« Carry on, my wayward son
There'll be peace when you are done
Lay your weary head to rest
Don't you cry no more »
Kansas, Carry on my wayward son
Traduction (par moi) :
" Continue mon fils rebelle
Lorsque tu auras fini la paix sera là
Laisse ta tête fatiguée se reposer
Ne pleure plus "
Les résultats étaient concluants : Layla était une Immortelle.
Monsieur Z tenait entre ses mains un dossier de recherche provenant apparemment de l'un des laboratoires clandestins créés par son prédécesseur, Madame Z. Des laboratoires qu'il avait fait détruire avec leurs recherches. Tout comme l'on détruisait la marchandise de braconniers était détruite, Monsieur Z avait voulu montrer un exemple. La science ne serait pas une excuse pour torturer des psychiques. Il existait des laboratoires faisant légalement de la recherche sur les psychiques, avec des cobayes psychiques. Chacun était consentant, personne ne souffrait. Parfois même, certains de ces « cobayes » en ressortaient satisfait, ayant pu en apprendre plus sur sa nature, sur ses pouvoirs. D'autres pouvaient même y apprendre à contrôler leurs aptitudes.
Autrement, il était impossible que Monsieur Z ait pu tenir un tel dossier dans ses mains alors même que ce dernier était censé être détruit.
Les deux agents venus le lui remettre se tenaient avec une certaine arrogance dans son bureau, l'un deux assit sur son bureau tandis que l'autre semblait observer l'intérieur de la pièce. Les emplois de l'OIPP étaient rarement humbles, se cachant sur une bienveillance aussi réelle que pouvait l'être un mirage.
— Le sujet Layla est extrêmement dangereux, Monsieur Z.
— Elle est mon agent. Peu importe ce que vous pourrez dire, ou ce que vos papiers concluront, elle est sous ma protection, acheva-t-il en fermant le dossier aussi fermement qu'il était possible de le faire.
— Je vois que vous ne comprenez pas la situation.
Aussi, celui qui semblait faire la poussière alla s'asseoir sur une chaise faisant face au bureau, un sourire idiot comme le ferait un bureaucrate au pouvoir.
— Tout Immortel est un psychique non-naturel. Au sens juridique, il est un objet, et plus précisément une arme. Autrement dit, un Immortel est un psychique qu'il faut détruire. Il s'agit du programme Butterfly.
Ecraser le cocon avant qu'il ne devienne papillon. Un programme répugnant qui consistait à tuer les Immortels. En sachant qu'il existait, en particulier à l'étranger, des laboratoires cherchant à créer des psychiques pour mieux les étudier, des psychiques ayant un jour été de simples humains lambdas, aucun d'eux ne ressortaient jamais vivant. Alors, le fait que Layla puisse être l'une de ces personnes...
— Connaissez-vous l'organisation Sandhre ?
Le prenaient-ils pour un idiot ?
— Dorian Gray, leur Saint Chef criminel, n'est pas aussi invincible qu'on pourrait le croire. Il possède une faiblesse. Vous devez vous souvenir de sa fille Luce, n'est-ce pas ?
La petite Luce, évidemment que Monsieur Z s'en souvenait. Blond vénitien, regard céleste et aussi efficace qu'un commando élite. La fille de Dorian Gray. Monsieur Z était alors trop jeune, mais il se souvenait d'avoir entendu une histoire concernant cette tueuse professionnelle. Caméléon, elle aurait tout de même été vaincue par un agent de l'OIPP. Durant quelques années, Sandhre serait resté presque complètement inactif, cette mort ayant sans aucun doute anéanti le père célibataire capable d'endoctriner sa fille.
De son côté, Monsieur Z avait fait quelques recherches pour découvrir que Luce Grey avait été la victime de sa nature. Les Psychiques Caméléons avaient été une cible favorite de l'OIPP. Sans doute la raison pour laquelle cette branche psychique semblait avoir disparu, à l'exception de Dorian Gray et aujourd'hui de Layla.
