La lune était belle. Magnifique, vraiment. Parmi une nuée de nuages grisâtres vaporeux entourant un cercle parfait, l'astre émettait un halo bleuté éclairant l'entièreté du jardin. Les arbres le parsemant semblaient s'étendre afin de rejoindre cette divinité de la nuit, projetant quelques ombres inquiétantes au sol. L'herbe ondulait et volait doucement, au gré du vent. L'air était doux et sans impureté, une petite chaleur massant les muscles vibrant sous la peau. Un parfait décor de film à l'eau de rose, où les protagonistes échangeraient un baiser emplit d'amour, scellant leur union à jamais.
Eren émit un rictus en imaginant cette scène romantique. La lune opalescente illuminait ses iris dorées qui glaçaient ses émotions. L'adolescent souhaitait observer ce théâtre d'imagination avec lui, savourant la chaleur de l'autre, sans un mot, ou presque. Cependant, face au Jeager, ne se trouvait qu'une petite adolescente, rousse, au regard auburn méprisant. Petra, quant à elle, se concentrait sur le meurtrier devant elle. Les deux s'étaient dirigés dans le coin tranquille où s'était précédemment réfugié Eren, proche de la cabane à outils, à l'abri des regards indiscrets. Sans détourner ses prunelles couleur topaze du ciel sombre, seulement éclairé par la lune, le châtain lança:
<<-Bon, tu veux quoi ? Tu ne m'as pas amené ici pour me parler d'origamis, quand même?
-Tu sais très bien ce que je veux te dire, bâtard.>>
Eren claqua sa langue sur son palais.
"Tiens, j'ai pris la mauvaise habitude de Livai."
Son regard s'ancra dans l'ambre de sa camarade. Une tension, déjà présente depuis un temps, s'amplifia et oppressa l'atmosphère déjà toxique. Petra trembla. Devant elle ne se trouvait plus Eren. Eren Jeager, le gentil gamin souriant, aimable, entêté et quelque peu idiot avait disparu. Devant Petra n'était qu'un amas de haine, d'agressivité et d'antipathie. Elle se sentait seule et éperdue, comme un agneau devant un loup. Comme une biche blessée devant un chasseur impitoyable et sadique.
<<-Alors ? Un chat t'a volé ta langue?>>
La rouquine avala sa salive et tenta de se redonner contenance. Elle porta un téléphone violet où une inscription était gravée. Sûrement son nom ou autre banalité qui n'intéressait pas le moins du monde Eren. Petra posa son portable sur sa tempe, un sourire assuré aux lèvres.
<<-Tout à l'heure, je t'ai appelé le meurtrier de Shiganshina, non? Tu ne l'as pas nié, je me trompe? Pourquoi?
-Je ne trouve aucune raison de mentir sur ça, voilà tout. Surtout que je sais que tu as en ta possession des photos venant de MON ordinateur constituant des preuves concluantes.>>
Petra gloussa.
<<-Au moins, c'est rapide avec toi. Tu sais ce qu'il te reste à faire, maintenant?
-Laisser à mademoiselle Grognasse Livai ?
-Tu sais, ma vie ne tourne pas qu'autour de lui. Je suis seulement intéressée par lui parce que c'est un beau gosse populaire. Il a vraiment un caractère de merde.
-Ta gueule. Il est comme ça qu'avec les connasses dans ton genre.
-Oh la la, mais c'est que Reren s'énerve, dis donc~>>
Eren tiqua une nouvelle fois, serrant le poing. La tronçonneuse aperçue plutôt se trouvant dans la cabane à outils derrière Petra semblait très attirante d'un coup. Il s'avança, les yeux plus dorés que jamais et un visage neutre prêt à se briser au moindre impact faisant gicler le sang de celle qu'il abhorrait.
<<-Tut-tut-tut! Reste là. Si jamais, par malheur, je venais à appuyer sur ce bouton, l'identité du tueur de Shiganshina serait révélée au pays entier.>>
Petra désigna une touche de son portable en souriant narquoisement. Soudain, une voix grave retentit.
