Klaus
Un véritable cataclysme est en train de s'abattre sur la Nouvelle Orléans. Le vent me hurle sa colère, frappe frénétiquement les volets de notre maison. Les nombreux caniveaux n'arrivent plus à suivre face à ces pluies torrentielles qui inondent toutes ces rues que j'aime tant.
Et moi, du haut de ma fenêtre, le cœur comprimé dans ma poitrine, je regarde ce déluge qui frappe en ce moment même le vieux carré.
J'ai assisté à suffisamment de choses pour savoir que ce qui se déverse dehors n'a absolument rien de naturel. Tout a commencé au moment même où j'ai chassé Chris. Cela ne peut être une coïncidence !
Impossible pour moi d'oublier le regard que Sam a posé sur moi à cet instant. Dans un silence lourd de sens, il a quitté le QG. Les autres loups originels l'ont d'ailleurs suivi dans la foulée. Désormais, nous sommes à nouveau seuls et je sais que c'est une question de temps avant que l'ennemi ne frappe à notre porte.
Je redresse les yeux en direction du ciel comme s'il m'était possible d'y voir mon père biologique. Il s'agit de son œuvre, j'en suis convaincu. Il cherche clairement à me faire passer un message.
— Il l'a attaqué, Caroline !
Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'elle est là. Comme à chaque fois où je me renferme sur moi-même, elle reste de son côté en m'épiant comme un ange gardien pour s'assurer que je ne sombre pas complètement.
— Attaquer est peut-être un peu fort ! elle corrige.
— Il l'a mordu ! Il n'y a pas de différence !
Et dire que j'étais prêt à lui offrir ma confiance. Jamais encore je ne m'en serais cru capable et encore moins aussi vite. Avec Chris, tout semblait naturel. C'était comme une évidence. Pendant un instant, avec lui à mes côtés, j'ai eu l'impression d'avoir trouvé un équilibre avant qu'on ne m'arrache subitement le support sur lequel j'étais installé.
Sam m'avait appris que sa lignée et celle de mon père biologique ont toujours été proches. Qu'à chaque génération, la sienne devenait le bêta de la mienne ! Je me demande si tout ceci n'est pas lié. Je ne vois aucune autre raison qui explique cette sensation désagréable dans ma poitrine depuis que je m'en suis pris à Chris physiquement.
— Ta sœur t'a dit que c'était seulement un accident ! Il était en loup lorsque cela est arrivé et tu es bien placé pour savoir que sous cette forme, il est difficile de se contrôler face à un vampire. Et puis, si tu veux mon avis, elle est très loin de lui en tenir rigueur.
J'arque un sourcil en remarquant son petit sourire. Quand Caroline s'en aperçoit, elle le perd aussitôt comme si elle craignait que je finisse par découvrir ce que visiblement elle cherche à me dissimuler.
— Tu étais au courant, n'est-ce pas ? je l'interroge, l'index pointé dans sa direction.
— Au courant de quoi ? s'inquiète-t-elle
— Lorsque tu m'as demandé mon sang, ce n'était pas pour toi en vérité mais pour Rebekah ! je comprends.
Rassurée, elle soupire. Sa réaction me laisse perplexe.
Me cache-t-elle encore quelque chose que j'ignore ?
— Chris l'a mordu, c'est vrai ! Cependant, n'oublie pas qu'il est également celui qui l'a sauvé de Silas et que s'il ne s'était pas interposé, la question ne se poserait plus parce que ta sœur ne serait plus là aujourd'hui.
Las, je soupire.
— Et puis d'abord..., elle poursuit. Toi aussi tu m'as mordu et je n'en fais pas tout un plat !
Face à l'ironie de la situation, je l'observe de biais, les mains sur ses hanches. Il n'y en a pas deux comme elle !
Kol
Assis sur le canapé, les doigts frappant d'un geste mécanique l'accoudoir, j'observe Magellan qui ne m'a toujours pas adressé la parole depuis l'attaque de Silas. Elle cherche clairement à m'éviter et bien que je l'ai laissé jouer à son petit jeu, sachant pertinemment qu'elle reviendrait vers moi, cette fois, elle ne le fait pas ! Je suis trop fier pour le reconnaitre mais cela m'atteint bien plus que je ne l'aurais pensé.
— Tu vas me bouder encore longtemps ! je lâche sans préambule. Et tout ça pour quoi ? Pour une simple différence d'opinions. Tu es ridicule !
Offusquée par ma réaction, elle se tourne dans ma direction puis croise les bras sur sa poitrine
— Me donner de ton sang n'est pas vraiment ce que j'appelle une simple différence d'opinions, Kol ! As-tu songé un seul instant aux répercussions que cela aurait pu avoir sur moi ?
La réponse est clairement négative et je m'en fiche totalement.
