" Si tu veux connaître ton ami,
couche-toi au bord du chemin et simule l'ivresse"
Tout en franchissant la fenêtre comme s'il cherchait à ne pas attirer l'attention sur lui, Chris rentre au repaire des loups. Il n'a aucune envie de mettre en évidence le fait qu'il a passé la nuit dans le lit d'une femme avec laquelle il ne devrait pas être.
L'esprit remplit de tous un tas d'images, il s'avachit dans le sofa dont l'état déplorable laisse plus qu'à désirer. Seulement, à cet instant, il ne s'en formalise pas. Non, pas aujourd'hui ! Ses yeux d'un bleu quasi irréel sont rivés vers le plafond.
Il revoit sans mal Rebekah gonfler la poitrine en avant, ses cheveux blonds certes emmêlés, mais qui ne la rendaient pas moins attirante. Il n'oublie pas son regard tout comme ce sourire malicieux alors qu'elle tentait de le séduire.
Désarçonné, il porte ses mains à son visage en faisant pression sur ses traits.
Cherche-t-il à se réveiller de l'emprise qu'elle a déjà sur lui ou de masquer le sourire qu'il l'envahit en repensant seulement à elle ?
Peut-être un peu des deux !
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Caroline
Tant bien que mal, je cherche à analyser ses mots bien que ces derniers me bouleversent. Et pour cause, ces hommes ne sont plus des inconnus désormais.
Il est vrai que lorsqu'il a évoqué la toute première fois qu'il était prêt à en venir à une telle extrémité pour ne pas avoir à se séparer de moi, j'en ai été soulagé. Car lui, à la différence de tous ceux qui l'ont précédé, lui ne m'abandonnerait pas derrière lui. Non, lui, cet hybride qu'on dit incapable d'aimer serait prêt à écraser quiconque pour me garder. Et au fond, pour une femme qui pensait ne pas être assez bien pour être aimé c'est un véritable cadeau d'être tombé sur un homme tel que lui.
— Klaus, je soupire, cela fait des mois maintenant que nous les côtoyons. Tu n'aurais pas pu les tuer juste... comme ça.
— Et pourquoi pas ?
Il est inquiétant de constater à quel son esprit ne fonctionne pas de la même façon. Il est capable d'aimer, je le sais. Il me le prouve chaque jour. Pourtant, parfois il semble être dépourvu du moindre sentiment. C'est comme si, lorsqu'il estime que c'est nécessaire, il exécute une petite pirouette mentale se limitant uniquement à un cercle restreint et dont les autres à l'extérieur n'ont plus la moindre importance.
— Des dommages collatéraux, Caroline. C'est justement ce qu'ils auraient été.
— Et Chris ? j'ajoute la voix tremblante. Lui aussi tu t'en... serais débarrasser et cela même sans en ressentir la moindre culpabilité ?
Il peut bien me dire ce qu'il veut, il m'arrive peut-être de me montrer naïve mais je ne suis pas aveugle.
Ses sourcils se froncent comme s'il ne comprenait pas où je voulais en venir.
— Pourquoi parle t-on de Chris au juste ?
— Parce qu'il est évident que tu l'apprécies beaucoup ! Et je pense, non, je suis même quasi convaincue que ce sentiment est partagé.
Je vois que la brume autour de son cœur se dissipe. Ses traits s'adoucissent. Il a beau vivre depuis un millénaire, les véritables amis qu'il a pu avoir n'ont pas été nombreux, j'irais même jusqu'à dire qu'ils ont été quasi inexistants. Et pour cause, rejetés depuis toujours par les loups, craint par les vampires, très peu ont cherché à se lier à lui et cela sans arrière-pensée. Aussi loin que je me souvienne, seul Marcel en a été capable et là encore la situation était différente puisque Klaus s'est avéré être un père adoptif avant tout.
— Considères-tu Chris comme un ami ? Comme quelqu'un qui pourrait le devenir ? je l'interroge. Toi même tu m'as dit qu'il avait quelque chose que les autres n'avaient pas.
— Tout le monde n'est pas mauvais, Klaus. Certaines personnes sont vraies et ne sont pas toutes là uniquement par intérêt.
— Et toi, Caroline ? il me demande un sourire amusé au coin des lèvres. Es-tu là par profit ?
— Bien sûr ! je réponds, taquine.
— Je vois ! Et qu'attends-tu de moi exactement ?
Si seulement il savait. Je désire son amour plus que tout au monde tout en espérant ne jamais le lasser, me réveiller à ses côtés chaque matin. Avoir la chance de porter son enfant, le voir apprendre à un être un bon père et il le sera. Je n'ai aucun doute sur la question.
