ciel avant de renfoncer ma joue contre le coussin du sofa. Au lieu de me ramener chez elle, Célia avait décrété qu'il était plus judicieux que je reste chez Hakim, par crainte qu'Olivine ou Allan ne débarquent dans son appartement pour me demander des comptes. Je me doutais bien que, jamais, le libraire ne mettrait un pied dans le quartier de mon ancien client, il n'était pas fou à ce point.
Du coup, c'était Hakim qui devait se coltiner ma personne dans son salon, affrontant mes crises d'angoisse et mes larmes toutes les heures. Je ne m'en rendais pas compte à mon avis mais, je venais bien de mettre un lapin à ma propre cérémonie de mariage et c'était limite impensable. On ne voyait ça que dans les films ou dans les livres ce genre d'actes de lâcheté.
Je n'allais pas mentir, je me sentais honteuse et sale, je ne regrettais pas pourtant, mais je n'aimais pas ce que j'avais fait. Ça ne me ressemblait pas, je devais sûrement représenter un déshonneur pour ma famille entière, heureusement que mon père n'était plus de ce monde pour avoir à assister à ma petite crise de gamine.
Non vraiment, qu'est-ce qui m'avait pris ? Pourquoi j'avais agi de la sorte ?
- T'sais, je me demande comment tu peux encore avoir un stock d'eau dans le corps. soupirait Hakim tandis que j'éclatais en sanglots, me recroquevillant comme une enfant sur moi-même. Nour wesh arrête, j'aime pas t'entendre pleurer.
Je n'écoutais même pas Hakim qui finissait par glisser sur le canapé pour se rapprocher de moi, posant alors sa main sur ma cheville pour la caresser du pouce. Son contact avait beau me faire du bien, ce n'était pas pour autant que ça me calmait, au contraire même. Je me retrouvais chez un homme qui semblait ne pas me laisser indifférente, alors que je venais tout juste de la mettre à l'envers à mon futur mari.
J'avais honte, réellement.
- T'as fait ce qui était le mieux pour toi, regrette pas. murmurait-il alors que mes yeux étaient fermés. De toute façon, j't'aurais pas laissé dire oui, tu pouvais pas faire ça, tu vaux mieux que lui.
- J'ai mal agi Hakim. gémissais-je en enfonçant mes ongles dans mon ventre. J'oserais même plus regarder un membre de ma famille dans les yeux, je vais devoir faire face à Allan pour récupérer mes affaires, on va vendre la maison, je vais me retrouver toute seule. Hakim je vais pas survivre.
- Respire Nour.
- J'ai tellement dû décevoir ma tante, elle pensait que j'étais heureuse, qu'elle avait réussi à remplir la demande de mon père et ça va lui faire tellement mal de voir qu'elle a échoué. Je suis un monstre putain, un monstre.
- T'es une nana archi forte. Nour regarde-moi et baisse pas les yeux, devant sonne-per tu dois t'aplatir. il se penchait au-dessus de mon corps pour attraper mon menton, afin que je puisse avoir mon visage en face du sien. Je t'ai pas choisi par hasard comme avocate, t'es quelqu'un qui abandonne jamais et qui ne lâche personne. J't'ai dit que j'étais fier de toi et c'était pas pour te consoler, loin de là. T'as tout pour toi, t'es intelligente, marrante, souriante, gentille et belle. Tu te sous-estimes de trop et j'aime pas voir ça.
- T'es pas obligé d'héberger une pleurnicharde chez toi hein. essayais-je de rire pour palier à mon malaise.
- Et toi t'étais pas obligée de défendre un délinquant.
Sa remarque me fit sincèrement rigoler et je finissais par me redresser pour m'asseoir sur les genoux, sur le canapé. Sans lui demander la permission, j'entourais le cou d'Hakim de mes bras, avant de plonger mon nez dans son cou, en respirant alors toute son odeur. Peu de temps après, les mains du rappeur venaient caresser lentement mon dos et je me battais contre moi-même pour ne pas monter sur ses genoux et le tenir encore plus proche de moi.
Son corps m'appelait et ce serait mentir de dire que je savais pourquoi, je ne me contrôlais pas, je laissais mes jambes me guider là où mon cœur le décidait.
- T'es pas toute seule Nono, moi j'vais veiller sur toi s'il le faut. J'te lâcherais pas.
