Deux mois plus tard.
« Voilà presque sept semaines que les ONG et les états européens luttent de manière acharnée contre l'immense marée noire qui ravage les côtes d'Europe du Nord, résultant de l'explosion de la station pétrolière « Thor Industries » située au large de la Norvège. Tandis que le conflit ukrainien persiste, l'Europe est désormais obligée d'investir des millards d'euros pour le financement du nettoyage des côtes et des fonds océaniques. Des milliers d'espèces sauvages sont impactées par ce désastre écologique. Les oiseaux marins meurent embourbés dans le pétrole brut tandis que les baleines et les orques s'égarent dans les nuages d'hydrocarbures et viennent s'échouer sur les côtes suédoises. Absolument toute la biosphère marine d'Europe du Nord est impactée, allant des végétaux aux oiseaux. Plusieurs ONG parlent de « carnage écologique » et appellent chaque européen à se mobiliser.
Le président français et le chancelier allemand ont déclaré que toutes les précisions sur cette affaire seront apportées au public. Les responsabilités de Thor Industries ont été engagées et le dirigeant, Rof Thorsen, se retrouve au cœur d'une tempête médiatique ainsi que financière. Son empire énergétique peine à amorcer la perte d'un tel investissement, alors que la Norvège semble bien timide à attaquer frontalement l'entreprise.
Il est vrai que le récent accord passé entre l'Union européenne et Thor Industries pose problème. En pleine guerre avec la Russie, l'Europe a fait le choix de se diriger vers le géant pétrolier norvégien. Mais cet incident reste un soucis majeur dans la diplomatie internationale et peut produire des pénuries d'envergure mondiale. »
Le reportage s'arrête lorsque le visage de la présentatrice, le regard grave, se retourne vers son invité.
—Bonsoir Monsieur Pierave. Vous êtes journaliste à « L'Observateur » et spécialiste de la diplomatie européenne. En quoi le reportage que nous venons de voir, rebat les cartes de la diplomatie européenne s'agissant du conflit ukrainien ? Doit-on se soucier de l'impact financier de cette marée noire ?
—Évidemment, reprend son interlocuteur. Il faut comprendre que le président français Coty est très embarrassé et joue sur les deux tableaux. D'un côté, il doit séduire son électorat écologiste et se montrer intraitable avec une telle catastrophe. Les conséquences de l'explosion de la station pétrolière sont sans précédent en Europe. Plus de deux cents personnes, employés de Thor industries, ont péri dans l'incendie. Et de l'autre côté, le président Coty se doit d'atténuer le ton avec Rof Thorsen. Ayant conclu un accord pour contrer l'approvisionnement en gaz de la Russie, si l'entreprise s'effondre, la France perd son fournisseur et nous risquons la pénurie pour l'hiver prochain.
—Hm... tout ça est très préoccupant. Et concernant l'enquête, où en est-elle ? Une malfaçon chez le constructeur, un accident dans le forage du pétrole ou une erreur humaine ?
—Nous en savons rien. Vu la situation catastrophique, personne ne s'attarde sur le sujet pour l'instant alors que plusieurs témoins ont rapportés des explosions sous-marines. Et comme nous pouvons le voir sur les images, la station s'est inclinée sur la gauche avant d'exploser et de sombrer. Les pylônes structurelles de la station sont responsables de cette inclinaison impromptue. L'enquête se dirige de ce côté.
—Des explosions ? Vous voulez-dire qu'il s'agit peut-être d'un acte intentionnel ? La Russie ? Cela serait une déclaration de guerre et n'oublions pas que nous sommes à l'ère du nucléaire...
—Ne soyons pas trop rapide dans nos conclusions. La Russie a d'autres choses à faire actuellement que d'attaquer une entreprise privée... ou de détruire le monde.
—Une entreprise privée devenant le premier fournisseur énergétique d'Europe... coupe la présentatrice. La perte financière pour la Russie est énorme, donc attaquer cette station pétrolière peut faire partie de leur stratégie.
—C'est vrai. L'enquête déterminera les causes mais je ne vous cache pas, qu'une surprise peut nous attendre à la conclusion de celle-ci...
L'écran s'éteint subitement.
—Bordel ! Ça va sortir !
Sous un tas de canettes recouvrant son corps, Julien balaie avec son bras la table de salon. Les cartons de pizzas, les gobelets et les manettes de PlayStation sont projetés au sol.
Dans ce capharnaüm dégoutant, il trouve enfin son téléphone portable.
—Putain André ... répond ! Allez !!