All of Me - John Legend
❝ Faire un film, c'est inventer un monde que les acteurs habitent le temps d'un tournage. ❞
— Benoît Jacquot
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Ce vendredi soir en quittant le lycée, Clara est de bonne humeur. Les vacances de printemps débutent dès le lendemain et la perspective de passer du temps avec Roméo pour son court métrage et avec ses amis l’enchante déjà. Si l’on rajoute à cela les nombreuses répétitions au théâtre et les devoirs du lycée avant les examens, le programme s’annonce chargé mais Clara sait qu’elle arrivera à gérer le tout pour profiter de chaque instant.
Comme tous les jours, elle fait une partie du chemin avec ses amis avant de se séparer à un boulevard parisien où chacun continue de son côté. Ce moment de solitude, cette bulle de musique lui rappelle lorsqu’elle rentrait seule il y a quelques mois encore, mais sans pour autant lui être désagréable.
Arrivée chez elle, Clara sent quelque chose d’anormal. L’appartement est étrangement calme alors que sa mère ne travaille pas aujourd’hui, elle devrait donc être là. L’adolescente hausse les épaules et se dit qu’elle est sûrement sortie retrouver des collègues. Elle s’avance donc de l’évier pour se servir un verre d’eau et se laver les mains, sans se douter de ce qu’il l’attend.
Sur la faillance brune repose une petite plaquette de pilules. Les mêmes que sa mère utilisait lors de son traitement contre sa dépression et sa dépendance. Clara sent sa tête chanceler et elle doit se maintenir au rebord du meuble pour ne pas tomber. Ses jointures de doigts blanchissent tandis que la vue de ces médicaments la replonge aussitôt dans des flash de son passé.
— Maman ? crie t-elle pour se rassurer.
Pas de réponse. La panique monte. Ce n’est pas le moment de faire une crise d’angoisse. Elle doit être forte. Elle l’a promis à sa sœur lorsqu’elle était encore dans le coma, qu’elle porterait tout sur ses épaules.
— Maman ? répète t-elle en s’avançant cette fois ci dans l’appartement.
Toujours aucune réponse. Clara sent l’anxiété monter. Elle regarde dans la chambre de sa mère, la sienne à tout hasard. Lorsqu’elle pousse la porte de la salle de bains, un cri de stupeur s’échappe de sa bouche. Sa mère se trouve au sol, évanouie, des pilules et des morceaux de verre éparpillés autour d’elle.
— Oh mon dieu ! Oh mon dieu ! crie t-elle dans tout l’appartement.
En entrant dans la pièce, elle remarque que le carrelage est humide et le robinet du lavabo ouvert. Clara s’empresse d’aller couper le filet d’eau qui s’en écoule en faisant attention où elle met les pieds et enroule sa main autour du poignet de sa génitrice. Sentant un pouls battre sous la pulpe de ses doigts, elle inspire un grand coup, à demi soulagée. Sa mère a juste perdu connaissance, elle respire encore. Tentant de garder son sang-froid, Clara sort ensuite son téléphone et composé en vitesse un numéro, les mains tremblantes.
Heureusement pour elle, les secours décrochent à la première sonnerie. La gorge serrée par les larmes, la blonde leur explique la situation. À l’autre bout du fil, la dame essaie de la rassurer et lui dit qu’une équipe médicale va arriver d’ici quelques minutes pour emmener sa mère à l’hôpital. Elle la presse ensuite de ne pas raccrocher.
— Parlez moi mademoiselle. Racontez moi ce que vous voulez, on va rester ensemble, d’accord.
Entre deux hoquets, l’adolescente acquiesce faiblement et répond aux questions que lui pose sa correspondante. Lorsqu’elle entend les gyrophares du Samu arriver dans la rue, elle ne peut s’empêcher de pousser un soulagement. Elle lui indique ensuite le code pour que les secours puissent rentrer et raccroche son téléphone. Elle leur ouvre la porte et les conduit jusqu’au corps inanimé de sa mère. Les médecins la soulèvent, quittent l’appartement grâce à l’adolescente qui leur tient la porte et ils sortent dans la nuit noire.
— Tout va bien se passer, mademoiselle, lui dit un des médecins en hissant sa mère dans l’ambulance. On va s’occuper d’elle, vous pourrez passer la voir très bientôt.
— Je… d’accord, merci.
— Vous avez quelqu’un pour vous héberger pendant ce temps ? Je ne sais pas si rester seule à surmonter ça est une bonne idée pour vous.