Voilà, il ne m'en fallait réellement pas plus.
(...)
JUIN 2023
En voyant Hakim sur le trottoir juste devant mon bâtiment, je soupirais une nouvelle fois. Pas que sa présence me gêne, loin de là, juste je ne comprenais pas ce qu'il faisait encore là.
- Bonsoir. soufflais-je en me plantant sous les yeux du rappeur qui me déshabillait de haut en bas. Tu m'avais dit qu'hier était la dernière fois.
- Et toi que tu finirais moins tard.
- J'ai débordé à cause d'un cas et une plaidoirie mais ça y est, je l'ai fini, je rentrerai plus tôt maintenant. Et comme ça, t'arrêtera de venir me chercher comme si t'étais mon père. plaisantais-je en poussant Hakim de l'épaule qui souriait. T'as mangé ?
- Nan. Et toi ?
- Non plus. Allez viens, je t'emmène manger quelque part.
- Je te rappelle que c'est moi qui conduis, faut que tu m'files l'adresse la miss.
- Pas besoin de la voiture pour mon petit resto, c'est juste à côté.
Sans consulter plus Hakim, je tirais sur son bras pour qu'il se mette dans le sens dans la marche, comme moi. Cela faisait deux semaines que le grand brun venait me chercher après le travail, à cause d'une panne sur ma voiture. Et vu que la chance semblait soudainement me sourire, mon ancien client m'avait même donné le contact d'une connaissance à lui qui bossait parfois dans un garage, dans le quatre-vingt-douze et qui, apparemment, était réputé pour faire un travail rapide et efficace.
Tant que je récupérais ma petite chérie en bon état, ça m'allait.
- T'as fait quoi aujourd'hui ? questionnais-je Hakim pour faire un peu de discussion.
- On a terminé de préparer la promo de la tournée pour l'album. mes yeux s'écarquillaient tandis que je tournais la tête vers le brun à mes côtés, qui avait un sourire de fierté au coin des lèvres.
- Sérieux ? Alors c'est pour quand ?
- Rentrée deux mille vingt-trois. On va taper au Bercy pour deux dates déjà.
- Je vois déjà les gens se battre pour avoir une place. ricanais-je en lui indiquant de tourner à droite.
- Ouais, ça va être le feu... Et t'inquiètes, je te réserve une place en avance. j'éclatais de rire devant sa phrase murmurée à mon oreille, comme si j'avais craint une seconde ne pas être en coulisse.
- J'espère bien. T'as même intérêt à me dédicacer une phrase pendant le concert parce-que sans moi, pas de tournée monsieur Akrour.
- J'avoue, j'te dois beaucoup sur ça, mademoiselle Kassab.
- Mademoiselle pour encore longtemps, crois-moi.
Ma remarque fit sourire Hakim alors que je lui faisais un signe en direction d'un petit resto imbriqué entre plusieurs autres chaînes alimentaires et qui se dissimulait très bien. Tant mieux pour moi, moins il y avait de monde et plus il y avait de nourriture à la carte.
- Un libanais ? Hakim fronçait les sourcils alors que je tirais à nouveau sur sa manche pour le faire entrer à l'intérieur de mon endroit préféré dans Paris.
- Ouais, le meilleur au monde, même au Liban ils ne font pas le houmous comme ça. riais-je en tournant légèrement ma tête en arrière pour regarder Hakim me suivre à l'intérieur du restaurant. Et tu n'as rien à perdre si tu ne manges rien, c'est moi qui paye.
- Alors ça j'étais pas au courant. ricanait-il en se postant derrière moi tandis que j'attendais patiemment qu'un serveur ne vienne à la caisse.
L'odeur délicieuse de pomme de terre, de viande et d'épice me mit carrément l'eau à la bouche et je posais ma main sur mon ventre pour palier le grondement que créait mon estomac à la vue des cuisines ouvertes que possédait l'endroit. C'était vraiment pas un gros truc gastronomique avec des assiettes bien dressées et des serveurs formés à répéter toujours le même discours sur la carte du jour.
Le restaurant Jeita n'était pas bien grand, il était construit en longueur avec une table sur le trottoir et quelques assises dans le fond du bâtiment avec un toit bas. Mais c'était ce genre de lieu que je kiffais, qui respirait l'authenticité, j'étais sûre de me régaler.