— Moi j'y ai vu un moyen de m'assurer que tu restes en vie et rien d'autre. Tout ceci ne serait pas arrivé si tu n'avais pas essayé de jouer à la plus forte contre Silas.
Elle a beau ne pas le reconnaitre, Silas l'a clairement poussé à bout afin qu'elle perde le contrôle de ses pouvoirs. Et il l'a emmené exactement là où il voulait. Il s'en est fallu de très peu pour que sa magie finisse par la tuer.
— À la plus maline, vraiment ? Et qu'aurais-je du faire d'après toi ? Partir en courant et le laisser s'en prendre à vous ? Je ne suis pas lâche ! elle crache.
Non, en effet, elle ne l'est pas ! Elle n'est pas comme moi. Quand la situation devient critique, je n'ai jamais éprouvé de remords à opter pour la fuite. Lorsque le frère d'Elena Guilbert m'a tué, j'ai vu ce qu'il y'avait dans l'au-delà. Et pour les maniaques psychotiques comme moi, il n'y a que le néant !
Plus jamais, je souhaite y retourner.
— Ne me demande pas de m'excuser pour ce que j'ai fait, Magellan. Je n'en ferai rien !
— Ma magie, Kol, c'est tout ce que j'ai ! m'avoue t-elle tristement.
— Si je la perds en devenant un vampire, j'aurais le sentiment de perdre mon identité ! elle poursuit.
— D'ici quelques heures, tu auras complètement éliminé mon sang de ton organisme, Magellan !
— C'est déjà beaucoup trop ! termine-t-elle avant de me planter au beau milieu du salon.
Je ne sais que répondre et la laisse donc me filer entre les doigts.
Dépité, je m'installe à nouveau dans le canapé, une cheville posée sur un genou, le regard perdu dans le vide.
Qu'aurait-elle préféré que je fasse ? Que je laisse le destin décidé sur son sort ? Il n'en est pas question !
J'ignore combien de temps s'écoule et où je reste assis là. C'est le grincement de la grille en fer forgé qui me ramène au moment présent. Le sourcil arqué, j'observe Sophie Deveraux faire son entrée. Je ne sais pas ce qu'elle vient faire ici et d'ailleurs je m'en contre fiche.
— J'ai quelque chose de très important à vous annoncer ! m'informe Sophie. Il serait préférable que vous soyez tous là pour entendre ce que j'ai à vous dire.
Je lui jette une œillade puis lance :
— Tu connais le chemin, non ? Alors ne te fais pas prier ! je crache, désintéressé.
Alors que celle-ci peste contre mon soi-disant mauvais caractère, des petits pas timides s'approchent dans ma direction puis une voix fluette s'adresse à moi :
— Salut !
J'arque un sourcil en remarquant la petite sœur de Sophie qui me gratifie d'un large sourire. Je me souviens d'elle. Davina était la prisonnière de Marcel que nous avons libérée et rendue à sa sœur il y'a de cela quelques mois. Nous l'avions même hébergée quelques jours avant qu'elle ne s'enfuie en hurlant que tout ceci se consumerait dans les flammes. Finalement, il faut croire qu'elle n'était pas aussi dérangée que je le pensais car notre manoir a bel et bien brûlé jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien !
J'observe d'un œil critique la salopette en jean et son petit pull rose qu'elle a décidé de troquer contre la vieille chiffe qui lui servait de robe la dernière fois que je l'ai vu. Bien que son look laisse clairement à désirer, j'imagine qu'ainsi, elle ressemble à une adolescente normale d'aujourd'hui pour laquelle beaucoup ignorent qu'elle a passé la majeure partie de sa vie enfermée dans un grenier poussiéreux.
Je réponds par politesse avant de m'en désintéresser totalement.
Le baby-sitting ce n'est pas pour moi ! J'ai autre chose à faire.
Klaus
À l'arrivée de Sophie et de Davina, Elijah nous a tous réunis afin d'entendre ce que les sorcières ont à nous dire. Le fait qu'elles en viennent à se déplacer en personne ne me dit rien qui vaille. Cette journée commence à peine, et elle est déjà plus que merdique !
— Ma sœur a eu une vision ! nous apprend Sophie
— Et elle en a souvent des visions ? je demande à brûle-pourpoint.
Caroline me gratifie d'un regard assassin face à mon manque de délicatesse.
— J'y ai vu la mort ! annonce Davina. Beaucoup vont être tués dans la bataille ! Quant à vous, vous ne vous en sortirez pas tous !
Le poids du silence se fait aussitôt ressentir.
— Attendez une minute, se lève Elijah. Combien de prémonitions avez-vous eu qui ne s'est pas réalisées ?
Davina soupire puis avoue sans guetter de cœur :
— Aucune ! Je suis sincèrement désolée.
La phrase de la sorcière a été comme une bombe au sein de la maison et nous laisse tous sans voix. Nous sommes même dans l'incapacité de nous regarder. Nous sommes bien trop bouleversés.
