Caroline
Blottie dans ses bras, je ne pourrais pas me sentir mieux qu'à cet instant. Et bien que je devrais éprouver une certaine culpabilité pour ne pas l'avoir prévenu que nous pouvions maintenant concevoir un enfant, je ne la ressens pas.
Au contraire, je peine à retenir mon sourire conquérant.
Désormais, tout me laisse croire que c'était le moment opportun. Sans compter que son loup s'est manifesté durant notre acte charnel ce qui, en soi, est rarement le cas.
Je suis peut-être bien trop naïve pour l'espérer, mais tant pis, moi, j'ai envie d'y croire.
— Je t'aime, Caroline ! il me dit tout en déposant un baiser sur mon front.
Mon originel n'a jamais été le genre d'homme à exprimer ses sentiments, encore moins à déployer des mots d'amour à tout va. Il n'en fait d'ailleurs pas plus avec les membres de sa famille. Et au fond, cela m'est devenu égal, car jusqu'à maintenant il a toujours su me montrer à quel point je lui étais précieuse.
— Concernant ce qui va se passer ce soir, j'aimerais te poser une question, je demande tout en me redressant sur un coude.
Aussitôt, je le vois se tendre. Sa transformation prochaine l'inquiète. Il ne l'a jamais caché.
Quand la lune sera à son apogée, seul le loup sera en mesure d'imposer ses choix. Nous le savons tous les deux.
— J'imagine que vu que tu n'auras plus aucun contrôle sur ton corps, il te sera difficile d'y répondre, mais est-ce que tu penses que ton loup trouvera un petit moment pour moi ?
Ma question est peut-être complètement stupide, mais de m'imaginer dormir sans lui, je n'aime pas ça.
— Je l'ignore !
Et en même temps, c'est la réponse à laquelle je m'attendais. Son loup, au fond il ne le connait pas vraiment.
— Cependant, si je suis convaincu d'une chose, c'est que tu as autant d'importance à ses yeux que tu peux l'avoir pour les miens.
Et cette simple vérité me suffit et je pense pouvoir m'en contenter. Du moins, pour l'instant.
Elijah
À peine sommes-nous de retour au QG que ma sœur s'immobilise en plein milieu de l'escalier.
— Je sais que je n'aurais pas du sortir. Une fois de plus ! me dit-elle en se tournant vers moi.
Il semble qu'elle soit consciente de son acte.
Un acte, au fond, qu'elle ne semble pas pouvoir contrôler.
— Effectivement, tu n'aurais pas dû ! je lui réponds dans un sourire.
Un sourire qui en réalité ne fait que dissimuler le mal qui me ronge.
— Merci, Elijah. Merci d'avoir été là pour moi, une fois encore.
— Je le serais toujours Rebekah ! Pour toujours... et à jamais !
Et sur ces derniers mots, je la laisse regagner ses quartiers. Quant à moi, je prends la direction de mon bureau puis me sers un verre de Bourbon. Alors qu'autrefois, l'alcool n'avait aucun effet sur ma personne, ce n'est plus le cas désormais. Chaque gorgée malmène ma trachée et pourtant je ne peux m'empêcher.
Je m'installe dans mon fauteuil puis une cheville posée sur le genou de la jambe opposée, je songe à ma petite sœur.
C'est à se demander si cette soi-disant malédiction qui pèse sur notre famille est bien réelle. Car au fond, Rebekah semble prise dans une sorte d'engrenage qui quoiqu'il arrive la mène toujours sur le chemin de la souffrance. En choisissant de s'attacher au fils de Sam, elle en prend la direction.
— Te voilà ! me parvient la voix de Katherine. Je me demandais bien où tu étais passé, tout le monde est en train de se préparer pour les funérailles, elle poursuit en entrant dans la pièce.
Comme si le mal qui me ronge n'était pas suffisant, il faut que la culpabilité s'en mêle.
J'ai beau me persuader que c'est le bon moment pour nous deux. Que pour une fois, je ne serais pas seulement qu'une ombre pour elle, la réalité me rattrape.
Cette femme je la délaisse au détriment de ma famille. Cela l'a toujours été et le sera éternellement.