- Nourine, ça faisait longtemps. je souriais en voyant Waël arriver des cuisines, séchant ses mains avec un torchon qu'il lâchait négligemment près de la caisse. Comment tu vas ?
- Ça va. Et toi ?
- Très bien. T'as de la chance, y a pas grand-monde ce soir.
- Je sais, c'est pas dans mes habitudes de venir quand c'est rempli. Waël approuvait mes dires et je me rendais compte qu'Hakim était là aussi. Wawa, je te présente Hakim. déclarais-je en enroulant mon bras autour du rappeur qui sursautait, ne s'attendant certainement pas à ce que je l'attrape pour le mêler à la conversation.
- "Le" Hakim. murmurait Waël en me regardant avec de gros yeux.
- Comment ça Le Hakim ? répétait le bressom, comme ses potes l'appelaient, en faisant un pas en avant.
- Oui c'est lui, mon client. J'ai déjà parlé de toi à Waël. me dépêchais-je de préciser en remarquant bien l'air braqué de l'homme à mes côtés.
- Ouais, t'aurais dû la voir y a des mois de ça, à faire la fermeture du resto, les yeux rivés sur son ordi et s'enfilant des falafels à la seconde. rigolait le libanais. Bon allez, je te mets comme d'hab Nour ?
- Oui s'il te plaît. Hakim, tu prends quoi ?
- J'sais pas, j'connais pas de ouf, tu me conseilles de prendre quoi, toi ?
- Tu peux faire comme moi et commander un peu de tout. On peut se partager des Chich Taouk, les Rikakat sont pas mal aussi et des Batata Harra pour l'accompagnement.
- T'sais que j'ai absolument rien compris à tous tes plats donc je vais dire oui sans savoir c'que tu comptes me faire bouffer.
J'éclatais de rire devant l'air perdu d'Hakim avant de lui assurer qu'il pouvait me faire confiance sur ce coup-là. Vite-fait, je lui pointais une table du doigt pour qu'il nous la réserve et en profitais même pour payer. Je devais avouer qu'Hakim ne s'était pas montré très intelligent, lui qui m'avait rabâché qu'il comptait m'inviter pour ce soir, je venais de réussir à la lui mettre à l'envers dans le plus grand des calmes.
- Je vois que t'étais pressée de retrouver ta vie de célibataire. se moquait Waël juste après que j'aie réglé.
- Pas spécialement non, c'est plus bizarre qu'autre chose. je fronçais les sourcils en voyant son regard en coin. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Hakim et toi. je roulais déjà des yeux en râlant. Madame, vous êtes mignons ensemble.
- Détends-toi, j'ai pas la tête à ça, vraiment pas.
- Je dis pas pour maintenant aussi Nour. Mais vous avez l'air de bien vous entendre.
- Logique, je le défends depuis presque deux ans.
- Non mais votre complicité et tout... C'est chou.
- Allez tais-toi et ramène-moi mes falafels. plaisantais-je en secouant la tête avant de récupérer mon ticket de carte.
- Je vais prendre tout mon temps, exprès pour que vous restiez longtemps ici avec ton Hakim.
Ne préférant même pas répondre à son affront, je me dépêchais de rejoindre ma table pour retrouver Hakim qui surfait sur son portable. Remarquant sûrement ma silhouette se rapprocher de lui, il reposait son téléphone devant lui avant de lever les yeux vers moi.
- C'est bon, j'ai payé. le prévenais-je en prenant place face à lui.
- Attends quoi ? je me retenais de rire devant son visage décomposé. Wesh Nour t'es sérieuse ?
- Régale-toi, c'est toujours meilleur quand c'est gratuit. souriais-je en calant mes coudes sur la table, tout en narguant le rappeur qui me dévisageait.
- Prochaine fois c'est moi qui t'invites.
- Si ça te fait plaisir. pouffais-je de rire en faisant tomber mes yeux sur l'écran de son portable allumé. Tu pars en vacances ?
- Ouais. Après avoir passé sept mois derrière des barreaux tu rêves que d'une chose, c'est une putain de semaine sous le soleil. je ricanais en même temps que lui.
- C'est mérité, t'as bien raison.
- Toi tu fais quoi le mois prochain ?
- Moi ?
- Non, le pichet d'eau sur ta gauche. je levais les yeux au ciel en râlant. Bah oui toi.
