Rebekah
Mon visage n'est désormais plus qu'un mélange de terre et de sang collé par toutes les larmes que j'ai versé depuis que son coeur s'est arrêté.
— CHRIS !
Le hurlement de Sam semble déchirer le ciel.
Revenue sous sa forme humaine, il est désormais bien moins agile. Le poids des années ainsi que les stigmates de sa blessure sur sa jambe lui fait défaut et pourtant tout comme Chris l'était, il reste un combattant, une véritable force de la nature.
Lorsqu'il tombe à terre au côté de ce dernier et constate la plaie béante sur la poitrine de son fils, son visage s'horrifie.
Quant à moi, je piétine sur place, plongeant inconsciemment mes mains pleines de sang dans mes cheveux blonds. Ce que je vis est un véritable cauchemar.
De là où je suis, j'observe un père essayant par tout les moyens de faire revenir son fils à la vie en alternant les massages cardiaques et le bouche à bouche.
— REVIENS, CHRIS, REVIENS !
Et il ne lâche rien, s'obstine, malmenant si fortement sa poitrine que j'entends certains os de sa cage thoracique déjà fracturé par Silas se briser. Cependant Sam , pris de frénésie, ne s'y attarde pas et continue son acharnement.
— REVIENS, par pitié, REVIENS ! N'ABANDONNE PAS !
Le coeur en miette, je me frotte machinalement les bras et constate que je porte toujours son blouson de cuir. Comme une seconde peau, la veste de Chris ne m'a pas quitté une seule seconde.
Des flashs de notre première rencontre jusqu'à notre dernière soirée se rappellent à moi. Je me souviens encore du moment où il me l'a glisser sur les épaules.
Après de longues et interminables minutes, je vois Sam se résigner à poursuivre. Il pose alors son front contre celui de son fils dans un geste affectueux et murmure :
— Repose en paix, petit ange, lui dit Sam. Toi et moi , nous nous retrouverons bientôt et sache qu' à ce moment là nous redeviendrons une famille , celle que je n'ai jamais été en mesure de te donner .
Mes pleurs ne se tarissent pas, bien au contraire. Lorsque les larmes de Sam s'écoulent, les miennes reviennent tel un cheval lancé en plein gallot. Je prends conscience que tout est définitivement terminé et la sensation est atroce. Je m'écroule à terre, n'ayant plus la force de tenir debout.
— Je suis désolé ! admet Silas qu'on avait presque oublier. Sache que cela n'avait absolument rien de personnel et si tu veux mon avis je trouve que sa mort est un beau gâchi.
— Je t'ai mordu ! cri Sam enragé, tu ne devrais pas être déjà debout !
Est-ce trop demandé qu'après tout le mal qu'il a causé autour de nous de nous laisser une minute de répit ?
— Désolé, L'ami ! Ton venin de loup était efficace sur le moi vampire mais vu que je ne le suis plus, il n'est plus d'aucun effet ! Cela dit, je t'admire ! Vraiment... et je suis sincère. Tu n'as pas menti à ton fils car il est évident que tu vas très vite le rejoindre ! poursuit-il d'un air sournois.
Derrière moi des hommes s'approchent et nous entourent rapidement. Je reconnais d'ailleurs certains de leurs visages. Il s'agit de la meute qui m'avait attaqué avant que Chris n'intervienne. Et A cet instant, je donnerais tout pour chevaucher à nouveau son engin de malheur et me blottir contre son dos.
— Croyais-tu vraiment qu'ils n'étaient pas corrompus ? s'adresse Silas à Sam. Regarde comment ils me sont obéissants ? De vrais clébards !
— Vous devez allégeance aux vôtres et non à un sorcier ! Hurle Sam d'une voix glaciale aux hommes loups . Vous êtes une véritable honte pour notre espèce !
Celui que je reconnais comme l'Alpha de la meute qui avait osé levé la main sur moi s'avance. Ces yeux de fouine, impossible de les oublier.
— Grâce à lui, nous pouvons muter à volonté ! dit-il. Alors si un dernier combat nous permet de ne plus avoir à le faire, cela en vaut la peine ! Devoir le faire à chaque pleine lune est une véritable torture !
—Muter, c'est votre nature !
Malgré les dires du loup originel, les lycanthropes qui nous font face entament leurs transformations.
— Très bien ! Qu'il en soit ainsi ! poursuit Sam.
Après une longue et interminable minute, il mute à son tour. Désormais, le regard de l'animal n'est plus le même. Il est triste, vide.
Désormais, hormis la mort, rien ne l'arrêtera.
— Bien ! Que le spectacle commence! termine Silas dans un geste théâtral.