— Pardonne-moi, Katherina ! je ne peux m'empêcher de m'excuser. Rebekah était sortie. Il était de mon devoir de la ramener ici en sécurité.
— Si tu veux mon avis, ta sœur éprouve un besoin ardent de danger ! Et si elle continue, son imprudence va finir par tous nous tuer.
Las, je soupire puis prends une nouvelle gorgée de Bourbon.
C'est là où elle a tort, car ce n'est pas le danger qui anime Rebekah, mais bel et bien l'amour.
— Je sais à quel point ta famille compte pour toi, me dit-elle tout en capturant mes mains dans les siennes. Et bien que je ne serais jamais en mesure de comprendre toute cette loyauté que tu leur voues après un millénaire de trahisons, j'ai appris à la respecter. Cependant, tu vas devoir aussi apprendre à vivre pour toi... pour nous.
Ce lâcher prise auquel elle fait référence c'est aussi ce que je veux. Seulement, pour le moment et malgré un millénaire, je n'ai toujours pas réussi à l'atteindre.
Peut-être que Rebekah a raison. Il est possible que nous soyons réellement maudits.
Et pourtant lorsque je regarde Niklaus, cette lumière au bout du tunnel, je la perçois de plus en plus. Sa rédemption, j'y crois.
— Je suis prête à t'attendre, Elijah, mais j'espère sincèrement que tu en seras capable un jour.
Magellan
— Es-tu sûre que tu vas pouvoir te débrouiller sans moi ? je demande à Davina tout en terminant d'enfiler mes escarpins.
Cela m'ennuie beaucoup d'être contraint de l'abandonner dans nos recherches, mais Kol a longuement insisté pour que je l'accompagne aux funérailles de Sam. Et je lui ai cédé comme toujours, alors que pourtant je garde à l'esprit que la véritable priorité est bien de déjouer la magie de Silas qui le lie aux Mikaelsons.
Car il est évident que tant que nous n'aurons pas réussi à rompre son sortilège, nous ne serons pas en mesure de nous en débarrasser.
— C'est gentil, Magellan, mais je pense que je devrais pouvoir m'en sortir.
— Je n'en doute pas une seule seconde, Davina ! je lui dis avec bienveillance. Tu es une sorcière extrêmement brillante. Sache-le !
— Si je l'étais réellement, j'arriverais à comprendre la magie de Silas. Seulement, ce n'est pas vraiment le cas, aujourd'hui ! Pour moi, ce n'est que du... charabia !
Je souris puis m'installe à ses côtés.
— Et c'est tout à fait normal ! je la rassure. Silas utilise une sorcellerie si ancestrale qu'elle remonte bien avant ta naissance et la mienne. Cependant, je reste persuadée qu'avec mes connaissances et les tiennes en magie moderne nous pouvons riposter.
— Tu es prête, Magellan ?nous interrompt Kol.
Je me tourne sur le plus jeune des frères Mikaelsons. Habillé d'un simple jean, d'un tee shirt et d'une veste en cuir, il est a tomber. Comme toujours d'ailleurs. Et vu comment Davina le regarde, j'ose imaginer que je ne suis pas la seule à le penser.
— Je descends dans une minute, je lui réponds.
Kol nous observe tour à tour puis disparait de notre champ de vision.
— Ne fais pas la même erreur que moi ! je murmure à la jeune femme.
La petite sœur de Sophie fronce les sourcils puis m'interroge du regard.
— Ne succombe pas à son charme, Davina.
— Non, je...
Pourtant chacun de ses gestes contredit ses paroles. Sa main glisse nerveusement sur sa nuque. Ses yeux ne trompent pas. J'ai touché dans le mile.
Klaus
M'exposer à toute cette lumière, afin de tenir à distance mes ténèbres, j'en avais cruellement besoin. Pour une fois dans ma longue vie, je n'étais pas le big bad wolf, du moins, pas avec elle.
Caroline, une fois habillée, se présente devant moi. Je suis d'accord avec elle même si cette couleur est légitime aujourd'hui, le noir n'est pas ce que je préfère sur elle. Cela dit, elle ne gâche en rien sa beauté naturelle.