— Luce n'est pas morte. Nous n'avons jamais retrouvé son cadavre, mais son ADN correspond avec exactitude à celui de votre agent Layla.
C'était tout simplement impossible. De ce qu'il en savait...
— Son père a appris par sa nature de caméléon les capacités des psychiques Jouvence. Nous supposons donc qu'il a, d'une manière ou d'une autre, réussi à inverser le processus de vieillissement de sa fille.
Monsieur Z reprit immédiatement de dossier.
Les psychiques Jouvences avaient complètement disparu depuis au moins deux siècles, ce qui donnait un âge approximatif à Dorian. Il s'agissait de Psychique pouvant contrôler la croissance de leur corps et guérir d'à peu près tout. Ils ne pouvaient pas mourir.
Après avoir regardé à nouveau le dossier, il comprit le problème.
— Layla ne possède pas la nature Jouvence dans ses apprentissages. Elle était un Caméléon vierge de toutes connaissances à la naissance. Aussi, je crois savoir ce qu'il a fait, parce que j'ai déjà vu l'expérience être effectuée en test, donnant naissance à un psychique Jouvence presque complet.
Il sortit une fiche en particulier.
— Il a dû faire une greffe de cellules juventis en sa fille pour la forcer à reprendre un état très jeune.
Il s'agissait des cellules théoriquement responsables des capacités des Jouvences.
— Je ne connais pas les détails, mais à mon avis, il a dû la faire régresser à l'état embryonnaire puisque sa mère, une Banshee, est véritablement sa vraie mère.
Layla n'était donc pas née naturellement. Pire encore, elle était morte et avait été ramenée à la vie. Une Immortelle de naissance possédant sans doute en elle une troisième nature. Une psychique caméléon et banshee, mais également jouvence... C'était à se donner des migraines.
— Vous comprenez à présent la raison de notre présence. Cette fille est extrêmement dangereuse.
***
Par des cellules juventis. J'étais devenue une Immortelle dès ma naissance parce que mon père biologique avait refusé de me laisser mourir et m'avait injecté des cellules sans mon consentement.
D'après Dorian, j'avais vécu une autre vie dans laquelle j'avais été Luce Gray, une psychique Caméléon. Ma nature étant vu comme une menace par l'OIPP, j'avais été tuée pour la seule raison que Dorian et une femme inconnue de ma mémoire avait décidé de me donner naissance.
Mais une question demeurait. Si je voulais bien croire tout le reste, un mystère me titillait l'esprit.
— Pourquoi un embryon ?
Après tout, n'aurait-ce pas été plus simple de simplement me faire revenir à un âge où mon corps était sans trouble ?
— Il est possible que je n'ai pas effectué de dosage et trop injecté...
Un mauvais dosage... Evidemment.
—Je t'ai conservée dans un bocal avant de me trouver une femme psychique à la vie stable mais aux mœurs légères. Encore désolé Gauthier, mais si ça peut te rassurer, elle ne t'a pas trompé qu'avec moi. Mais elle se protégeait bien.
Mon père chassa la remarque d'un geste de la main. Il était apparemment au courant.
— Et lorsqu'elle s'est endormie, je t'ai introduit en elle.
— Oui, parce qu'il est très facile d'accrocher un embryon sur la paroi vaginale d'une femme qui n'est pas enceinte.
— Lorsque tu as les connaissances nécessaires et la pratique, oui.
N'étant ni gynécologue ni chirurgienne, je ne pouvais que le croire sur parole.
— J'avais eu pour ambition d'aller voir Gauthier pour te réclamer et faire agir mes droits en tant que père biologique. Malheureusement, ta mère étant douée d'une intelligence inférieure à cette d'un enfant de trois ans, elle a commencé à fréquenter une secte. Elle voulait t'y intégrer, alors je m'y suis infiltré comme enfant et j'ai par la suite proposé à Gauthier d'être ton frère tandis qu'il serait ton père. Mais toi, tu as simplement rompu ta promesse en m'effaçant de sa mémoire.