<<-Qu'est-ce qu'il se passe, ici?>>
La tête d'un Livai tout droit sorti du sommeil apparut d'une baie vitrée. Le noiraud les rejoint immédiatement, sans attendre de réponse, et se posta aux côtés de son chéri. Ce dernier sourit. Petra considéra un instant le nouvel arrivant. Une idée sembla germer dans son esprit puisque son visage s'illumina.
<<-Hé, Livai! Tu sais pas quoi? Eren c'est le meurtrier qui sévit depuis plus de deux semaines!
-Je sais.
-C'est dur à croire mais...!
-J'ai dis, je sais.
-Pardon?>>
L'adolescente écarquilla les yeux. Perdant presque l'équilibre sous la surprise.
<<-Pour te dire vrai, je peux pas lâcher des répliques genre "c'est l'homme de ma vie, je le connais par cœur" avec un ton niais dégueulasse. Tout simplement parce que je l'ai découvert cet aprèm'.
-T'es pas choqué, dégoûté?! T'as pas peur de ce monstre!
-Non.
-Il tue des gens, tu comprends! Un jour ça pourrait être ton tour!
-Pas faux. Mais c'est qu'il aura une raison de me buter.>>
Eren ne savait pas quoi dire. L'idée-même de mettre fin aux jours de son Livai adoré n'avais jusqu'alors jamais germé. Le châtain s'étonnait également de la capacité avec laquelle Livai avait accepté ses crimes, sans broncher.
<<-Pour toi, il faut une raison pour buter des gens?! Tu es sérieux, là?! Puisque c'est ça, Eren c'est quoi tes foutues raisons?!
-J'aime Livai. Livai est à moi. Quiconque essaie de me le voler, je le supprime, c'est aussi simple que cela.
-Ce mec est un putain de yandere! C'est un psychopathe dégénéré! Tu le regretteras!
-La seule chose que je regrette, c'est de ne pas avoir assez fait attention à ses sentiments. Si une chose l'a pousser à faire ça, c'est moi.
-Non, Livai. T-tu n'as rien à voir là-dedans.>>
Le susnommé embrassa doucement, avec tout son amour, son petit-ami se trouvant au bord des larmes. Ses iris bleutées, glacées comme l'aura lunaire, débordait d'affection.
<<-Je t'aime. Je serais toujours avec toi, mon ange.>>
Le noiraud enlaça Eren tendrement. Plaçant sa tête dans son cou, et rapprochant leur taille afin de lui assurer qu'il ne l'abandonnerait jamais. Le jeune homme à la peau mate crut rêver, lorsque sa nuque sentit glisser une larme silencieuse, appartenant au taciturne Livai Ackerman.
Pourquoi Livai pleurait-il? Même lui n'en savait rien. Un étrange pressentiment l'étouffait et ses mains tremblaient depuis un temps, bien avant d'avoir rejoint Eren et Petra. Sa mâchoire se serra et sa poigne s'agrippa au chandail du châtain. Finalement, qui, dans cette histoire, avait le plus besoin de la présence de l'autre?
Ils étaient si insouciants il y a encore quelques heures, dans leur petit cagibi où s'écoula leur première fois, où l'extérieur importait peu, où la fin du monde pourrait retentir, les deux jeunes hommes s'en fichaient s'ils étaient ensemble. Livai voulait se perdre à nouveau dans la chaleur et l'odeur envoûtante d'Eren. Eren voulait à nouveau se sentir connecté à l'homme qu'il aimait depuis si longtemps, se perdant dans l'amour reçu. Et pourtant, là, ils se trouvaient là, tous deux, dans un halo bleuté froid, en compagnie d'une peste leur souhaitant tout le malheur du monde, et un pressentiment les accablant comme des coups de poignards dans l'abdomen.
<<-Vous me dégoûtez vraiment, sales gays!>>
Petra cria cette phrase, puis appuya sur le bouton "envoyer" de son téléphone violet.
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