Caroline crochète mon bras et nous nous retrouvons vite dans la cour du QG, prêt à partir. Magellan est d'ailleurs la dernière à nous y rejoindre.
La Nouvelle-Orléans est une ville qui ne ressemblera jamais à aucune autre. Et cela sur de nombreux points. D'habitude, la marche funèbre se déroule dans une ambiance de fanfare ou de carnaval. Cette tradition funéraire, héritée des influences africaines des premiers esclaves, vise à rendre hommage à la personne décédée en jouant des airs solennels de musique puis des compositions plus festives. Cependant, cette fois, il n'y en aura pas.
Je veux que la Louisiane reste silencieuse alors je me suis chargé que cette tradition ancestrale n'est simplement pas lieu. Ce soir, personne n'a le cœur à la fête.
Pour l'évènement, j'ai fait venir une charrette tirée par deux frisons magnifiques qui sera notre seul et unique cortège. Ainsi, à l'intérieur, Chris et moi avons pu y déposer le corps de son père.
Arrivé dans le bayou, le sol en partie marécageux malmène de plus en plus les roues de notre carriole alors nous décidons qu'elle n'ira pas plus loin. Nous ferons le reste du chemin sans elle.
Plus on s'enfonce dans les profondeurs du Bayou, plus je sens mon côté sauvage qui s'en délecte. Chaque odeur se fait plus intense. D'ici quelques heures, sur mes quatre pattes, je foulerais cette terre, cela ne fait aucun doute. Je ressens déjà bien trop son attrait pour que ce ne soit pas le cas.
Lorsque Lucian s'en prend à Chris, je peine à me contenir. Dès la première fois, lui je l'ai pris en grippe, n'ai souhaité le connaitre. Et pour cause, sa couleur similaire à celui qui a tué Henrick n'était pas à son avantage.
— ça suffit ! je gronde en m'interposant entre eux deux.
— Je ne doute pas un seul instant que tu ne connaisses rien à nos traditions, mais ceci... en est une justement ! Chris est son héritier direct. C'est donc à lui que revient cette tâche. Ce n'est pas ma faute, s'il n'a pas les couilles pour le faire ! Sam était le chef de meute ! s'agace Lucian. Son corps doit être consacré par le feu afin que le pouvoir de l'Alpha se libère.
Sans me retenir, je ris.
— Que le pouvoir de l'Alpha se libère, c'est bien là tout ce qui t'intéresse dans toute cette histoire n'est-ce pas ? j'attaque.
— Et est-ce qu'on pourrait savoir en quoi consiste ce soi-disant « Pouvoir de l'Alpha » ? m'interroge Caroline d'un ton accusateur.
J'aurais dû me montrer courageux et tout lui avouer. Mais visiblement, et même si cela me tue de devoir l'admettre, Mikael avait raison... je suis lâche.
Alors lorsqu'elle me fait face et me demande des explications, je me sens trésaillé. Malgré moi, je me remémore ma conversation avec Chris.
*** Flash-back ***
— Parce qu'il va se passer quoi exactement lors de la cérémonie de consécration ? j'ose lui demander.
— Le corps de mon père va devoir être brûlé..., Chris commence.
Jusque là, rien n'est surprenant, après tout il s'agit d'une tradition auquel j'ai été habitué. Cet enterrement viking, Sam le mérite.
—... et le pouvoir d'Alpha va alors s'en extraire afin de choisir son prochain successeur, il m'apprend.
Mes lèvres quittent aussitôt leur jonction. En revanche, je ne m'attendais pas à une telle tournure.
Il est impossible pour moi d'ignorer qu'il y ait une possibilité pour moi d'être choisi surtout lorsqu'on sait que mes ancêtres ont tous, sans exception, siégé à cette place. Petit à petit, l'épée de Damoclès pèse lourdement au-dessus de ma tête prête à m'apporter le coup de grâce.
Alors sans que je m'en rende compte, ces mots auxquels je n'aurais jamais cru un instant être en mesure de prononcer franchissent mes lèvres :
— Si je suis choisi, j'aimerais que tu prennes ma place !