— Tu es le patron d'une organisation criminelle, je n'ai fait que protéger Layla.
— Et si nous revenions au problème principal ?
Chacun se tourna vers moi.
— Ces cellules juventis en moi... Est-ce qu'elles font de moi une Jouvence ?
— Exact. Le problème est que ces cellules ne s'activent qu'à un âge de vieillard. Sans doute la raison pour laquelle les Jouvences ont fini par disparaitre d'eux-mêmes. Vivre toute une vie sans mourir jusqu'à ses quatre-vingt ou quatre-vingt-dix ans pour les moins chanceux, c'est assez long. Tu n'activeras ta nature Jouvence que lorsque tu seras devenue une très vieille femme, Layla.
L'OIPP me recherchait pour une chose dont je n'étais même pas responsable. Ma vie était menacée parce qu'un jour un père avait refusé de laisser sa fille partir. Une vie de fugitive m'attendait pour la seule raison que Dorian avait choisi de me transformer en erreur de la nature plutôt que d'accepter ma mort.
— La pire chose que l'on pourrait souhaiter à un père, c'est qu'il meurt après ses enfants.
Mon père devait avoir raison. Et Dembe semblait être s'accord.
— Un parent ne devrait pas survivre à son enfant.
Sans aucun doute. Mais en attendant, ma vie était devenue un futur enfer sans espoir de sortie.
— Layla, je peux t'aider. Mon organisation est puissante, je l'ai construit pour toi. Pour nous. Pour te protéger. Et avec les ans, pour offrir un abris aux psychiques menacés par les organismes humains luttant contre ce que nous sommes.
Dorian était mon père, mais je ne me souvenais de lui que comme étant un frère. Un garçon m'ayant appris à me servir de ma nature de caméléon. Un garçon répondant toujours présent lorsque j'avais besoin d'aide. Mon père était cet ex-militaire à la force surhumaine. Un homme ne partangeant rien de mon sang mais qui se fichait éperdument de ce genre de lien. Il n'en avait jamais eu besoin de m'élever comme sa fille, pour me protéger et m'aimer. Il s'était tenu à mes côtés depuis petite fille, il était encore là aujourd'hui.
Alors, je me tournais vers Dembe. Il n'était pas mon, il n'était pas mon frère. Cela ne l'empêchait pas de rester à mes côtés et de vivre en me considérant non comme une petite fille qui avait besoin qu'on la protège mais comme une femme capable de grande chose. Il me considérait comme quelqu'un de fort, il avait confiance en moi. Bien plus que je n'en avais pour moi-même. Et en ce sens, je le savais digne de confiance. Je ne doutais pas de lui, je ne le ferai jamais.
Un regard pour le père surprotecteur, puis sur le père n'acceptant pas de me laisser indépendante, ma décision semblait difficile.. Mais pas auprès de Dembe, parce qu'avec lui chacune de mes décisions était la bonne.
— Je...
Et soudain, tout explosa. La porte d'entrée fut démolie alors qu'un flash fit siffler mes oreilles. La tête dans un étau, tous les sons en échos et ma vue brouillée, je ne vis que des hommes en uniforme et armée de la tête aux pieds qui pénétraient dans l'appartement. Jean n'était plus là, et tout comme mon père, je me trouvais à terre. Dorian se battait, Dembe se tenait debout, immobile. Personne n'osait l'approcher, on se contentait de le pointer avec des armes à feu.
Mais mon père... A terre...
Je rampais jusqu'à lui. Il n'ouvrait pas les yeux. Même en le secouant il ne reprenait pas conscience. Jean ne s'était finalement pas enfui. Il se trouvait plus loin, le crâne ouvert par des balles. Dorian y semblait insensible alors que les militaires tiraient.
