La Sorcière d'Aon

By mesdamesduc

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Chère Consoeur, Par la présente, je sollicite l'accord officiel de la Confrérie quant aux démarches que je so... More

Chronologie
4ème de couverture
À la maison
Avant de partir
Le port d'Odet
Hostilités
Pactiser ?
Scooty
Sur la route d'Aon
Police Magique Fédérale
Blanc.
Lettre
Rakabat
Si c'était à refaire
Kentigern
Le Chalet
Lettres
La Confrérie
Le témoin de promesse
Grandiose
Indécemment confortable
Lettres
Les danseurs
Kurt
Petit aparté #1 - Un dessin
Intervention
Petit aparté #2 - Changement de couverture
Lettres
Les batisseurs
Loukez
Seule
Petit aparté #3 - Dessin
Malo
Dysphorie
Alan
La première cuvée
Une Hohenhoff
Une question de profit
Corruption
L'eau du désert
Victoire et célébration
Conséquences
Le Monastère
Les couloirs
Âryni
La cape bleue
Stuttgart
Lettres
Technique secrète
La vieille sorcière
Menaces
Le blizzard
Insurmontable
Faire rager Âryni
S'unir
Guet-Apens
Suspicions
L'amour confrère
Double jeu
Un souvenir gênant
Le serment
Épilogue
Fin !
Annonce : D'Iris et d'Acier

Un imprévu

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By mesdamesduc

La Confrérie devait leur envoyer quelqu'un en moins d'une minute, minute qui s'égrena dans un silence de plomb. Les apprentis osaient à peine respirer, en suspens entre deux moments : celui où ils rentreraient chez eux et celui où Âryni, encore sous le choc de la gifle qu'elle avait reçue, attaquerait Amalia.

Elle n'eut, heureusement, pas l'occasion de passer à l'acte : une Consœur apparut auprès d'eux et d'un ample geste de la manche, transféra tout le groupe à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de là, au Monastère.

Ils arrivèrent dans une pièce où les attendaient plusieurs Maîtres. Dans un nuage de vapeur, vestige des -50 degrés arctiques, tous les six se défirent de leurs capes et de leurs écharpes. Les sortilèges de confort prirent le relais de leur magie et leur évitèrent un choc thermique spectaculaire. En revanche, rien ne préparait Amalia à la présence d'un Kentigern face à elle, déçu. Alors il était l'un des Maîtres qui avaient organisé tout ça ?

« Vous... Merlin, vous... »

La colère d'Amalia déborda d'un coup, la submergea, la posséda. Elle éructa un chapelet d'insultes sous l'air ahuri de l'ensemble des Confrères, et fondit sur Kentigern, ponctuant chacun de ses pas jusqu'à lui d'injure crachée avec rage — et elle n'aurait jamais imaginé qu'il lui restait tant d'énergie. Plantée devant le Maître toujours immobile, mais aux yeux écarquillés, elle parvint enfin à formuler une phrase cohérente :

« À quel moment nous envoyer affronter un putain de blizzard avec comme finalité un exercice mentaliste vous a paru une bonne idée ? »

À cette question, le visage de Kentigern se ferma. Il fronça les sourcils, saisit le bras d'Amalia et prit congé du reste du groupe. Déstabilisée, Amalia se retrouva chez elle, assise à la table de sa cuisine, face à un Confrère perturbé. La sorcière se redressa d'un bond. En muselant ses propos aux yeux des autres maîtres et surtout de ses camarades, il l'empêchait de reporter publiquement la faute de leur échec sur la Confrérie en elle-même. Ce n'était pas la première fois qu'il la déplaçait pour qu'elle se taise.

« Vous ne pouvez pas me transférer à chaque fois que je dis quelque chose qui ne vous plaît pas ! Vous avez complètement merdé la préparation de cet examen ! Vous m'avez oubliée dans l'équation ! J'aurais pu comprendre la dangerosité, j'aurais pu entendre la complexité. Mais ça ! Ce seul et unique indice ! C'est... mesquin, stupide, inapproprié, méchant, salaud, con, illogique et inadapté ! Vous êtes tout ça, vous-même et tous les...

— Je ne sais pas du tout de quoi tu me parles, Amalia. »

La sorcière le dévisagea sans comprendre comment il pouvait ne pas voir le problème. D'un geste, il l'invita à reprendre place en face de lui.

