Eux

By cmdeiana

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Quelques mois après la fin de "Lui". Avec l'aide de son ami d'enfance Corentin, Samuel s'engage dans un road... More

Chapitre 1 - Perros Guirec
Chapitre 2 - Le Départ
Chapitre 3 - Reine de banlieue
Chapitre 4 - La colocation du malaise
Chapitre 5 - Vers les Vosges
Chapitre 6 - Sous les étoiles
Chapitre 7 - Tu es là
Chapitre 8 - Pire que des gosses
Chapitre 9 - Notre-Dame
Chapitre 10 - Gueule de Bois
Chapitre 11 - Dynamique de Groupe
Chapitre 12 - Rendez-vous à Reims
Chapitre 13 - Be kind, rewind
Chapitre 14 - Garçon de province
Chapitre 15 - Artiste de Rue
Chapitre 16 : Nuit d'hôtel Grand Luxe
Chapitre 17 - Clash
Chapitre 18 - Meilleure amie
Chapitre 20 - Sentiments mélangés
Chapitre 21 - Alors Quoi ?
Epilogue

Chapitre 19 - Héritage et Souvenirs

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By cmdeiana

TW - Alcoolisme ; violences intrafamiliales
CW - Crise d'angoisse

Bordel, qu'est-ce qui se passe ?

Alex a juste vu Pixie engueuler Corentin, lui prendre de force les clés et les papiers de la voiture, et partir à la poursuite de Samuel. En leur interdisant de les suivre s'ils tenaient à leurs couilles, littéralement.

La première réaction d'Alex est de se ruer sur Corentin pour s'expliquer, pour faire passer sa colère sur quelqu'un. Mais quand il se tourne vers lui, l'autre est littéralement en pleurs. Et Alex n'est pas un garçon violent. Voir la détresse de Samuel l'a complètement désorienté, mais si Corentin est aussi dans cet état-là...

Il n'a pas envie de le consoler.

Il n'a pas envie de l'enfoncer non plus.

Il faut dix bonnes minutes avant que Corentin arrive à sécher ses larmes et à parler.

— Le dernier jour de ma cinquième, commence-t-il. Le dernier jour, on devait préparer les valises pour partir une semaine en Bretagne. Et mon père avait trop bu. Encore une fois. J'avais mal rangé mon cartable, il a trébuché dessus, et puis... Et puis ma mère a pris nos affaires et on est parti.

Il soupire. Alex ne dit rien.

— Mon portable, ma vieille console de jeu, la télé du salon, des assiettes... Il a tout cassé. Quand il a voulu frapper ma mère, elle... Enfin...

— Et tu veux quand même le voir aujourd'hui ?

Corentin se redresse, son sac sur l'épaule. Il l'avait déjà avant que Pixie ne ferme la voiture. Alex n'a que son portefeuille et son téléphone.

— Ma grand-mère m'a laissé quelque chose. Je vais juste aller le chercher.

Il doit y avoir autre chose, forcément. Mais Corentin n'en dit pas plus et commence à remonter le trottoir vers le quartier résidentiel qui fait face au collège. Alex le voit envoyer un message, puis jurer entre ses dents.

— Pixie rentre sur Paris ce soir avec Samuel. Et sans nous.

— Super, marmonne Alex.

— On doit nos excuses à Sam, qu'iel dit.

Alex sort son portable.

@Alex : Comment va Samuel ?

Quelques secondes d'attente et les trois petits points qui le narguent.

@Pixie : Il dit qu'il faut que vous parliez.

Pardon ?

Quoi Samuel veut rompre ? Il préfère Corentin ? Il se passe quoi ?

Alex est complètement désemparé. Et puis il se calme. Non, ça ne peut pas finir comme ça. Il a envie de rejoindre Sam et de le protéger. Il aurait dû le faire d'ailleurs plutôt que laisser Pixie prendre tout en charge.

Purée, c'est vraiment la merde.

@Alexandre : Corentin ne sait pas encore ce que ça fait d'être engueulé par toi. Pardon. On a été con.

Pas de réponse, même pas un "lu".

Devant lui, Corentin s'éloigne. Ils entrent dans un quartier pavillonnaire. Des petites maisons construites quasiment toutes sur le même modèle, petits murets blancs et buissons verts. On aperçoit de temps en temps une piscine gonflable ou le filet d'un trempoline dans les jardins arrière. Tout cela est débordant de normalité. Et pourtant, Alex a l'impression de marcher dans le décor d'un film d'horreur.

