« Emmie, tu dors ? ». Ce furent ces mots, agressifs, qui réveillèrent la demoiselle à peine quelques minutes plus tard. Son père, qui avait dû se lever pendant son absence, se tenait devant elle, tapant du pied. Elle soupira. Leurs relations avaient toujours été tendues, et cela ne s'était pas amélioré avec l'arrivée dans leur vie de la belle-mère d'Emmie, Eva.
Agacée, elle se leva et monta le son de sa musique. Son père avait déjà tourné les talons, elle décida donc de se lever pour aller faire un tour dans le camping. Elle marcha ainsi sans but précis pendant quelques minutes, fuyant son père tant qu'elle le pouvait. Elle observait la vie calme de ce camping, dans lequel devrait encore passer deux semaines. Les gens attablés, souriant, se disputant, parfois tous ensemble, parfois chacun de leur côté, avaient tous des soucis.
Emmie ferma les yeux et continuer à marcher, à l'aveugle. Elle suivait ses pas sans réelle direction. Peut-être était-ce uniquement un moyen d'arrêter de réfléchir. Peut-être que c'était juste pour faire passer le temps. Elle voulait s'éloigner de sa tente, aller jusqu'à la mer. Mais soudain, elle entendit le bruit de quelqu'un qui arrivait. Elle s'arrêta alors et ouvrit les yeux.
C'est alors qu'elle se rendit compte que la personne qui se dressait devant elle n'était autre que Chestnut, qu'elle avait failli bousculer. Emmie sourit, et la demoiselle blonde l'imita. « Emmie ! Je te cherchais ! », s'exclama-t-elle. « Je voulais savoir si ça t'intéresserais de venir avec moi à la plage cet après-midi. » Le visage d'Emmie s'illumina. Chestnut reprit : « On va au ''Grand Bleu'' avec mon frère et ma mère ... Tu veux venir ? ». La jeune fille brune répondit, enjouée : « Avec joie ! » . Elle se rembrunit toutefois en déclarant : « Mais je dois d'abord demander à mon père ... ». Chestnut eut un sourire poli et acquiesça : « Super, alors ! Tu m'enverras un message ? », et elle disparut sans attendre de réponse.
Emmie cligna un instant des yeux, confuse, avant de rebrousser chemin. Arrivée au niveau de sa tente, elle vit son père qui buvait son café et s'approcha de lui. Elle prit son courage à deux mains et demanda : « Papa ? » Il leva les yeux vers elle, ennuyé. « Une amie m'a proposé d'aller à la plage avec elle cette après-midi ... » Sa phrase resta en suspens. Son père soupira, et après une éternité, lança : « Tu as des amis, toi ? »
Emmie ne releva même pas la pique. Son père plissa les yeux et lâcha : « D'accord. ». Après l'avoir remercié, Emmie s'éloigna et saisit son téléphone pour envoyer la réponse à Chestnut. Impatiente, elle avait très hâte. Son amie lui répondit qu'elles se retrouveraient à quatorze heures, or il n'était pas encore midi. Elle passa le temps en écoutant de la musique, mais elle devait lutter contrer l'engourdissement, de peur de rater le rendez-vous avec Chestnut.
Dans ses oreilles, Jim Morrison chantait : ''People are strange, when you're a stranger ...'', et déjà la somnolence commençait à la gagner. Vers une heure et demie, Emmie sentit l'excitation monter, mais étrangement, elle se sentait aussi angoissée. Elle connaissait très peu Chestnut, et elle avait très peu de faire une gaffe qui gâcherait leur amitié nouvelle.
À deux heures mois le quart, elle trépignait d'impatience, et lorsque l'heure arriva, elle avait l'impression que son cœur allait cesser de battre. Elle se rendit jusqu'à la sortie du camping avec son sac sur le dos. Chestnut lui présenta son frère jumeau et sa mère. Celle-ci fut très chaleureuse, contrairement à l'adolescent qui lui dit à peine bonjour. Elle était blonde comme eux, mais elle avait le visage beaucoup plus doux que celui de Chestnut.
Dans la voiture, elle était assise à côté de son amie. Arrivés à la plages, ils s'installèrent. Chestnut et Emmie posèrent leurs serviettes un peu à l'écart de la famille. La frère se jeta immédiatement à l'eau, tandis que les deux adolescentes se mirent sur le dos pour bronzer un peu. Elles se racontèrent d'abord des banalités. Ainsi, Emmie apprit que Chestnut avait dix-sept ans, soit un an de plus qu'elle. Son amie lui apprit aussi que ses parents avaient divorcé cinq ans auparavant, comme ceux d'Emmie.
Une heure passa, où elles continuèrent à discuter, étendues sur leur serviette. Puis Chestnut proposa à Emmie d'aller nager. Bien entendu, elle accepta, et les deux demoiselles se levèrent et se dirigèrent vers la mer. Elle était froide, mais Chestnut se jeta dedans comme si elle était à la température de son corps. Emmie eut plus de mal, mais une vague la renversa quand l'eau atteignait à peine ses genoux.
Elle se releva avec peine et se mit à courir pour rattraper son amie qui nageait déjà plus loin. Elle jeta elle aussi le reste de son corps à l'eau et suivit les mouvements de la jeune fille blonde devant elle. Chestnut attendit qu'Emmie se trouve à son niveau, se retourna vers elle et lança : « On va jusqu'aux rochers ? »