— Tout ! Je veux absolument tout. Le bon comme le mauvais ! Tout ce qui fait que tu es toi !
Klaus, amusé, sourit.
— Je vous trouve assez gourmande, Miss Forbes !
—C'est évident ! je réponds dans un sourire.
Jamais je ne pourrais me lasser de cette alchimie qui nous caractérise. J'aime particulièrement la façon avec laquelle il me regarde. Dans ses yeux, je me sens belle. Dans ses yeux, j'ai le sentiment d'être la plus belle merveille du monde.
— Il n'y a pas de mal, Klaus, à souhaiter avoir un ami à qui se confier, je termine en chuchotant. On en a tous besoin autour de nous et je le sais que trop bien parce que même si j'adore Magellan et qu'avec Rebekah c'est beaucoup mieux, Bonnie, Bonnie me manque chaque jour.
— Silas nous a déclaré la guerre, Caroline ! Alors peu importe que je l'apprécie ou pas et cela même si la question de l'alpha de la meute n'est plus d'actualité si je dois les pousser à se faire tuer les uns après les autres pour que ma famille reste seine et sauve, je n'hésiterai pas ! Parce que toi, mon ange, et ma famille sont les seules choses qui m'importent et ça ne changera jamais !
— Alors, permets-moi d'en douter !
— Je te demande pardon ?
— Viens avec moi, Klaus !
Et pour accompagner mes paroles, je lui tends la main.
C'est tous deux, main dans la main, que nous longeons les couloirs jusqu'à ce que je m'arrête à hauteur de la chambre de Rebekah.
Intrigué, mon originel fronce les sourcils.
— Regarde et dis-moi ce que tu vois ! je réponds à sa question silencieuse.
Obéissant, Klaus pousse la porte de la chambre de sa sœur et fait exactement ce que je lui ai demandé. L'Originelle danse au beau milieu de la pièce tout en chantonnant.
Et je sais qu'à cet instant, après l'avoir vu au plus mal pendant un certain temps, il va réellement se poser des questions.
— Elle semble... si.. commence-t-il.
— Heureuse ? je termine. C'est le cas !
— Qu'est-ce qui a changé ?
Comment lui avouer que ce qui rend particulièrement sa sœur si heureuse est un homme qu'il serait prêt à exécuter ?
—Tu as dit que moi et ta famille étions ce qu'il y'avait de plus important, alors tu devrais être plus attentif à ce qui se passe autour de toi !
Et sans rien ajouter d'autre, ne souhaitant en aucun cas trahir Rebekah, je tourne les talons et le laisse réfléchir. Toutes ces réponses il va devoir les trouver par lui-même car rien ne sortira de ma bouche.
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Kol
Je n'ai pas pu résister à la tentation. J'en ai plus qu'assez de cette situation. De me sentir impuissant, de voir Magellan s'épuiser pour réussir a contre carré la magie de Silas. Ce petit tour de passe passe a assez duré. Il est temps pour nous de retrouver notre force d'Autan.
— Où se cache Silas ? je demande à notre prisonnier calmement.
Nous aurions peut-être dû réfléchir avant de lui arracher chacune de ses dents, car il est évident que désormais on le comprend beaucoup moins bien. Cela dit, je jurerais avoir entendu un « va te faire foutre, connard ».
— Bien, c'est comme tu veux.
Devant le manque de coopération de l'homme-loup, mon visage angélique disparaît pour être remplacé par un nettement plus inquiétant.
De la poche arrière de mon jean, j'en sors un rouleau d'un film particulièrement épais et élastique. Et si j'en crois ce qui était inscrit sur la boite, il devrait être résistant.
Je retire ma veste tout en la déposant sur le dossier de la chaise puis commence à le dérouler. Puis, j'avance suffisamment puis lui compresse le visage dans le souhait de chercher à l'étouffer.
Les mains attachés au barreaux, il est impossible pour lui de se débattre. Tout ce qu'il peut faire c'est geindre et il n'y va pas de main morte.
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Caroline
Mes doigts glissent sur le couvre-lit. Inconsciemment, je revois Klaus sous sa forme de loup. Cette nuit, il l'a passé blotti contre moi, ses grands yeux ambre ne me quittant pas une seule seconde et j'en ressens encore le poids de son museau posé sur moi.
Lorsque je m'installe à la coiffeuse, une odeur en arrière-plan vient me chatouiller les narines et sans savoir comment j'ai pu aussi vite l'identifier je sais exactement à quoi elle correspond.
Mes sens se sont-ils brusquement décuplés ?