« Votre examen n'était pas complexe, explicita-t-il. Vous deviez trouver un indice par apprenti, chacun était relié à la spécialité de l'un d'entre vous, chacun d'entre eux était une clé pour ouvrir la porte. Il n'y avait aucun exercice en lien avec le mentalisme. »

Aucun exercice en rapport avec le mentalisme ? Amalia se laissa retomber sur sa chaise, choquée. Les dernières heures défilaient dans sa tête. Avaient-ils loupé toutes les indications dans la tempête de neige ? Le doute la prit.

« Le blizzard...

— À nouveau, je ne sais pas de quoi tu parles. Nos meilleurs météomages nous avaient garantis un ciel dégagé sur plus de quarante-huit heures. »

La sorcière ravala sa salive. Alors rien de ce qu'ils avaient surmonté n'était prévu ?

« Que s'est-il passé ? » s'enquit Kentigern, inquiet.

Amalia sentit l'angoisse du Maître transparaître sans déceler s'il l'avait laissée filtrer intentionnellement. Le sentiment s'insinua en elle et elle se surprit à trouver la sensation désagréable, intrusive. Elle ignora son impression et se lança dans un compte rendu aussi clair que possible sur ce qu'elle venait de vivre.

« Qui peut avoir fait ça ? » demanda Amalia en conclusion.

Kentigern sembla hésiter.

« Vous n'avez pas le droit de me cacher quoique ce soit là-dessus. Qui que ce soit, j'ai été mise en danger à cause de ça, car ça aurait très bien pu mal se finir. Qui, à la Confrérie, peut lever un blizzard à 30.000 km du Monastère ? Qui a intérêt saboter un examen, de surcroît en reportant la faute sur moi ? C'est bien ce dont on parle ici, n'est-ce pas ? »

Kentigern croisa les bras et se laissa aller sur le dossier de sa chaise. Il poussa un profond soupire avant d'avouer :

« Il est probable qu'un Confrère intégriste tente de te faire échouer.

— Génial. Et c'est quoi un "Confère intégriste" ? Parce que, de mon point de vue, vous l'êtes à peu près tous. »

Kentigern sourit, mais chassa la remarque d'un signe de dénégation.

« Les intégristes souhaitent que la Confrérie demeure toujours inchangée. En t'intégrant si tard, on fait une entorse à ce qu'est la Confrérie depuis des milliers d'années et à ce qu'elle doit rester, dans leur esprit.

— Ha, ces intégristes-là... Oui, je vois. Certains apprentis s'amusent à me rappeler régulièrement combien je n'ai pas ma place ici.

— Certains Confrères pourraient s'en prendre à toi, physiquement, quitte à mettre ta vie en jeu.

— De mieux en mieux... »

Jamais Amalia n'avait imaginé risquer sa peau à la Confrérie autrement qu'avec les jeunes qui l'entrainaient. Si elle endurait le harcèlement dont elle était victime, c'était avec l'espoir qu'il cesse quand elle deviendrait Consœur, mais s'il était en train de lui dire que ça ne s'arrêterait pas là... Elle resserra ses bras autour d'elle, amère. Elle ne voulait pas subir tout ça toute sa vie, mais quelle alternative avait-elle ?

« Ça pourrait être Âryni.

— Quoi ? »

Kentigern rit de bon cœur.

« Non, ça ne pourrait pas être elle.

— Pourquoi pas ? Elle passe son temps à me rabaisser. Je pense qu'elle m'a envoyé ça. »

Amalia se leva et fouilla fébrilement dans les tiroirs d'une commode. Elle exhuma la lettre de menace trouvée chez elle et la tendit à Kentigern. Il la lut les sourcils froncés, puis frotta sa barbe entre de deux doigts, geste de nervosité qu'Amalia ne lui avait encore jamais vu.

« Quand est-ce que tu as reçu ça ? Pourquoi tu ne m'as pas prévenu ?

— Il y a une semaine. Je ne pensais pas que des disputes d'enfants vous intéresseraient, mais avec ce qu'il vient de se passer, ça prend une tonalité différente. Je crois vraiment qu'il faut parler avec Âryni.

— Ce n'est pas l'écriture d'Âryni. De toute façon, même si elle est puissante, elle n'a ni les capacités ni les connaissances pour réaliser le sortilège élémentariste qu'a nécessité le blizzard.