Et sur ces derniers mots, le loup Originel passe à l'attaque.
— Rebekah ?
Cette voix, je la reconnaitrais entre mille, il s'agit de celle de Niklaus. Mon frère n'est pas censé se trouver là. Et pourtant, c'est bien le cas ! J'ignore comment il m'a retrouvé mais il a réussi.
Après un hoquet, je m'agrippe à sa main tendue dans ma direction afin d'arriver à me redresser, car, seule, j'en suis profondément incapable. Pas après ce qui vient de se passer. Pas après avoir assisté en direct à la mort de l'homme pour laquelle j'étais prête à offrir mon cœur.
Toute cette malédiction qui pèse sur moi va-t-elle finir par cesser ?
— Tout va bien aller, Sweetheart, me dit-il tout en posant une main chaleureuse sur ma nuque. Tout est terminé maintenant.
Nik aura beau essayé de me réconforter, il ignore à quel point il a tort, car non, cela n'ira pas. Cela n'ira plus. Je me sens désemparée, vide de l'intérieur plus que je ne l'ai encore jamais été.
Plongée dans le déni, je le laisse m'enlacer.
Lorsqu'il s'écarte et que l'expression de son visage se modifie, je sais qu'il vient, à son tour, de se rendre compte de la gravité de la situation. Nik m'abandonne alors pour se diriger droit vers le corps inanimé qui jonche le sol. Il avance d'ailleurs d'une lenteur exagérée comme s'il cherchait désespérément à en retarder l'échéance.
Je le sens à la fois surpris et attristé lorsqu'il se rend compte qu'il s'agit bien du fils de Sam. De mon poste d'observation, je le vois poser délicatement deux doigts dans le cou du défunt. Quant à moi, je m'oblige à détourner le regard. Entendre les battements de son cœur ralentir jusqu'à s'arrêter, m'a suffi.
Autour de moi, tout ressemble maintenant à un véritable champ de bataille. Adam et Lucian, sous leurs formes lycanthropes, ont d'ailleurs rejoint le combat. Mon frère Kol, également. Muni de sa précieuse batte de base-ball, les hommes-loups qu'ils croisent en prennent pour leur grade. Quant à Silas, il cherche désespérément à se débarrasser de Sam. Et pour cela, il n'hésite pas à projeter de nombreuses boules de feu dans la direction de l'Alpha des Loups originels qui n'a de cesse de les esquiver.
— Rebekah ?
Cette fois, il s'agit de la voix d'Elijah. Tel un zombi, je me tourne dans la direction de mon frère ainé. Ses yeux chocolat prennent le temps de naviguer de Niklaus à moi. Lui aussi vient de remarquer le trépas de Chris. Lorsque Nik le lui confirme d'un simple geste de la tête, j'avoue le cœur en miette :
— J'ai... j'ai... essayé de le sauver. Il ne m'a manqué que quelques minutes. Seulement quelques minutes.
Déboussolé par mon état, par mes larmes qui n'arrivent pas à se tarir, Elijah m'attire à lui et m'enlace affectueusement. Apaiser ma peine. Lui non plus ne le pourra. Personne ne sera en mesure de le faire. J'ai mal. Tellement mal !
— Caroline ? résonne la voix déconcertée d'Elijah. Pourriez-vous, s'il vous plaît, raccompagner ma petite sœur au QG ?
À sa demande, la jolie blonde, le regard compatissant s'avance dans ma direction.
— Bien sûr ! elle lui répond.
Caroline était l'une des rares personnes à connaitre mes sentiments pour le fils de Sam. Alors, elle comprend pourquoi je suis autant dévastée par la situation. Cette obsession pour Chris n'était peut-être pas réciproque, mais peu importe, au moment même où mes yeux se sont posés sur lui, chacun de ses traits se sont ancrés au fer rouge dans mon esprit. Et ça, je n'ai pas pu le contrôler. Il n'était pas parfait, il avait lui aussi ses propres démons à combattre. Et bien même si au début de notre rencontre, il n'a pas été tendre avec moi je crois bien que petit à petit, il me laissait entrer.
Mes yeux emplis de larmes se posent à nouveau sur son corps dépourvu de vie. Les boules de feu du sorcier se sont transformées en un incendie qui consume tout sur son passage, réduisant à néant la végétation. Bientôt, les flammes l'atteindront. Et je ne peux pas laisser cela arriver.
Alors que je cherche à le rejoindre, je sens une prise ferme sur mon avant-bras qui me retient. Adam, nu comme un ver, m'en empêche.
— Klaus m'a demandé de vous raccompagner toi et Caroline, il m'informe.
