" Parfois on croit perdre quelque chose
et en fait on ne sait pas encore
qu'on est en train de gagner bien plus ! "
Rebekah
Une légère brise fait danser les fleurs dans les jardinières sur les hauts balcons. Le quartier français, quant à lui, semble maintenant profondément endormi. J'imagine que d'ici peu tous ceux ayant été un vampire vont se réveiller avec un cœur qui bat.
Le rocking-chair dans lequel je suis installé me berce tranquillement à l'écart des cris intenses et sans fin de Niklaus.
La situation est presque loufoque. Seul notre ennemi devait l'être et nous voici devenus de simples êtres fragiles également. Redevenir humaine, j'en ai tellement rêvé et pourtant aujourd'hui je n'arrive pas à en être comblé.
Au fond de moi, je le sais, ce n'est que temporaire. Les sorcières sont déjà au travail afin d'inverser ce qu'elles ont provoqué accidentellement. Nik y veille d'ailleurs au grain.
Depuis notre réveil, il n'a eu de cesse de tourner autour d'elles comme un lion en cage. J'esquisse un sourire nerveux en l'entendant les menacer.
Est-il seulement conscient qu'il ne fait plus aussi peur ?
Je continue mes vas et vient d'avant en arrière, mes yeux fixent un point laissant mon esprit s'égarer :
« Tata Bekah, Nolan n'arrête pas de me piquer mes crayons ! »
Je revois ma main caresser la joue si douce de cet enfant. Maintenant, tout semble prendre un sens sur sa présence. Avant ce n'était pas possible. Désormais, ça l'est devenu. Mais concernant ce petit garçon répondant au nom de Nolan est-il également le leur ?
Je me souviens parfaitement de la sensation de son petit corps contre le mien alors qu'il me serrait fort dans ses bras. Une vague d'amour m'a submergé.
Mes mouvements deviennent bien plus intenses, tel un nourrisson bercé par ses parents afin qu'il s'endorme. Mes doigts ne cessent d'entremêler cette chemise en jean dont le parfum de son propriétaire y est encore bien accroché.
Dans un grincement, la porte de ma chambre s'ouvre. Mon regard dévie aussitôt sur Stefan, son téléphone portable à la main.
— Damon, il m'apprend. Il s'est passé la même chose à Mystic Falls.
Je ne suis guère étonnée. Ce qui nous arrive à nous affecte tous ceux de nos lignées.
— Tu n'avais pas le droit de t'en prendre à lui ! je le réprimande en me décidant enfin à parler.
Malgré moi, et cela même si cela partait d'une bonne attention, je suis toujours en colère contre lui.
Je lui ai fait comprendre que cette morsure ne représentait rien pour moi mais il n'a pas pu s'empêcher de s'y attarder. Il en est venu aux mains avec Chris et moi, je n'arrive pas à passer au-dessus.
— Pourquoi le défends-tu, Rebekah ? Il s'en est pris à toi !
— À de nombreuses reprises, mes frères ont fait la même chose et tu n'as rien fait !
— C'est différent ! réplique-t-il.
— Non, Stefan ! La seule différence c'est qu'avec Chris, tu pensais avoir le dessus !
Je sais que j'ai tapé juste. De toute façon, il ne cherche pas à nier.
— Il a beau être un loup Originel, il ne devrait pas être aussi fort, Rebekah ! J'ai plus de cent ans et il n'a eu aucune difficulté à me maitriser sous sa forme humaine. Ce mec, c'est une machine de guerre !
Grâce aux révélations de Sam, je sais maintenant ce que son fils a fait ces derniers mois. Il est évident qu'il a travaillé son corps avec acharnement afin de pouvoir traquer les monstres de son histoire. Aujourd'hui, s'il est devenu si fort c'est parce qu'il a tout fait pour l'être.
— Chris n'était qu'un enfant lorsque des vampires s'en sont pris à lui et à sa mère, je lui révèle.
— Je... je l'ignorais !
— Imagine ce qui a bien pu se passer dans sa tête lorsque tu as perdu le contrôle et que tes yeux se sont injectés de sang.
Je l'ai vu perdre pied, replongé dans ses cauchemars. Si son père ne l'avait pas arrêter de frapper, il n'aurait pas réussi à le faire seul.
— Je vais m'en aller, Rebekah, me dit-il soudainement.
Une larme perle mes cils puis se faufile sur ma joue.
Il ne pouvait en être autrement, je le sais. C'est sans doute ce qu'il y a de mieux à faire mais cela ne m'empêche pas d'être triste.
Une fois encore, je le vis comme un échec.
— Je resterais seulement si tu me dis que tu le désires, il poursuit.
Ma gorge se noue. Ma vie est en train de prendre un tournant définitif. Je me sens à une intersection deux routes différentes sans savoir ce que chacune d'entre elles va m'apporter.