— J’y réfléchirai…
Une fois que le Samu a quitté son angle de vision et a tourné au coin de la rue, Clara remonte chez elle. À ce moment, son portable vibre et elle regarde le message qui s’affiche.
de Roméo à Clara :
Si tu es dispo, je pensais commencer le début du tournage dès demain matin au parc. Dis moi si c’est bon pour toi :)
de Clara à Roméo :
Ok, je serai là, bisous.
À contre cœur, elle tape sa réponse. Elle ne souhaite pas embêter son petit ami avec ce nouveau problème. Pas ce soir, pas maintenant. Clara sait à quel point ce tournage est important pour lui, alors elle ne veut pas le décevoir. Elle réussira à faire semblant, pendant une heure ou deux, d’aller bien, et ne gâchera pas le projet du brun.
La blonde soupire et regarde l’intérieur du frigo. Elle n’a même pas faim mais se résigne quand même à prendre un petit paquet de gâteau dans le placard. Ensuite, elle part dans sa chambre, casse le biscuit, en grignote quelques miettes puis, l’appétit coupé, se jette en boule sur son lit. Clara entoure ses genoux de ses bras, en position fœtale, et pleure à chaudes larmes. Seul l’écho de sa tristesse résonne dans le silence. Puis, elle s’enroule dans sa couette et, toujours en pleurant, tente de trouver le sommeil pour sa première nuit seule.
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Le lendemain matin, Clara se réveille après une nuit agitée. De nombreuses insomnies sont venues la troubler, et elle n’a pas dormi beaucoup. Lorsqu’elle croise son reflet dans le miroir, d’immenses cernes s’étalent sous ses yeux rouges et son visage est terne. Elle soupire, puis part prendre un petit-déjeuner. Son estomac gronde, pourtant la blonde se sent incapable d’avaler quoi que ce soit. Elle grignote quand même une demie tranche de pain, puis file se préparer. L’eau de la douche a un contact rassurant sur sa peau nue. À sa sortie, elle s’enveloppe dans la chaleur de sa serviette et enfile ses vêtements. Des coups d’œil furtifs à son téléphone lui permettent de voir qu’elle a encore un peu de temps avant l’heure du rendez-vous.
Une fois qu’elle est totalement prête, elle sort de l’immeuble et marche en direction du parc. Inspirer l’air frais matinal de ce début de printemps lui fait un bien fou. Arrivée au lieu de tournage, elle retrouve Roméo en compagnie de plusieurs jeunes, en train d’installer plein de matériel. Lorsqu’il la voit, il s’approche et l’embrasse.
— Clara ! Comment ça va ?
L’intéressée se mord la lèvre, hésitant à lui dire la vérité, puis finalement se ravise et prononce un simple mot qui va éviter d’inquiéter Roméo aujourd’hui.
— Bien, et toi ?
— Ça va super ! Je suis trop content de commencer, c’est dingue de se dire que ça va être mon film.
Clara sourit timidement.
— Elles te vont bien tu devrais les mettre plus souvent, lui dit-il en désignant sa paire de lunettes sur son nez.
— Merci, souffle l’adolescente, les joues rouges.
— Au fait, Clara, je te présente mes deux sœurs, Lizzie et Emma, ainsi que mon grand frère Julien.
— Roméo nous a beaucoup parlé de toi, enchaîne Elizabeth. J’avais hâte de te rencontrer.
— Moi de même dit Clara en riant.
— Ils sont de passage sur Paris cette semaine pour leur vacances, précise Roméo. Je leur ai proposé de me donner un coup de main pour le tournage. Julien s’occupera du son, Lizzie avec moi de la caméra et Emma jouera avec toi. Pour le moment, je pense pouvoir me débrouiller sans figurants, donc on verra, parce que j’ai aucune idée.
— Ok, super. Au pire si besoin, je peux demander aux gens du théâtre, je pense qu’ils seraient ravis.
— Ouais carrément ! On verra tout ça, je te dirai.
La matinée se déroule bien et Clara retrouve peu à peu le sourire. Elle parvient même à rire aux blagues de Julien et de Lizzie et essaie de penser à autre chose, se détendre, laisser de côté ses tracas. Une bonne ambiance règne dans le parc.
Dans le court métrage, la petite sœur de Roméo, Emma, interprète son double, qu’elle rencontre par hasard, au détour d’un banc. S’en suit une discussion entre les deux jeunes femmes qui apprennent à se découvrir, se connaître, à aimer leurs différences et à changer.