Voyons ma léthargie et mon regard qui n'arrive pas à quitter Chris, Adam poursuit :
— Rebekah, tu ne peux plus rien faire pour lui !
— Je.. je peux encore l'éloigner des flammes.
S'il brûle, cela voudra dire que je devrais l'abandonner et je ne suis pas prête à cela.
— Il est parti. Tu dois l'accepter. Quand nous mourrons nos corps doivent être consumé par le feu, c'est la tradition afin de pouvoir rejoindre nos ancêtres ! m'informe Adam. Et c'est ce qui va lui arriver. Chris mérite cet enterrement Viking, c'était un guerrier.
— Non ! je m'écrie en essayant de me débattre de sa prise ferme.
Plus il cherche à me retenir plus je m'énerve. D'un coup de sang, je lui colle mon genou dans l'entrejambe puis le frappe violemment d'un coup de poing dans le nez.
Avoir été élevée par un père viking tortionnaire et entouré de frères est clairement à mon avantage. Derrière cette apparence de princesse, je suis une guerrière.
Dans un cri de douleur, Adam me lâche finalement. Profitant de ma liberté retrouvée, je cours vers Chris, cherche désespérément à l'éloigner des flammes. Cependant, son corps est un poids mort que le mien, frêle et impuissant, n'arrive pas à bouger. Il est trop lourd. Beaucoup trop. Je glisse mes mains sous ses aisselles et cherche à le tirer par les épaules. Mes talons aiguilles s'enfoncent dans l'humus et pourtant je n'abandonne pas, et cela même s'il ne bouge pas d'un millimètre.
La chaleur des flammes autour de moi me fait transpirer à grosses gouttes. Je pleure de tout mon être car ma tentative est vaine et désespéré, je le sais. Sans mes capacités vampiriques, je ne suis pas à la hauteur. L'humanité alors ne m'a jamais paru aussi fade. Le monstre en moi l'aurait sauvé de son nectar. Le buveur de sang aurait été capable de tirer son corps massif. Épuisée, ma cheville se tord sous l'effort. Je m'écroule sur lui, pleure, frappe frénétiquement sa poitrine. Je le hais d'être tombé, de m'avoir abandonné. Je me hais d'être aussi faible. D'avoir laissé cet homme m'atteindre. Il n'était pas pour moi et je le savais et pourtant je n'en ai fait qu'à ma tête. Je voulais avoir le choix et c'est lui que je désirais.
— Rebekah ! s'époumone Niklaus.
Mon frère hurle mon prénom à tout va. La panique dans sa voix est palpable. À la force de crier, le timbre de sa voix est de plus en plus éraillé et je comprends pourquoi. Désormais, les flammes nous entourent Chris et moi. Me retrouver piégée, ce n'est pas ce que je voulais, mais je ne m'en sens pas triste pour autant. La peur me reste même étrangère.
Je conserve le silence et me contente de sourire en posant mon regard sur Chris. Ma main glisse sur sa pommette, retrace chaque trait de son visage. De son vivant, jamais il ne m'aurait laissé le toucher de cette façon alors peut- être que j'en profite tout simplement. Je dépose un baiser sur son front puis m'allonge à ses côtés. La joue collée sur son torse. Je suis bien, et cela même si j'entends les appels incessants de mes frères de l'autre côté de cette barrière de feu.
— Rebekah ?
Cette fois, cette voix, ce murmure n'a rien avoir avec les précédents. Toute tremblante, je me redresse et aperçois les paupières de Chris se mettre à papillonner.
— Oh mon Dieu ! je lâche
Le bleu splendide de ses iris apparaît soudainement tels deux joyaux.
— Tu... tu es vivant ! je poursuis à beau de souffle. Comment... comment est-ce possible ?
— Tu m'as donné de ton sang Rebekah, l'as-tu oublié ? il me demande de sa voix encore bien engourdie.
— La quantité que tu as reçue était loin d'être suffisante. Sans compter que j'ai entendu ton cœur s'arrêter.
Et là, je comprends.
— Ce sont les massages cardiaques de ton père qui t'ont sauvé la vie, je poursuis. Ils ont pris le relais en redonnant les impulsions nécessaires pour que mon sang s'étende dans tout ton organisme.
— Vous m'avez sauvé tous les deux ! il corrige.
Sans pouvoir me retenir, je déchire un peu plus le tissu de sa chemise pour observer sa blessure. Une larme de soulagement perle la pointe de mon œil en constatant que le trou béant qu'il avait en plein milieu de la poitrine s'est parfaitement refermé.
