" Plus grande est la patience plus terrible est la vengeance "
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Rebekah
Quelle heure est-il ? Je crois que j'ai perdu la notion du temps. Pourtant, j'ai le pressentiment que c'est pour bientôt. Tout autour de nous, la nuit s'en est allée et les horizons se baignent petit à petit d'une jolie palette de couleurs. Du rose, du jaune orangé et quelques notes de bleu. À l'Est, les nuances sont plus vives. Assister à un lever de soleil est unique, magnifique et pourtant le contexte lui est dramatique.
— Tu ne gagneras pas ! je chuchote subitement.
Non ! je refuse de croire le contraire.
Depuis des siècles, je me considère comme maudite. La chance m'a souvent abandonné. En me transformant en vampire, ma mère m'a retiré tous les rêves que j'avais. La paranoïa de mon frère m'a été fatale et les incessantes querelles de ma famille ont largement traversé les siècles.
De là où il se trouve, je sais que mes parents attendent avec hâte notre déclin. Nous avons assez vécus pour eux et pourtant rare ont été les moments où nous avons été véritablement heureux.
— Mais tu n'as toujours pas compris, Rebekah ! murmure Silas en se baissant à ma hauteur. J'ai déjà gagné ! Quoi qu'il se passe maintenant, cela me sera favorable ! As-tu oublié que vous avez fait de moi un être mortel. Désormais, rien ne pourra m'empêcher d'aller rejoindre l'amour de ma vie !
— Alors va retrouver ta très cher Amara et fiche nous la paix ! je m'énerve. Après tout, tu as obtenu ce que tu voulais, non !
Moi-même, je n'ai pas eu cette chance !
La colère s'est emparée de moi. Je suis à cran. À chaque instant, je crains de me laisser submerger par mon inquiétude grandissante et qui n'a de cesse de m'oppresser la poitrine.
— NON !!! Justement ! me hurle-t-il dessus. J'aurais tout ce que je voudrais le jour où ton frère, après lui avoir tout pris, me suppliera à genou de lui opter la vie misérable qui est la sienne ! Et regarde, Rebekah ! me dit il en étendant ses bras à l'horizontale, c'est déjà en train de se produire. Comme l'amoureux transi qu'il est devenu, ton frère a accouru à son joli oisillon en abandonnant de ce fait sa si précieuse petite sœur. Mais toi et moi, savons que ce n'est pas la première fois qu'il le fait, n'est-ce pas ?
Silas joue sur la corde sensible, s'amuse avec ma peur viscérale de l'abandon. Cela dit, il ne réussira pas à nous monter l'un contre l'autre. Si à une époque j'ai été jalouse de Caroline, ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, j'ai compris que je ne le perdrais pas pour autant.
— Caroline n'était qu'une simple diversion, n'est-ce pas ?
— Si j'avais voulu la tuer, elle le serait déjà ! il m'avoue. Sans compter que nous savons tous les deux qu'elle sera bien plus intéressante lorsqu'elle portera son enfant. Non, mais attends ! Ne me dis pas que tu pensais que je l'ignorais.
Un rire nerveux franchit la barrière de mes lèvres.
— Tu es pathétique ! je lâche sans préambule.
Brusquement, ma tête pivote sur la droite et ma pommette se trouve maintenant endolorie. Il me faut quelques secondes pour réaliser que Silas vient de me frapper.
Chris nous a laissé échanger sans dire un seul mot, mais cette fois, il sort de ses gonds.
— Si tu oses encore la toucher, je jure devant Dieu que je vais te tuer ! le menace-t-il.
Ses iris de ce bleu quasi irréel tant il est splendide se retrouvent alors pailletés d'or. Son loup, bien qu'empoisonné par l'aconit cherche désespérément à se réveiller.
Toute cette rage, cette colère qui l'habite en cet instant c'est bien la première fois que je m'y retrouve confronté. Malgré toutes les fois où nous nous sommes heurtés l'un à l'autre, il a longtemps usé de froideur, de désintérêt, mais il est toujours resté plus ou moins calme. Cette fois, il ne l'est pas ! Il ne l'est plus ! Sa voix n'a jamais été aussi menaçante qu'aujourd'hui.