Nous savons tous les deux qu'il serait bien meilleur à ce poste que je ne pourrais jamais l'être. Comparé à moi, il a toutes ces qualités que j'ai toujours jugées importantes. Lui, je le vois comme le loup par excellence alors que moi, je ne resterai jamais que le fils bâtard.
Alors que Chris n'avait pas cherché à croiser mon regard, je viens à nouveau d'attirer son attention.
Et lorsque je plonge au cœur de ses yeux toujours ravagés par le chagrin, je sais que sa réponse ne sera pas celle que j'aurais souhaité.
D'un petit signe négatif de tête, il me le fait clairement comprendre.
Et mon monde à moi menace de s'effondrer.
— Ce n'est pas comme ça que cela fonctionne ! il m'avoue.
Abattu, je me laisse aller à quelques confidences.
— Tu sais, il y a une époque où j'aurais été... tellement satisfait. J'étais si avide de pouvoir que rien d'autre n'avait d'importance. J'aurais été jusqu'à tout sacrifié pour en obtenir y compris ma famille. Je l'ai fait d'ailleurs ! j'admets sans joie.
— Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui ? il me demande avec intérêt.
— Caroline, j'avoue sans préambule.
Nul ne sait que cette rédemption à laquelle mon frère s'est rattaché depuis des siècles est désormais envisageable, et cela grâce à ce bébé vampire.
— L'as-tu déjà ressenti Chris ? je l'interroge. Ce sentiment si puissant qu'il serait prêt a changé tout ce en quoi tu crois ?
Chris détourne la tête.
Je le vois réfléchir un moment sans pour autant me donner de réponse. J'ignore même s'il la possède.
— Je n'abandonnerais pas celle que j'aime ni ma famille pour gouverner un monde de loups auquel je ne porte aucun intérêt, je lui dis. J'avais beaucoup d'estime pour ton père, mais je suis désolé je n'irai pas à ses funérailles, je ne peux prendre ce risque d'être choisi !
— Retourne auprès de ton âme sœur, Nik. Montre-lui et dis-lui à quel point tu l'aimes, car être présent ou non.. ne changera malheureusement rien !
*** Fin du flash-back ***
— Alors tu le savais ? s'époumone Caroline. Tu sais ce qui est en mesure d'arriver et tu n'as rien dit !
— J'avais prévu de te le dire ? je me défends.
— Ah oui ! Vraiment ! Et quand exactement ? Lorsque tu auras été choisi pour régner sur un monde qui moi m'en exclut ?
Las, je soupire. Reconnaitre mes torts, je n'en suis pas capable.
— C'était quoi pour toi ce soir, Klaus ?... Un adieu ? me demande-t-elle la voix tremblante.
— Non !
Même ma réponse manque de conviction et tout comme moi elle l'entend très bien.
— J'ai peut-être mal agi, c'est vrai mais il n'a jamais été question de te perdre ou de te quitter. Les loups originels qui nous ont précédés seraient complètement stupides de me choisir comme prochain Alpha. Je t'ai fait une promesse, Caroline ! je ne suis peut-être pas aussi noble que peut l'être Elijah mais lorsque je donne ma parole, je m'y tiens.
— Alors, explique-moi car je ne comprends pas ! Comment peux-tu seulement la tenir en faisant ce que tu t'apprêtes à faire ? À nous faire ?
Ça et bien que je lui ai déjà dit, je ne peux pas le lui rappeler. Pas ici. Mais j'ose espérer que là-haut, eux le savent. Klaus Mikaelson a un sacré palmarès de noms inscrits sur sa liste de cadavres et y trouver de la place pour quelques-uns supplémentaire ne me pose aucun problème.
Au fond, je resterai à jamais le grand méchant loup, celui qui est incontrôlable. Lucifer peut bien aller se rhabiller, il ne m'a pas encore rencontré.
Mon silence l'agace de plus en plus. Elle fulmine, je le vois. Voir ce petit ange aussi lumineux s'énerver a toujours eu le don de me fasciner.
— Mais visiblement, Klaus, on a tous nos secrets. Et tu sais quoi, tu rigoleras beaucoup moins quand tu découvriras le mien ! elle attaque.