❝ 𝐏𝐑𝐈𝐌𝐑𝐎𝐒𝐄 ❞ | тσкуσ...

By ugetjinxed

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﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏ ❝ 𝙚𝙛𝙛𝙚𝙩 𝙥𝙖𝙥𝙞𝙡𝙡𝙤𝙣 ❞ : ◌ 𝘰𝘯 𝘥𝘪𝘵 𝘲𝘶𝘦 𝘭𝘦 𝘣𝘢𝘵𝘵𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘥'𝘢𝘪𝘭�... More

━━━━━━ 𝐏𝐑𝐈𝐌𝐑𝐎𝐒𝐄

𝟎𝟎𝟎

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By ugetjinxed



Tout était calme. Il n'y avait aucun bruit, les oiseaux - s'il y'en avait - ne chantaient pas, le sifflement du vent était à peine audible, se perdant à travers la multitude d'arbres qui entourait le lieu, et la ville située à quelques centaines de mètres semblait complètement déserte, comme si la population humaine l'avait tout simplement quittée.

Les maisons étaient particulièrement vieilles, certaines avaient perdu quelques tuiles, d'autres étaient pourvues de fissures qui jonchaient les façades rose poudré et la plupart des poutres de bois étaient dévorées par la moisissure et le passage du temps. Pourtant, quelques bâtisses semblaient animées puisque de petites lumières parvenaient à s'échapper des fenêtres, éclairant ainsi faiblement les ruelles.

L'ambiance festive des demeures était chaleureuse, les familles riaient, buvaient et festoyaient, ils profitaient candidement de leur réveillon de Noël, imprégnant chaque souvenir comme si c'était le dernier. Les enfants jouaient avec les cadeaux qu'ils venaient de recevoir, les adultes dégustaient leurs desserts glacés aux multiples saveurs, tandis que certains étaient bien trop alcoolisés pour ne serait-ce que tenir debout.

Dehors, les premières neiges étaient apparues quelques heures avant la tombée de la nuit, et les flocons n'avaient cessé de s'entasser sur le sol depuis, s'abandonnant à une chute sans fin en offrant leur corps pour un dernier spectacle solennel. Ce décor enneigé et presque divin ravivait l'âme d'enfant de quiconque se donnait la peine de l'observer.

Pour certains, les fêtes étaient un moyen de passer du temps avec leurs proches, d'offrir des cadeaux, de se forger des souvenirs, pour d'autres, ce type de célébration s'attachait plus à un sentiment de deuil, de consternation, de désespoir en se rendant compte que ces moments leur ont été arrachés par la perte et l'abandon.

Les crissements de la neige sous des pas lourds vinrent perturber le calme environnant. Un homme marchait, la tête baissée et à moitié cachée par un gros manteau aux couleurs sombres. Ses cheveux noirs, qui étaient recouverts d'un petit amas blanc dû à sa longue marche, semblaient glisser maladroitement le long de ses épaules, tandis qu'une partie était relevée en une moitié de chignon mal attaché. Il était grand, très grand, et son corps révélait une musculature proéminente et travaillée malgré la couche de vêtements assez importante qu'il portait.

Son visage était terne, sans vie, uniquement animé par un air sinistre et lugubre. Les poches présentes sous ses yeux livides trahissaient un certain manque de sommeil, et ses joues creusées se traduisaient par une mauvaise alimentation. Son front était pourvu d'une cicatrice marquée à l'horizontale, qui s'étendait d'une tempe à l'autre.

L'homme qui s'approchait de plus en plus de la trentaine semblait s'aventurer dans les rues de la ville qu'il ne connaissait que trop bien. Il y avait passé une grande partie de sa vie, et son ascension lui ravivait des souvenirs qu'il aurait préféré avoir oublié. Chaque année, à la même date, il revenait sur ces lieux pour lui rendre hommage, pour lui montrer que même après tout ce temps, il ne l'avait pas oublié. Rongé par la culpabilité des événements tragiques passés, il se sentait responsable et il se punissait.

Son cœur était meurtri, ses souvenirs servaient de marqueur indélébile gravant son esprit comme avec un fer rouge. Pendant dix ans, il n'a cessé de culpabiliser, dix longues années de deuil n'ont pas suffi à apaiser son âme et à lui accorder la rédemption et l'expiation donc il avait désespérément besoin.

Ses rangers usées traçaient un chemin net et sans fausse note, qu'il qualifiait de descente aux enfers, d'un moyen de purger ses péchés. Il mit du temps à réaliser qu'il n'était plus qu'à quelques pas du cimetière de son village. Même après dix hivers, il détestait toujours cet endroit. Ces grandes grilles métalliques rouillées et tordues, ces lumières tamisées provenant de lampadaires aux bords de la mort, ce chemin de gravillons et cette petite fontaine qui servait de décoration.