Et en l'entendant, je ne peux m'empêcher de ressentir un sentiment de joie. Il l'a fait pour moi parce qu'il n'a tout simplement pas supporté son geste. Et ça, à mes yeux, ça vaut tout l'or du Monde.
Silas, surpris par sa véhémence, en fait un temps d'arrêt avant de se tourner vers lui.
— Mais c'est qu'il mordrait ! se moque le sorcier.
N'ayant pas envie de plaisanter, Chris le gratifie d'un regard haineux.
— De toutes les créatures surnaturelles qu'il m'a été donné de rencontrer, votre espèce est bel et bien la plus... fascinante, lâche silas, quelque peu admiratif. Je n'ai jamais vu un cœur plus pur que celui d'un loup. Et aujourd'hui, je suis véritablement honoré que tu m'offres l'opportunité de tester le tien. C'est donc pour cette raison que je vais te donner, à toi, l'occasion de choisir lequel d'entre vous deux va mourir,
— Espèce de psychopathe ! crache Chris, effaré.
— Alors, joli cœur, lui demande-t-il en s'agenouillant face à lui. Qui décideras-tu de sauver ? Toi ou cette vampire ?
J'aimerais que tout ceci ne soit qu'un cauchemar, je sais qu'il perdrait toute sa réalité une fois éveillée, mais malheureusement ce n'est pas le cas. Tout comme nous savons tous les deux que Silas ne s'arrêtera pas tant qu'il n'aura pas mis son plan à exécution.
Le soleil qui s'était montré encore discret apparait à l'horizon et attire mon regard. C'est à ce moment précis que je prends conscience qu'il s'agit de mes derniers moments avec Chris. Car oui, désormais je l'ai véritablement compris, l'un de nous ne verra pas entièrement le lever du jour.
Une larme, puis une seconde quittent la pointe de mon œil avant de s'approprier mes pommettes.
Je veux vivre ! Je veux ce futur que j'ai vu mais je ne suis pas prêt à le perdre lui.
— Choisis ! lui hurle notre ennemi qui s'impatiente.
— Ma réponse n'a pas changé ! conclut le loup originel. Laisse là partir !
Le choc s'installe sur mon visage fatigué. Jamais je ne me serais attendu à cette réponse. Cela fait un millénaire que je foule cette terre alors que lui est si jeune. À seulement vingt-six ans, il a encore tant à découvrir. Lui il est celui qui est censé détester le monstre qu'on a fait de moi et pourtant il serait prêt à se sacrifier pour ce dernier. C'est plus que tout ce à quoi on m'a habitué.
Caroline
En ce moment, pour le très célèbre Klaus Mikaleson, c'est une très mauvaise passe. Sa sœur Rebekah est toujours détenue captive par notre ennemi et nous ignorons si elle va bien.
Sans son vampirisme, il ne s'est jamais senti aussi impuissant. Et l'arrivée de Silas a, sans aucun doute, été sa propre descente aux enfers et ses démons s'en donnent à cœur joie. Il pense avoir tout perdu de son potentiel et pourtant il ignore à quel point il se trompe. Chaque jour qui passe, je le trouve de plus en plus réfléchit, plus sage.
Et je n'ai aucun doute sur la raison de ce changement. Son loup s'infiltre dans ses pores et je reste persuadé que c'est une bonne chose. Car là où lui voit une monstruosité, moi j'y vois une créature des plus fascinante.
Et aujourd'hui, en l'observant, je prends conscience qu'il n'a jamais été aussi proche de ce prince déchu qui doit se battre afin de récupérer le trône qui lui revient de droit.
— Klaus, je chuchote. Je sais que tu t'inquiètes pour ce qui va se passer à la pleine lune, mais je sais que tu vas réussir à le gérer, je tente de le rassurer. Après tout, ce n'est qu'une épreuve de plus !
— C'est facile à dire ! Ce n'est pas toi qui vas perdre tout contrôle de toi-même, il me répond sans même se retourner.
Et sa voix a beau avoir été extrêmement posée, elle n'en reste pas moins cassante.