Parce qu'il fait chaud et lourd, qu'il est crevé, et que Corentin avance tête baissée, les épaules tendues sous son sac-à-dos. Alexandre essaie d'imaginer ce que ça lui ferait, à lui, de revoir ses parents, ou au moins un de ses parents, après avoir été rejeté. Il y a bien son grand-père, mais cette ordure homophobe est enfermée dans un EHPAD. Corentin a subi des violences familiales, et il est prêt à revoir ce sale type ?

Alex accélère jusqu'à être au niveau de Corentin.

— Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? Demande-t-il , faute de mieux.

Corentin s'arrête et le regarde, comme étonné qu'il soit encore là. Puis il reprend sa marche, mais plus lentement, permettant à Alex de rester à son niveau.

Un virage à droite et les deux garçons se retrouvent dans une impasse dont l'extrémité se finit par un chemin de terre et un parc. Six maisons se font face.

— C'est là que tu as grandi ?

— La maison de Sam, on est passé devant.

Corentin indique du menton un bâtiment au crépis vieillissant. Sur le devant est garé une camionnette. Legrand, Artisan. Ca fait ricaner Corentin.

— Je ne m'en souvient pas trop, mais le père de Samuel n'a jamais été très bricoleur. Il allait à l'usine le matin et rentrait le soir. Bah, il a dû se trouver autre chose à faire. Peut-être même que c'est devenu un type bien.

Le visage de Corentin ne s'accorde pas avec ses paroles, et c'est la même haine qu'Alex ressent en lui qu'il voit sur les traits du jeune homme.

— Et la maison de ton père ?

L'autre se décale et marche jusqu'à la dernière habitation avant le chemin et le parc. Il y a des rosiers sur le devant, un vélo d'enfant couché dans l'herbe. La boîte aux lettres indique Monsieur et Madame Bukowski.

— Mère bretonne, père polonais, enfin troisième génération quand même. Donc ça ne compte peut-être pas vraiment.

Il y a une sonnette à côté de la boîte aux lettres. Alex a l'impression que Corentin n'a pas du tout envie d'appuyer dessus. Qu'il va renoncer et faire demi-tour sans demander son reste.

Sauf qu'il n'en a pas le temps. Une femme d'une petite quarantaine d'années arrive sur le devant de la maison, un sécateur dans les mains, le pantalon couvert de taches d'herbe.

#

@Alexandre : On est devant chez le père de Corentin. Il discute avec une femme qui est là. Je crois que c'est sa belle-mère. Ils ne se sont jamais rencontrés.

@Alexandre : On est invité à prendre un verre sur la terrasse. Y'a un môme de huit ans qui regarde bizarrement mais c'est le sosie de Corentin. Je vous tiens au courant. Je m'excuserai à Sam directement.

@Alexandre : Je suis vraiment un sale con.

Il n'y a toujours pas de nouvelles de Pixie et Samuel.

Alex remet son portable dans sa poche quand Katy revient de la cuisine avec des verres et une carafe d'eau. Elle les a invités sur la terrasse. Corentin n'a pas décroché la mâchoire. A peine un bonjour.

— Désolée, je n'ai pas de jus de fruits au frais, ni d'alcool.

— C'est étonnant, grommelle le garçon.

Vu ce qu'il lui a raconté tout à l'heure, Alex comprend le commentaire, même s'il ne l'approuve pas. Ce n'est pas la faute de cette femme, non ? D'ailleurs il voit bien qu'elle est gênée. Elle a renvoyé son fils dans sa chambre, un gamin de neuf ou dix ans, maigrichon, avec une touffe de cheveux noirs sur le crâne et de grands yeux bleus. Vraiment le portrait craché de Corentin.

— Vous habitez ici depuis longtemps ? Finit-il par demander, histoire de détendre un peu l'atmosphère.

Katy saute sur l'occasion.

Ils se sont installés dans cette maison il y a cinq ans après avoir vécu dans son appartement pendant presque six ans. Alex fait les calculs très vite dans sa tête, ça ne fait pas énormément de temps après le départ de Corentin et sa mère. Deux ans, trois tout au plus ?

Katy semble deviner sa question, alors que Corentin semble hyper concentré sur la nappe qui recouvre la table de jardin.

— Nous nous sommes rencontrés en cure de désintoxication. C'est pour ça... Ce n'est pas que pour lui que nous n'avons pas d'alcool à la maison.

Corentin soupire.

— Vous voulez attendre qu'il revienne ? Il est au travail, mais...

— Non.

Le Breton finit par redresser la tête. Alex est prêt à sauter sur lui au moindre signe de violence, mais il remarque alors les yeux rouges, le nez froncé qui renifle légèrement. La voix de Corentin chevrote un peu.