Car Emma a beau avoir les cheveux très sombres, c’est elle qui joue la joie et l’optimisme, tandis que Clara, blonde, joue la tristesse, le désespoir et la solitude. Cette dernière doit d’ailleurs ouvrir son cœur à Emma et accepter sa main tendue pour qu’elle y apporte sa lumière dans les ténèbres de sa part d’ombre. Roméo a ainsi voulu jouer de manière poétique et touchante avec les nuances et la complémentarité des deux adolescentes pour reproduire ce qu’il a créé dans son scénario. Le rire et les larmes. La lumière et l’obscurité. Lux et obscurus.
— 3… 2… 1… Et action !
Roméo prononce soudain cette phrase, coupant Clara dans ses pensées. Il se place aussitôt derrière la caméra. Les deux filles, quant à elles, s’assoient sur le banc en silence et patientent, comme indiqué dans le script.
Les premières scènes qu’il filme commencent à prendre forme. Au bout de deux heures de tournage, la fatigue se fait déjà ressentir chez certains, Clara en particulier, qui tentent de cacher ses véritables émotions au profite de celles dont elle a besoin pour son rôle.
Sa concentration n’est pas optimale, elle le sait, mais elle ne veut pas avouer ce qui la tracasse à Roméo, pour ne pas gâcher son enthousiasme. En cette saison, le soleil se lève tôt et l’adolescent voulait profiter d’un spot de tournage éclairé par les faibles rayons du soleil, ce qui explique le début de tournage matinal.
— Clara ? souffle t-il. C’est à toi.
Perdue dans ses pensées, cette dernière sursaute.
— Je… je suis désolée, on peut la refaire…
— Oui bien sûr. 3… 2… 1… Ça tourne !
L’adolescente se tient prête mais aucun son n’arrive à sortir de sa bouche. Elle se sent comme opprimée, dans un espace si vaste pourtant.
— T’es sûre que ça va ? Tu es toute pâle.
Elle hoche la tête de haut en bas mais ses larmes qui montent à ses yeux la trahissent. Annonçant une pause pour tout le monde, Roméo l’attire par le bras et l’entraîne à l’écart. Des milliers de frissons envahissent le corps de l’adolescente lorsque leur peau se frôlent.
— Clara attend ! Qu’est-ce qui ne va pas ? Dis le moi s’il te plaît…
— Je peux pas… Je suis désolée… Je sais à quel point ça compte pour toi. Mais je pense pas être là bonne personne. Je m’en sens pas capable. J’y arrive pas.
— Tu rigoles ? Tu es parfaite. Ne dis pas n’importe, ça arrive à tout le monde de pas être dedans.
— Mais je retarde tout le monde, regarde bien ! Ta sœur va en avoir marre de devoir me relancer parce que j’arrive pas à me concentrer dedans.
— Calme toi, calme toi, Clara. Personne ne va t’en vouloir. Encore moins ma famille. On prendra tout le temps dont tu auras besoin, d’accord ?
— Je… je sens que ça monte en moi.
— Une crise d’angoisse ?
— Mmmh…
— Respire avec moi. Je vais t’aider à te calmer.
Clara se laisse guider par les inspirations et les expirations du brun. Elle ne lui dit rien sur les médicaments qu’elle a vu chez elle et sur l’hospitalisation de sa mère pour le moment. Elle peut réussir à gérer ça seule.
— Tu es sûre qu’il n’y a pas autre chose ? demande t-il gentiment.
Clara secoue la tête mais les larmes se mettent à couler, avant qu’elle ne puisse les retenir.
— Ma… Maman a fait une rechute… hoquète t-elle.
— Oh, Clara… Quand ça ?
— Hier soir… sanglote t-elle.
— Pourquoi tu m’en as pas parlé ce matin ? On aurait repoussé le tournage tu sais, pour que tu te reposes.
— Je sais pas, je voulais pas gâcher ton moment. Oh, Roméo, j’ai vu plein de comprimés à côté d’elle, j’ai si peur qu’elle ait fait une connerie. Elle peut pas m’abandonner comme ça…
— Elle va se battre j’en suis sûre. Je te promets de te soutenir pendant cette période. On va traverser ça tous les deux.
Ils s’embrassent et Clara reste blottie un petit moment dans les bras réconfortants de son petit ami.
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hello !
comment ça va ?
j'espère que ce chapitre un peu plus long vous a plu et que ça vous donne envie de savoir la suite.
c'était étonnant que tout se passe comme prévu haha, il fallait bien que j'ajoute des retournements de situations n'est-ce pas ?
on approche bientôt de la fin de TEV (olala ça fait si bizarre de me le dire) mais rassurez vous, des rebondissements arrivent dans les prochains chapitres !
merci beaucoup pour les 5k vues ça me fait trop plaisir :)
bon week-end
— anaïs.