— Je vais bien, Rebekah ! il me rassure. Cesse de pleurer, s'il te plaît. Je crois que je n'aime pas ça !
Je ne pense pas que cela soit possible, mais au moins la tristesse s'est transformée en une joie indescriptible de le revoir.
— Pourquoi fait-il si chaud ? il me demande.
Et merde, j'en avais presque oublié le feu qui nous a pris au piège.
Lorsqu'il s'en aperçoit, ses grands yeux s'écarquillent. De l'autre côté des flammes, Nik et Elijah s'époumonent toujours, hurlant mon prénom à tout rompre.
— Nik ?
— Chris ? s'étonne l'hybride.
Et alors qu'il explique à mon frère comment il va procéder, moi je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. D'ailleurs, je n'ai pas lâché la silhouette de Chris des yeux comme si j'étais en totale admiration. C'est le cas de toute façon !
— Approche, Rebekah, me dit-il en m'attirant doucement à lui.
Plaqué contre son corps musclé, je me sens à nouveau dépouillée de tout mon être. Il place ses grandes mains sur mes hanches et je ne peux empêcher ma peau de s'embraser à l'endroit même où il me touche. Fascinée, intimidée par son contact, j'ose redresser la tête et me noient aussitôt dans le bleu de ses iris.
— Tu es prête ? il me demande, le regard ancré dans le mien.
J'ignore ce qu'il compte faire, mais j'ai confiance en lui et cela me suffit amplement.
Mon hochement de tête terminé, Chris me lance à travers les flammes et les bras sécurisants de Klaus me récupèrent dans la foulée.
— Ne recommence plus jamais ça, Rebekah, me dispute mon frère. Où une fois qu'on sera redevenu des vampires, je te daguerais à jamais !
— C'est promis, Nik ! je lui réponds dans un sourire.
Je comprends à quel point il a dû s'inquiéter pour moi alors sa menace ne m'atteint pas.
— Il faut qu'on aide Chris à sortir.
Ma phrase à peine terminée, c'est dans la peau de son loup que Chris traverse la barrière de feu. Et bordel, il est toujours aussi splendide. Que ce soit dans une forme ou dans une autre d'ailleurs. Plus jamais je ne pourrais le confondre avec Sam. Tout chez lui est plus vif, sauvage, intense.
Les flammes autour de nous ne font qu'accentuer plus encore les nuances cuivrées de son pelage. Avec intelligence, ses yeux ambrés nous analysent, nous sondent. Et il m'en colle des frissons à m'observer de cette façon.
— Bon retour parmi nous ! lui dit mon frère.
Et il n'y a aucun doute, Niklaus est sincère. Il est rare que Nik se soucie d'autres personnes en dehors de son cercle restreint et pourtant il est presque impossible de ne pas remarquer que le fils de Sam échappe à cette règle.
Puis, son oreille gauche ne cessant de s'agiter, Chris bascule sa lourde tête sur son dos et pousse un hurlement puissant que j'entends ronronner dans ma poitrine.
Sam le reconnait aussitôt et n'hésite pas à abandonner le combat contre Silas pour se précipiter à toute hâte vers son fils qui le corps bien raide et la queue panachée relevée l'attend de patte ferme. Le spectacle qu'ils nous offrent est émouvant. Ils chahutent, se mordillent, se reniflent, se papouillent. C'est beau à voir ! L'amour entre eux est palpable. Même Klaus sourit sans doute nostalgique de ne pas avoir eu la chance de vivre un moment comme celui-là !
— Toi tu es censé être mort ! peste Silas.
Dans un grognement sourd, Chris lui répond à sa façon. En ligne, les loups originels font barrage et mon frère bien qu'ayant conservé sa forme humaine se poste à leurs côtés.
— Je t'aurais, joli cœur ! Après tout, nous n'étions pas dans la cour pavée du QG. C'est ici même que je te trancherais la gorge et cette fois tu ne t'en relèveras pas !
Puis, dans un nuage de fumée, la plupart des loups alliés du sorcier ayant déjà fui, Silas bat en retraite et disparait.
Petite info concernant le chapitre ;) Lors de la première écriture de ce chapitre sachez que le tournant de l'histoire était différent. Portée ma muse, Chris succombait réellement et malgré mes larmes et tout l'attachement que j'avais eu pour ce personnage. Cependant ce qui m'a incité à revoir ma copie c'est lorsque j'ai écris la suite . En effet, Rebekah sombrait dans l'hystérie. Voilà pour la petite anecdote. J'espère que vous avez apprécié la lecture de cette nouvelle partie. Pleins de bisous à vous et l'hésitez pas à commenter sur votre ressenti sur ce chapitre.