— Ce n'était peut-être pas notre Karma ! j'avoue finalement
— Il semblerait ! me dit-il
Caroline
Chacun semble réagir différemment face aux derniers événements. Comme un simple courant d'air traversant chaque centimètre de ma peau, mon lien d'alpha est lui toujours présent. Klaus s'est finalement isolé.
Et il était plus que temps. Les sorcières étaient à bout de patience. Je sais que cette situation est un supplice pour lui, son monde s'effondre à ses pieds comme un château de cartes.
— Ça va s'arranger, elles font tout ce qu'elles peuvent pour y remédier ! je tente de le rassurer.
— L'espèce des vampires a été anéantie ! Pourquoi ces sorcières voudraient-elles que nous redevenions ce que nous étions ?
— Je connais tes craintes mais elles sont de notre côté. Si tu ne crois pas en elles alors crois-en Magellan, c'est ton amie et tu sais qu'elle ne ferait rien pour te nuire !
La lumière de la lune éclaire ses traits frustrés. Je le contourne jusqu'à arriver devant lui.
Mes yeux s'arrondissent lorsque je remarque qu'il tient les fameuses dagues, qui étaient autrefois capables d'endormir ses frères et sœurs, au creux de sa paume.
— Je les avais toutes rassemblées, m'apprend-il après avoir suivi mon regard. Une pour Elijah, la seconde pour Kol et la dernière pour Rebekah !
— Klaus..., je soupire. Tu ne peux plus les daguer.
Il reste silencieux quelques minutes puis admet finalement :
— Ils auraient pu être à l'abri de Silas lors de la bataille. Désormais, tout comme moi, elles sont devenues inefficaces ! termine-t-il en les balançant du balcon.
Ma main caresse sa joue, mon autre paume vient rencontrer son visage de telle façon à le tenir en coupe.
— Tu es loin d'être impuissant, Klaus ! Et Silas peut-être tué maintenant !
— Parce que tu crois vraiment qu'on va vaincre l'un des plus grands sorciers en étant comme ça ? il s'énerve.
Me voyant sursauter, il soupire puis retourne à sa contemplation du quartier français. Je sais qu'il s'en veut de ne pas réussir à contrôler ses émotions. Je ne lui en tiens pas rigueur. Cet homme parfaitement imparfait a su conquérir mon cœur. Rien ne changera ça !
— De nombreuses guerres ont été gagnées par de simples hommes sans capacités particulières ! apparaît alors Elijah dans son port altier habituel.
On a beau dire que cette famille est dysfonctionnelle, elle fonctionne malgré tout car chacun se complète.
— N'oublie pas que tu restes toujours un loup ! il poursuit d'un ton solennel.
— Et si je me permettre, j'ajoute, l'un des derniers loups originels !
Quand comprendra-t-il que sa différence le rend unique ? Mikael avait beau le traiter de faible, il ne l'a jamais été ! Encore aujourd'hui, et privé de son vampirisme, il nous surpasse !
— Il est peut-être temps désormais... d'embrasser cette partie de toi! lui conseille Elijah.
— J'ai été un vampire pendant si longtemps, je ne connais rien des loups !
— Alors, il va falloir apprendre !
Klaus me regarde, cherchant dans mes yeux ce qu'il doit faire. J'apprécie ce moment de partage entre nous, ce moment où je sais que mon avis pour lui est important.
C'est surement le pousser vers les autres loups mais ai-je vraiment le choix ? Lui seul à encore des capacités supérieures et si Silas gagne que nous restera-t-il ?
En apercevant Stefan sortir de la chambre de Rebekah avec ses affaires, je m'excuse auprès des deux originels et rejoins mon ami.
Je n'ai pas besoin de lui demander d'explications. J'espérais tellement que l'un et l'autre trouvent le bonheur que je me sens attristé que cela n'ait pas fonctionné entre eux. Mais quelque part au fond de moi, dire que leur séparation est une surprise serait mentir. Je l'ai compris en les observant, aucun des deux n'était prêt à se battre l'un pour l'autre.
— Ne pleure pas, Caroline, me dit mon meilleur ami en caressant ma joue. Ce sont des choses qui arrivent. Cela ne change rien à notre amitié et tu le sais.
Je hoquète.
— Désormais, je sais que je peux partir l'esprit tranquille te concernant. Ta place elle est ici, avec Klaus. Tu fais, sans aucun doute, ressortir ce qu'il y a de mieux en lui. Et lui, il est tout aussi bon pour toi. Chaque jour qui passe, tu te transformes en une femme sûre d'elle et c'est beau à voir ! J'espère que ta mère saura le voir, elle aussi !
J'essuie mes larmes et l'étreins de mes bras.
— Prends soin de toi, Stefan !