Mais mon père... Inconscient...
Il ne bougeait pas, ses yeux étaient pourtant grands ouverts. Que se passait-il ? Dembe avait été maitrisé, Dorian avait été maitrisé. Et deux hommes en costards blanc entrèrent à leur tour, propre sur eux, habillés par un sourire professionnel.
Mais mon père... Dans son propre sang...
Il ne respirait plus, je ne sentais pas son cœur. Je n'étais pas médecin, alors il était probable que je me trompe. C'était même certain, parce que mon père était invincible. Il transformait les méchants en chocolat.
L'un des deux types s'accroupit à mes côtés alors que le son revenait à la normale au fur et à mesure que le calme envahissait à nouveau les lieux.
— Luce Gray, vous êtes coupable de crime contre-nature. En devenant une Immortelle, vous avez bafoué les règles imposées sur votre espèce.
— Qui êtes-vous ?
— Lucien Imperator, l'Archiduc de l'OIPP.
Il leva alors son arme pour la poser contre ma tempe.
— Layla, appela Dembe. Ton père du passé est maitrisé, ton père du présent est mort. Mais ton père futur t'as offert un présent.
Mon père du futur...
L'arme de Lucien se tordit devant lui alors que ma perception du monde changeait. Les couleurs se modifiaient, leur intensité aussi. Je voyais tout, parce que la lumière guidant habituellement mon don se reflétait partout à présent.
— Tes yeux... Pourquoi sont-ils ainsi ?
— Vous pensez tout connaitre de ce que je suis parce que vous avez lu un dossier.
Lucien et ses hommes furent propulsés contre les murs, leurs armes tombant à terre tandis que je me relevais avec peine mais sans rien montrer de mes difficultés.
— Ce qui fait de moi une Immortelle n'est ni ma renaissance, ni cette nature de Jouvence endormie en moi. Ou plutôt, ce n'est rien de ceci qui me rendra dangereuse pour vous. Pas plus que la survivance que ma nature de Caméléon m'offre.
Mes paumes s'ouvrirent, mes doigts s'écartèrent et les membres des soldats furent collés contre ce même mur. Ils tentaient de résister, de bouger, mais surélevés du sol, ils étaient malgré eux plaqués par une force invisible.
— J'ai fait un rêve, et dans ce rêve je souhaitais la paix et la liberté. Alors un homme est apparu à moi. En m'offrant son cadeau, il m'a donné les capacités de prendre cette liberté que chacun s'évertue à me refuser. Et il est devenu mon père.
Trois père. L'un était mort. L'autre venait d'une autre vie. Mais le dernier, je le sentais à mes côtés sans qu'il n'ait été présent. La puissance dont il m'avait fait don coulait dans mes veines. Les apprentissages psychiques emmagasinés par le caméléon en moi m'était entièrement accessible, sans que je n'ai eu besoin de visualiser la lumière proposée par Dorian lorsque j'étais plus jeune.
— Ne faites pas de moi votre ennemi, parce que si je suis considérée comme l'agent Dieu à l'USRP, dans la réalité on me donne un tout autre surnom.
Je m'approchais de l'un des deux hommes vêtus élégamment, ce cher Archiduc. Et de grandes ailes se déployèrent dans mon dos. D'un blanc immaculé. Il fallait une certaine force, un maitrise de ses dons et une grande puissance pour parvenir à appeler seulement quelques caractéristiques animales sans à avoir à se métamorphoser entièrement. Ce que l'on m'avait révélé tout du moins.
— Je suis Lucifer, l'Enfer se trouve dans mes mains, mes flammes punissent les pécheurs. Et contrairement à la Bible, je détrône ceux qui, comme vous, se considèrent comme Dieu.
Dorian et Dembe sortirent avec moi sous ma demande silencieuse. Nos ennemis ne bougeraient pas tant que je ne serais pas assez loin pour ne plus pouvoir continuer mon contrôle sur leur corps.