— Je suis venu chercher les affaires de ma grand-mère. Et... Est-ce que je peux utiliser vos toilettes ?

Alex finit par se retrouver seul dans le jardin, avec son verre d'eau.

Il en profite pour vérifier si Pixie a répondu.

@Pixie : On sera sur Paris dans deux heures. Si vous prenez le train ce soir, passez par Momo pour qu'il vous ouvre. Il est insomniaque.

Suit une adresse et un plan, et le trajet depuis la Gare du Nord. Un numéro de téléphone aussi, celui de Momo a priori. Purée, dans tout ce foutoir, iel a pensé à tout ça. Alex lui renvoie un remerciement. Il hésite devant le contact de Sam ; non, pas par texto, il faudra qu'ils se parlent face à face.

Il a la trouille.

Qu'est-ce qu'il va faire s'ils se séparent ? Lui rentrera la queue entre les jambes en Alsace, mais Sam ? Il ne peut pas le laisser tout seul. Et est-ce qu'il acceptera son aide même ? Alors qu'il ne s'est même pas rendu compte à quel point il était mal seul à Paris.

Il est vraiment à chier comme petit copain.

— Alexandre ?

Katy est devant la porte fenêtre, seule.

— Corentin ne voulait pas revenir, dit-elle. Il est devant la maison.

Alex la suit à l'intérieur. Le salon est chichement meublé, le canapé est vieux, la télé pas de première jeunesse. Mais il y a des photos au mur, des portraits de classe. Le gamin, Jonathan, est partout, et là, en tout petit, dans un cadre à côté du porte-clé, un autre garçon, une photo plus ancienne, des cheveux en bataille et l'air triste et fatigué, déjà. Corentin.

Katy suit son regard.

— Mon mari s'en veut, dit-elle. Mais il n'a jamais su comment faire pour reprendre contact. Je comprends votre ami. Mes parents, je ne les vois plus non plus.

Elle n'extrapole pas. Alex se sent gêné. Sa famille est presque parfaite. Oui il a une grand-mère de droite très homophobe, et oui son grand-père, le père de son père, ne veut pus le voir. Ou en tout cas, ils ne se parlent pas. Mais ça... Son père à lui n'a jamais levé la main sur personne, et encore moins sur ses fils. On boit chez lui, mais à l'apéro, le week-end, jamais en semaine.

Avant qu'il ne sorte, Katy lui tend un bout de papier.

— C'est mon numéro de téléphone et mon mail. C'est... Ce n'est pas pour moi, c'est pour Jonathan. Si jamais Corentin voulait...

Elle ne finit pas sa phrase.

#

Corentin attend sur le trottoir, un grand sac de courses à la main, l'air sombre.

Il commence à marcher quand Alex arrive à son niveau, en silence. Le sac n'a pas l'air bien rempli, mais Corentin le sert tellement fort que ses jointures en deviennent blanches.

Il est presque dix-sept heures. S'ils se pressent un peu, ils pourront prendre le train avant vingt heures et arriver à Paris encore ce soir. Mais Corentin ne semble pas être pressé. Ou plutôt, il ne semble pas avoir envie de repartir tout de suite.

Quand ils arrivent en face de la gare, il s'arrête.

— On va manger quelque part. Un truc où y'a pas trop de monde.

— Ok.

Quand ils s'installent sur la terrasse d'une sandwicherie, Corentin finit par poser le sac sur la table et en sors le contenu. Ses gestes sont bizarres, mécaniques. Alex ne peut rien faire d'autre que le regarder, et croiser les doigts pour qu'il ne craque pas comme Samuel l'a fait quelques heures plus tôt.

— Ça, c'est son cahier de recettes. Elle ne savait pas beaucoup cuisiner, mais elle avait appris à faire des gâteaux quand je suis né.

Un cahier de brouillon rempli de listes et de phrases manuscrites au stylo bille.

— Ah, ça, c'est un album photo où elle gardait mes exploits sportifs. Il n'y en a pas beaucoup, je suis nul en foot.

Il y a un chaton sur la couverture et le plastique se déchire par endroit.

Les mains de Samuel tremblent.

Alex pose les siennes dessus.

— Tu n'es pas obligé de faire ça maintenant, tu sais, fait-il.

La tête de Corentin est penchée en avant, et d'un coup ses épaules tremblent et Alex le sent pleurer. Il sert ses mains entre les siennes.

— Samuel doit me détester, arrive-t-il à articuler.

— Mais non.

Alex se lève pour se mettre à côté de lui et le prendre dans ses bras.

— Samuel ne te détestera jamais.

Et moi non plus, ajoute-t-il en silence.

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