— Elle a repoussé la neige en pleine tempête pour trouver la porte ! s'exclama Amalia.

— Oui... ce genre de démonstration de force lui ressemble bien, concéda Kentigern, mais ce n'est pas de l'élémentarisme. »

La jeune femme croisa les bras, peu convaincue.

« Si c'est pas Âryni, c'est qu'il y a un Confrère puissant, peut-être haut placé, qui ne veut pas de moi ici.

— Oh, ça, ce n'est une révélation pour personne, répondit distraitement le Confrère. Mais la méthode ne ressemble en rien à la façon dont nous pouvons gérer nos différents internes...

— Ça n'est une révélation pour personne ? » répéta Amalia en détachant chaque syllabe.

C'en était une pour elle ! La vieille à la bibliothèque, la lettre et ça, maintenant. Kentigern avait fait naître en elle l'espoir de s'en sortir, de devenir Consœur. Il avait intrigué pour cela, l'avait étudiée, l'avait mise au défi, l'avait séduite, poussée dans ses retranchements, convaincue... mais il avait omis de lui parler de ce petit détail insignifiant : une partie de la Confrérie ne voulait pas d'elle. Un hoquet de rage la secoua : même si elle devait faire ses preuves, si elle démontrait toute sa capacité, sa place, ici, aurait dû être acquise !

« C'est le cas, Amalia, tu peux me faire confiance pour cela, souffla doucement le Maître Confrère.

— Arrêtez de lire dans mes pensées, articula-t-elle. Si d'autres ne veulent pas de moi... Pourquoi insistez-vous ? Pourquoi m'avoir offert cette porte de sortie si elle doit être fermée par d'autres ? »

Kentigern la fixait en silence. Il évaluait et triait les informations qu'il pouvait lui révéler. Incapable de rester en place en attendant sa réponse, Amalia marchait de long en large. Leur retour précipité lui avait fait oublier ce que son corps avait subi durant l'épreuve. Elle ne sentait plus ses pieds et, si elle s'était écoutée, elle aurait filé sous la douche, puis dans son lit.

« Parce que la Confrérie est sur le déclin, lâcha enfin Kentigern. »

Sa voix résonna dans le silence de la petite maison. Amalia frissonna, suspendue aux mots du vieux Maître : cette déclaration aurait dû relever de l'insulte pour ses camarades.

« Avant les cataclysmes, les sorciers de toute l'Eurasie vivaient pour la plupart en sociétés réduites, loin des villes et des modes de vie sans magie. Nous n'avions aucun mal à recruter, les Clans étaient une réserve infaillible de très grands enchanteurs : leur survie dépendait des capacités occultes des enfants, les jeunes gens talentueux se mariaient entre eux et leur union avait plus de chance d'accoucher d'une progéniture prometteuse. Un peu avant les Cataclysmes, certains ont bravé les tabous et ont usé de mageugénisme, forçant la génétique à leurs désirs... Ceux-là ont vu la fertilité de leurs lignées s'effondrer en quelques décennies. Des pans entiers des arbres généalogiques s'en sont trouvés cautérisés. Désormais, les clans n'existent plus, le nom à plus d'importance que la puissance des conjoints et les bébés qui pourraient devenir Confrère ou Consoeur peuvent naître dans n'importe quelle famille, ce qui est très difficile à tracer. On loupe des potentiels. Né il y a 300 ans, un sorcier de l'acabit de Leuthar porterait le rouge Confrère et aurait été cadré. Aujourd'hui, nous ne savons plus où les chercher. »

Amalia, stupéfaite, n'osait plus bouger : même lorsqu'il lui avait parlé de l'histoire de la Confrérie, elle ne l'avait pas senti aussi sincère.

« Nous avons besoin de nous renouveler, poursuivit-il. Je crois — et je ne suis pas le seul — que l'on doit se permettre de former des mages à hauts potentiels, même après l'âge de onze ans. Tenter d'intégrer les sorciers et sorcières que nous n'avons pas réussi à recruter me semble un premier test pertinent. C'est le meilleur investissement que nous puissions faire.

— Et certains Confrères ne sont pas d'accord avec cette vision des choses. »

Kentigern hocha la tête et Amalia poussa un soupir. Elle comprenait enfin pourquoi il la voulait à la Confrérie.

« Évidemment, conclut-elle, amère, j'étais tout de même un peu plus simple à démarcher que Leuthar. »

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