Un visage se reflète dans le miroir près du mien. Celui de Stefan, de Silas.
Aucun son ne sortira de cette pièce, je le sais. L'odeur de sauge y flotte.
Sans attendre, je m'élance pour atteindre la porte. Mon corps se soulève telle une plume et mon dos se plaque sur le lit. C'est désormais dans cette position que je me retrouve complètement figée et dans l'incapacité de bouger. La seule chose que je puisse encore faire c'est regardé le mouvement des doigts du sorcier semblable à un étau qui se serre. Il ne faut que quelques secondes pour que ma gorge se comprime et que l'air commence à me manquer.
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Klaus
Mes pas m'ont guidé jusqu'au Rousseau évacuant ma frustration dans un verre d'alcool. Comme souvent. Et j'ai beau me remémorer les paroles de Caroline, je ne comprends pas ce qu'elle a visiblement cherché à me dire.
Et en même temps, ce changement chez ma sœur, je ne peux l'ignorer. Je l'ai vu.
Rebekah était au plus mal et j'ignore ce qui a bien pu inverser la tendance. Peut-être qu'au fond, elle a raison, Silas m'obnubile, s'accapare de chacune de mes pensées et par conséquent je délaisse tous ceux qui se trouve autour de moi.
Lorsque l'alcool s'écoule, je ressens la sensation de ma gorge qui se réchauffe. J'essaye de mettre de côté cette sensation gênante, mon esprit est pour le moment bien trop ailleurs. Je repose mon verre sur la table laissant mes doigts masser mon cou.
Il ne faut que quelques minutes pour que je me rende compte que ce n'est pas vraiment ma gorge qui est nouée... mais la sienne.
Celle de Caroline !
Tel un détraqué, je quitte les lieux et m'élance à travers le quartier. Et plus, je me rapproche et plus je ressens sa peur, sa lutte pour survivre. Malgré tous ses efforts pour tenir face à son adversaire, ma vision se trouble en même temps que la sienne. Et tout ce que je peux faire pour le moment c'est la supplier de tenir... encore.
Plus les secondes défilent plus je sens que son corps lâche et que le mien s'affaiblit. Ne pas arriver à temps me tuerait à petit feu et j'estime avoir de nombreuses choses à vivre à ses côtés. Je ne laisserais pas Silas me prendre celle que j'aime. Elle est absolument tout pour moi !
Ma gorge se noue et mon cœur se fait si lourd. Mon corps humain me lâche.
A contre coeur, je décide de passer le relais à l'animal et à la différence de la nuit dernière, perdre le total contrôle pour le laisser seul maitre est mon choix. Contrairement à l'homme, l'animal aura un esprit bien plus clair sans toutes ses peurs qui m'envahissent comme la crainte de perdre à nouveau une personne à laquelle je tiens. Et si nous devions échoué, c'est lui que je blâmerais.
Et il ne faut que très peu de temps pour que son image se matérialise dans mon esprit. Au fond, lui aussi a senti que notre âme sœur est en danger.
Ses pattes blanches sont une nouvelle fois de l'autre côté de cette ligne séparatrice qui fend mon esprit en deux.
Est-il à ce point stupide pour ne pas avoir encore compris que le vampire de l'autre côté n'est plus là ou souhaite-t-il seulement ne pas s'imposer au risque de me braquer ?
Dans ses grands yeux jaunes, j'y décèle de la curiosité comme s'il cherchait à savoir si mon invitation à prendre complètement le relais était bien réelle.
Putain, bouge ! je grogne.
Et sans demander son reste, il franchit la ligne pénétrant à nouveau le territoire où résidait mon autre moi. Puis, il s'élance à vive allure dans ma direction et je sens que la mutation physique commence dans le monde bien réel.
Elle a même été rapide et presque indolore.
C'est désormais dans les rues de la nouvelle Orléans et en plein jour que mon loup s'élance de toute sa puissance. Et il donne tout ce qu'il a malgré les nombreuses crampes qui se font ressentir dû à un effort intense sur des muscles froids. Il ne s'arrête pas et cela peu importe ce qui se trouve sur son chemin et d'ailleurs le cheval qui tire une calèche ne fera pas exception. L'étalon apeuré s'arrête brutalement tandis que mon loup s'élance dans sa direction. L'étalon, pris de panique, se cabre agitant ses deux pattes avant avec frénésie.
D'un mouvement coordonné, mon corps assez svelte glisse entre ses deux pattes arrière et continue sa course malgré les coups de sabot reçus sur son dos.
Le temps presse. Caroline ne tiendra plus longtemps.