- Rien. J'ai un procès dans deux semaines et après j'ai une plage horaire libre pour trois semaines.
- Tu veux venir ?
- Où ça ?
- Ça se voit t'as fini de bosser toi, t'as plus d'neurones. se foutait-il de moi en tapotant ma tempe pour appuyer ses propos. En vacances, j't'emmène si tu veux. T'as juste à payer ton billet, j'ai déjà la location et tout.
- Tu pars avec les gars ?
- Nan, ils ont tous des trucs à faire sur Paname et de base c'était tout seul que j'me taillais. Mais je peux te faire un peu de place dans la case que j'ai loué, j'ai pas pris la plus petite des réservations.
- Donc on irait que... Toi et moi ?
- Ouais. Nour t'es vraiment éclatée, ton cerveau il veut plus marcher. rigolait-il encore. Alors ? Ça t'dit ?
- Je... Je te redis ça demain, faut que je vois avec Célia si je peux m'absenter trois semaines hors de France, au cas où elle ait besoin de moi sur Paris pour une broutille.
- On peut partir juste une semaine si tu préfères et si ça te rassure. T'as archi besoin de repos, j'te promets que t'es cernée comme une ouf et ça te ferait pas de mal de changer un peu d'air.
- Bon... D'accord alors.
- Sérieux ?! les iris du brun triplaient de volume et je me retenais de rire devant son énorme sourire. T'sais j'ai cru t'allais dire non mais en fait non.
- T'as raison, faut que je dorme un peu et quoi de mieux qu'au soleil hein... Mais on va où ?
- Devine, t'aimerais aller où ?
- Pas très original mais... J'ai toujours voulu visiter Bali, y a de beaux paysages là-bas et ma sœur m'a donné envie avec son voyage d'il y a deux ans là-bas.
- Bali ? Sah ?
- Ouais... Pourquoi, c'est nul ?
- Nan du tout. il verrouillait son téléphone avant de me sourire grandement. C'est pile là où j'ai réservé.
- Tu mens ? ma bouche s'entrouvrait.
- J'te jure que si, du coup t'es obligée de prendre ton billet limite maintenant.
- Promis je fais ça en rentrant.
- Je vais te découvrir en mode vacances, ça va être le feu.
- Je veillerais à ce que tu fasses pas de bêtises en Indonésie comme ça.
- Si ça te fait plaisir, Nono.
On se fixait sans rien dire de longues secondes, avant que Waël ne se ramène avec l'étendue de plats que j'avais commandé en amont. Je m'étais éclatée à faire découvrir les différentes saveurs à Hakim qui avait tout goûté, sans broncher et il avait même fini par kiffer tout ce que je lui avais proposé.
Vers minuit, on s'était décidés à quitter le Jeita pour rentrer chacun de notre côté. Hakim m'avait raccompagné jusqu'à chez moi en me faisant rappeler de ne pas oublier de prendre un billet pour Bali. On allait sûrement ne pas être côte à côte dans l'avion, ça m'importait peu, j'avais un beau voyage qui m'attendait et qui me faisait carrément saliver d'avance.
Le soir, juste avant de m'endormir dans mon lit, dans un appartement que je louais en attendant de trouver mieux, je repensais à la magnifique soirée que je venais de passer en compagnie d'Hakim. Notamment, au moment où il m'avait affirmé qu'il avait réservé une location à Bali pour des vacances.
Plus je revoyais la scène et plus quelque chose me chiffonna. L'écran de son portable. Je me rappelais très bien d'un détail important, Hakim était sur une page de Air BnB pour prendre un logement. Mais pas à Bali, il regardait les habitations en Californie.
Il m'avait donc menti, il n'avait pas choisi Bali initialement, mais une ville américaine.
Il avait fini par jeter son dévolu sur une île du Sud de l'Indonésie juste parce-que je lui avais dit que je rêvais d'aller là-bas.
Cette simple pensée fit battre mon cœur et je préférais fermer mes yeux pour ne pas fixer le plafond et me faire quinze mille films autour de son acte. Même si je n'en pensais pas moins, je trouvais ça affreusement mignon.
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Hakim le loveur, il sait y faire
je vous dis, les deux vous risquez de bien les kiffer, moi c'est déjà le cas en tout cas (oups)
à mardi !!