— Toi aussi, Caroline.
Et sur ces derniers mots, mon meilleur ami quitte le QG.
Il est très difficile de dire au revoir à ceux qu'on aime mais j'ose espérer que nous nous retrouverons. Stefan est parti en ayant accepté la situation et j'imagine que cela m'aide beaucoup à ravaler mon chagrin. Je sais qu'un beau jour, lui aussi trouvera la bonne personne.
Dans un soupir, je bascule mon attention sur la chambre de Rebekah et me décide à y entrer.
Assise sur un vieux rocking-chair, la blonde a le regard perdu dans le vide.
— C'est ma faute si cela n'a pas marché entre nous ! dit-elle avec tristesse.
Son mal-être m'émeut. Son chagrin, je le ressens au plus profond de mon être. Peut-être parce qu'au fond cette relation fait écho à la mienne.
— Bien sûr que non, Rebekah !
— Tous les deux, nous aspirions aux mêmes choses. Nous aurions pu construire une belle histoire.
Oui, ils auraient pu. Seulement, leurs passés respectifs à fait pencher la balance en leur défaveur. Rebekah est prête aujourd'hui pour l'amour. Mon meilleur ami ne l'était pas. Sa rupture avec Elena est encore trop fraiche pour qu'il ouvre son cœur à nouveau.
Pendant très longtemps, j'ai souffert d'avoir le sentiment de ne pas être assez bien pour être le premier choix d'une personne. Rebekah mérite tout autant d'être le premier de quelqu'un comme je l'ai finalement été avec son frère.
— Tout ce que je voulais c'était qu'on reprenne là où l'on s'était arrêté lui et moi. Et puis, il est arrivé et tout a changé, elle me dit d'une voix à peine audible.
Je fronce les sourcils puis demande :
— Quand tu dis « IL est arrivé », tu parles de qui ?
La jeune femme détourne aussitôt la tête comme si elle ne voulait pas en révéler davantage.
— Cela ne pouvait pas marcher si je pense constamment à un autre ! elle termine alors qu'une larme roule sur sa pommette.
Je connais ce sentiment, je suis passé par là. Moi-même, j'ai essayé d'enfouir mes sentiments pour son frère, refusant de les accepter. Je me suis rattaché à Tyler comme elle l'a fait avec Stefan.
— Si c'est Chris que tu veux, Rebekah, ne le laisse pas t'échapper !
Effarée, ses yeux désormais ronds comme des soucoupes me font sourire.
Se croyait-elle discrète ?
— Ce n'est malheureusement pas réciproque !
— Insiste ! je l'encourage
— J'ai déjà essayé !
— Rebekah, si vraiment tu ne l'intéresses pas, alors pourquoi te regarde-t-il ?
Elle se retourne vivement sur moi, intéressée comme si rien que cette petite phrase venait d'éclairer sa journée
— Je ne l'ai longtemps observé et je l'ai vu à de nombreuses reprises te chercher des yeux. Certes, ses regards sont brefs... mais ils sont là !
— Il a une telle haine envers les vampires, il ne me donnera pas la moindre chance !
— Tu n'es plus un vampire, aujourd'hui ! je lui fais remarquer. À toi de lui montrer qui tu es vraiment !
— Il ne cesse de me repousser, Caroline ! Je suis fatiguée de devoir toujours me battre.
— Si ton frère avait abandonné à chaque fois que je l'ai envoyé sur les roses, on n'en serait pas là aujourd'hui !
Mon commentaire a finalement attiré son attention. Nos regards rivés l'un dans l'autre, Rebekah me gratifie d'un sourire reconnaissant.
— En tout cas, j'avais bel et bien raison ! crache Katherine que ni l'une ni l'autre avons entendu entrer. Je l'avais bien dit qu'elle en pinçait pour le mec à la veste camel ! On dirait bien que Katherine Pierce a toujours raison. Non, mais attendez, ne me dites pas que vous en doutiez !
Alors que Rebekah cherche à lui balancer un coussin à la figure, la brune, en souhaitant se sauver, peste contre le monde entier pour s'être tordu la cheville.
Ne plus être un être immortel à ses désavantages. Par chance, moi, je suis fan de ballerines et non de talons hauts.
Complices, Rebekah et moi explosons de rire comme deux idiotes. Voir celle qui sera bientôt ma belle sœur sécher ses larmes est agréable.
D'un élan afin de lui redonner confiance en elle, j'attrape sa main et la conduis jusqu'au miroir à pied.
— Regarde-toi attentivement, Rebekah ! Tu es magnifique !
Et je suis sincère. Elle est splendide. Des formes là où il faut et un charisme qu'elle a hérité de sa famille.
— Comment pourrait-il seulement te résister ? j'ajoute en quittant doucement la pièce la laissant juger par elle-même.