De la fumée s'échappait de ses lèvres alors qu'il passait le portail, une main dans la poche de son gros manteau, tandis que l'autre tenait un immense bouquet de fleur. Vingt-six primevères, c'était le nombre de fleurs qu'il avait acheté, une pour chaque année de vie qu'elle aurait eu si la faucheuse n'était pas venue la chercher, si ce monstre ne s'était pas adonné à de telles horreurs.

Plusieurs minutes se sont écoulées avant qu'il ne parvienne à apercevoir la pierre tombale. Cette stèle de marbre foncée et légèrement arrondie était identique à l'année dernière, comme à toutes les autres années d'ailleurs. Elle était toujours impeccable, sans aucune fissure, sans aucune trace, le temps semblait ne pas vouloir la ronger, comme s'il ne souhaitait pas perturber son repos éternel.

Ses genoux vinrent s'enfoncer dans la neige alors qu'il plaçait délicatement le bouquet sur le rectangle sombre sous lequel reposait sa soeur cadette. Il n'avait pas la force de se redresser, comme si le poids de la culpabilité l'entraînait toujours plus bas. Aucunes larmes ne parvenaient à se frayer un chemin, aucunes larmes ne semblaient vouloir couler, aujourd'hui encore. Il fixait simplement la sépulture, les genoux à terre et les mains posées sur ceux-ci, tandis qu'un grand vide s'était emparé de lui. Il était toujours le premier à arriver, et le dernier à quitter les lieux.

Le portail venait d'émettre un léger grincement qui résonna d'une manière assez macabre à travers le cimetière, perturbant ainsi l'accalmie qui régnait dans le lieu du repos éternel. Il n'y avait pas de vent, et le portail était bien trop lourd pour qu'une simple brise puisse le faire bouger, même d'un seul et unique centimètre. Après quelques secondes, des crissements dans la neige se firent entendre, signe que quelqu'un venait bel et bien de pénétrer dans le tombeau.

C'était une femme dans la trentaine, habillée d'un long manteau beige et d'un béret de la même couleur. Ses longs cheveux bleus étaient attachés en une tresse en épi de blé qu'elle avait caché sous son écharpe, et son visage était emmitouflé dans ce qui s'apparentait être un tour de cou blanc cristallin. Elle portait dans ses mains un bouquet de fleurs, des hortensia de couleur bleue, blanche et rosée, ainsi qu'un petit cadre photo sur lequel était représenté une dizaine de personne.

Sa démarche était hésitante et, bien qu'elle avait l'habitude de se rendre dans ce genre d'endroit, sentait son cœur s'emplir d'une morosité écrasante. Quelques pas la séparaient à présent du jeune homme qui ne semblait toujours pas l'avoir remarqué. Peut-être était-ce parce que sa corpulence ne lui permettait pas de faire suffisamment de bruit pour être remarquée, ou bien était-ce simplement parce que l'homme était trop occupé à faire son deuil pour s'intéresser à ce qu'il se passait autour de lui.

La femme aux cheveux bleus vint poser sa main sur l'épaule du jeune homme qui s'avère être son frère cadet, en signe de réconfort, mais il ne broncha pas, c'était habituel. Il n'était pas le seul à vouloir se recueillir sur sa tombe le jour de son anniversaire. Sa sœur cadette n'avait pas vraiment d'ami, la seule personne qu'elle qualifiait ainsi était un jeune garçon de son âge qui est décédé quelques mois après elle. Il ne le connaissait pas réellement, mais il savait qu'il veillait sur elle et ça lui suffisait.

L'homme endeuillé déposa simplement sa main sur celle présente sur son épaule, comme pour signifier un sentiment de réconfort partagé, ce qui fit sourire la jeune femme. Ils se comprenaient, ces deux personnes avaient perdus beaucoup de leur proche en très peu de temps, et ils avaient mutuellement besoin d'un pilier, d'une bouée de sauvetage sur laquelle se reposer. La trentenaire arborait une expression abattue, chagriné par la vision du lieu où reposait sa sœur cadette.

- Je suis sure qu'elle veille sur nous de là où elle est, avait-elle déclaré d'une petite voix.

Sa phrase fit écho, résonnant faiblement à travers la nécropole, tandis qu'elle s'abaissa à son niveau pour se recueillir comme il se devait. L'homme était resté silencieux pendant de longues minutes, laissant simplement son cœur se lamenter, avant de finalement prendre la parole.

- Reposes en paix, Hozumi..






Hozumi Hirashima
25 Décembre 1991 - 6 Septembre 2007

❝ Tout passe, tout s'efface, sauf les souvenirs. Que ton repos soit doux, comme ton cœur fut bon ❞

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