Je respire calmement et me contente d'encaisser. Partir à la confrontation ne donnera rien de bon. Encore moins quand il est dans cet état. J'ai beau avoir eu pendant longtemps certains privilèges, il n'en reste pas moins cet homme au côté sombre dont ses tourments le rendront à jamais imprévisible.
Sa sœur et ses frères ne diront pas le contraire. Il a beau leur vouer un amour inconditionnel, cela ne l'a pas empêché de les malmener, siècle après siècle.
— Ce ne sera pas ta première transformation, je poursuis.
— J'avais le contrôle ! hurle-t-il en se tournant. Je ne sais pas si tu as vraiment bien compris ce qui va se passer, Caroline, mais la nuit prochaine, je ne serai plus moi ! C'est cette bête qui va me diriger et non le contraire.
— Et qu'est-ce que ça change au fond ? Je m'agace. Lui, c'est toi !... Il fait partie de toi !
— Je ne veux pas que l'on me contrôle ! Tout ce que j'ai fait Caroline, toutes les atrocités que j'ai commises, je les ai faits de mon plein gré parce que je le voulais.
Ces mots sont durs à entendre, car des atrocités il en a fait beaucoup. Elles sont d'ailleurs bien trop nombreuses pour pouvoir être compté. Il n'en reste pas moins l'homme que j'aime aujourd'hui et que je ne cesserai jamais d'aimer mais il est parfois terrorisant de se rappeler à quel point il a été un monstre. Car lui à la différence de mon ami Stefan, de tous les vampires que j'ai connus qui ont éteins leurs émotions, Klaus, lui, n'en a jamais eu besoin pour faire le mal.
Un long silence s'installe entre nous. Moi, perdue dans mes réflexions. Lui, réalisant la dureté de ces mots. Depuis que nous sommes ensemble, il a cherché à me protéger de celui qu'il était pour que je puisse apprendre à l'aimer et même si je n'ignore pas son passé, je l'en remercie pour ça. Car oui, peu importe qu'il soit celui qui me soit destiné, nous n'aurions pas ce que nous avons aujourd'hui s'il était resté celui qu'il était.
— Niklaus ! crie subitement Elijah avant qu'il ne déboule telle une furie dans la pièce. Les sorcières, elles... elles ont réussi ! il nous apprend.
— Elles ont réussi quoi ? l'interroge Klaus.
Sous nos yeux, Elijah Mikaelson revient celui que j'ai connu. Ses iris se gorgent de sang et les petites veines noires apparaissent puis s'agitent tout autour.
— Oh mon Dieu ! je lâche.
— Alors qui avait raison de miser sur nos sorcières ? demande Kol en nous rejoignant à sa vitesse surnaturelle.
— Toi également ? l'interroge Klaus d'un ton ému.
Son cadet secoue la tête dans un grand sourire.
— Je viens tout juste de retrouver toute la psychose qui est la mienne ! il confirme, amusé.
Le soulagement apparait sur le visage de mon hybride. Et c'est compréhensible ! Grâce à la ténacité du plus jeune de la fratrie, il vient de lui sauver la mise. Désormais, et même si je le regrette secrètement, Klaus ne subira pas les effets de la pleine lune. Pourtant, j'aurais aimé qu'il puisse enfin accepter cette partie de lui.
D'un pas élancé, il comble l'écart avec son cadet et l'étreint.
Même si Kol Mikaelson n'a jamais été autant dans l'émotion que ses frères et sœurs, il est impossible de rater le bonheur qui se lit sur son visage.
Alors qu'il se sépare de son cadet, Klaus détourne son attention vers le vieux carré puis chuchote :
— À ton tour, petite sœur !
Rebekah
— Tu te sacrifierais pour elle ? demande Silas en fronçant les sourcils.
Visiblement, lui non plus ne s'attendait à une telle réponse.
— L'amour est une valeur importante dans votre espèce tout comme la loyauté, n'est-ce pas ? continue Silas. Cependant, j'aimerais vraiment savoir... le fais-tu par amour ou pour celui à qui tu dois loyauté. Je parle bien évidemment de son frère ?
Chris ne réagit pas, ne répond pas. C'est comme s'il s'était déjà enfermé dans une bulle ou plus rien n'est en mesure de l'atteindre.
Petit à petit, le soleil continue sa longue et apogée. Je sens les premiers rayons qui tentent en vain de réchauffer ma peau qui refroidit. Ma lèvre, à l'emplacement même où elle est fendue, me picote en se réparant. Je fronce les sourcils.
Subitement, le regard dirigé vers le sol terreux, je me redresse sur mes jambes ce qui attire l'attention du sorcier. Puis, un sourire malicieux prenant place sur mon visage, je le jauge avant de dévoiler mon poignet libéré. Car oui, désormais, c'est moi qui retiens la chaine en fer et non l'inverse.
— Intéressant ! raille Silas, quelque peu confus.
— Tu l'as dit ! je lâche laissant mon apparence vampirique prendre le relais.
Et sans attendre, je me jette sur lui tout en laissant le monstre en moi se nourrir de toute ma haine pour le sorcier.
Je me refuse à regarder Chris. Tout autour de moi, je ressens à nouveau toute cette sensation désagréable qui s'est réinstallée au moment même où le vampire en moi est revenu. C'est déjà un douloureux rappel pour lequel je ne veux pas me focaliser tant que l'ennemi n'est pas neutralisé.
— Ton visage m'exaspère ! je crache.
Puis, un crac résonne. Silas. Il me faut quelques secondes pour que je réalise que je viens de lui briser la nuque. Son corps telle une poupée de chiffon s'écrase au sol dans un bruit sourd.
Et moi, je continue de l'observer longuement n'arrivant pas à croire que tout ce calvaire est terminé. Et le plus jouissif, c'est moi qui l'ai eu !
Un sourire satisfait de placarder sur mon visage, je me tourne en direction de l'homme-loup. Son regard sur moi n'est déjà plus le même et c'est douloureux d'y assister. Il n'y a pas de haine, mais du dégoût. Et je me demande si ce n'est pas pire.
Alors petit à petit, je reprends mon apparence humaine et avance dans sa direction. Lui a détourné son regard et refuse de le poser à nouveau sur moi.
— Chris, je chuchote d'une voix douce.
Finalement, il cède et m'observe attentivement.
— C'est moi... c'est toujours moi ! je lui assure.
Sa pomme d'Adam tressaute à chaque fois qu'il déglutit puis dans un simple mouvement de tête, il me le confirme.
Je souris puis le libère de ses liens. Je le vois se redresser difficilement et tenter de retrouver une certaine stabilité. Puis, alors qu'il s'apprêtait à chuter, je le rattrape, passant son bras autour de ma nuque afin de lui offrir un appui.
— C'est bon, je te tiens ! j'ajoute.
Chris m'épie si longuement que cela en devient gênant. Il reste sur ses gardes, je le sens, mais j'imagine que cela pourrait être pire. Il ne m'a ni rejeté ni repoussé. Et il est là, nous sommes tous les deux encore là et c'est tout ce que je pouvais espérer.
— On rentre ? je l'interroge en accrochant mon regard au sien.
— Oui, on rentre ! il me répond calmement.
Puis concentré sur Chris, je ne vois pas le coup venir. Mon corps se fait propulser et celui du loup Originel sans mon appui s'écroule.
— Tu croyais vraiment que ce serait aussi facile ! hurle Silas. Je vois tout ce qui se passe avant que cela se produise !
— J'espère pour toi que tu as également vu ta fin, car elle est inévitable ! je le menace en reprenant mon apparence vampirique.
Je n'ai guère de chance face à lui, mais ai-je vraiment le choix ? Nous avons échoué. Le lien entre nous n'est toujours pas brisé.
Mais avant que je n'arrive à sa hauteur, il a déjà Chris entre ses mains. Et le loup Originel hurle de douleur. Horrifiée par la scène qui se trouve juste sous mes yeux, je m'arrête dans mon élan.
— Non ! je m'époumone.
— Si tu fais un pas de plus, c'est son cœur que j'arrache, il me prévient.
Et il le fera. Je le sais. Sa main lui a déjà brisé la cage thoracique pour s'en saisir. Chris pâlit à vue d'œil tandis que les doigts du vampire-sorcier resserrent leur pression.