La poitrine de Caroline ne cesse de se surélever. Plus les minutes défilent dans ce silence pesant, plus sa respiration en devient saccadée. Ma main essaye de prendre la sienne mais je la manque de quelques secondes. Telle une furie, elle s'élance et descend les marches à toute allure jusqu'à s'enfuir à l'extérieur de ces murs.
— Caroline ! je hurle
Hors de question que je la laisse sans protection alors que notre ennemi est là, préparant sûrement sa vendetta.
Mon cri ne l'arrête malheureusement pas. Alors je n'ai pas d'autre choix.
Je saute par-dessus la balustrade puis m'élance à sa suite. A peine à l'extérieur du QG, la pluie battante frappe mon corps tel des coups de fouet.
— Caroline ! je hurle à nouveau.
J'ai beau regarder des deux côtés, l'averse est si puissante que je ne vois rien. Alors sans réfléchir, je ferme les paupières et me décide de passer le relais à mon alter ego. Je déteste faire appel à lui mais je sais que lui ne pourra pas la rater.
Mes yeux devenus ambrés scannent chaque recoin jusqu'à la localiser.
Un sourire ourlant mes lèvres, j'accours alors dans cette direction pendant que mon loup se rendort.
Le petit corps de mon ange se heurte au mien lorsque je lui barre la route.
— Comment oses-tu sortir seule ? je hurle, les nerfs à vif.
Comment peut-elle se montrer si négligente ? Silas peut être n'importe où ?
— Tu n'as pas compris ce qu'elles viennent de nous dire ? elle cri aussi fort que moi.
L'eau qui se déverse du ciel se mélange à ses larmes. J'ai beau ne pas pouvoir les voir, je sais qu'elles sont là.
— Depuis le début, cela n'a jamais été Stefan dans mes cauchemars mais Silas, elle m'avoue la voix tremblante. Je viens seulement de le comprendre, Klaus ! Il va t'arracher le cœur.
Alors qu'elle martèle mon torse de ses poings, je ferme les paupières. J'ignore quoi dire ni comment la rassurer. Je n'ai jamais été bon pour ça !
— Tu es mon point d'ancrage. Je ne peux pas vivre sans toi !
Emu par son aveu, une larme perle ma joue qui est vite noyée sous cette pluie battante. Si elle savait à quel point, elle a changé ma vie. A quel point, je l'aime !
— Et toi ma raison de vivre Caroline ! je lui dis en capturant son visage dans la coupe de mes mains. Silas ne pourra jamais m'enlever ça !
— Et pourtant, tu ne peux pas ne pas prendre en compte les visions que j'ai eues. Elles sont de ton loup, Klaus ! Tout comme tu ne peux pas ignorer ce que vient de nous annoncer Davina !
Ses cris de détresse, ses pleurs se répercutent sur les murs du vieux carré. Mon ange perd pied comme cela a souvent été le cas pour moi mais à la différence d'elle qui a toujours réussi à trouver les bons mots, moi, je suis plongé dans un sentiment d'échec.
Je veux la rassurer et sans avoir à mentir. Car oui, j'ignore ce qui va se produire mais je suis convaincue d'une seule chose. Alors fidèle à moi-même, je préfère opter pour la vérité.
— Même les enfers ne pourront pas me retenir, Caroline, je lâche d'un ton sans équivoque. N'oublie pas qui je suis ! Si jamais je tombe, je te reviendrais ! Je t'en fais la promesse !
Je ne laisserais personne me séparer d'elle. C'est une évidence !
Alors que je pose un genou contre le bitume détrempé, elle m'interroge d'un ton horrifié :
— Qu'est-ce que tu fais ?
— épouse-moi, Caroline !
— Quoi ?
Sachant qu'elle a compris, je ne me répète pas.
— Tu me demandes ça parce que tu sais que tu vas mourir ! elle hurle de colère.
— Non, Caroline ! je riposte. Je te le demande là... à genoux au beau milieu du quartier français et sous cette pluie battante car je sais qu'on va survivre !
Dépassée par ma demande, par la situation, ses mains prennent d'assaut sa chevelure la malmenant de ses doigts.
— Tu es complètement fou ! cri t-elle afin de couvrir le brouhaha causé par l'averse.
Taquin, j'arque un sourcil avant d'avouer :
— Tu avais encore des doutes sur la question ?
Toute tremblante et mouillée jusqu'à l'os, elle me regarde comme ci j'étais un détraqué mental.
— Entre toi et moi, Caroline, c'est très loin d'être terminé ! j'ajoute en me redressant.
— J'espère que tu es conscient que si tu meurs, je meurs alors...
Sans la laisser poursuivre sa phrase, je capture sa bouche et franchis la barrière de ses lèvres. Lorsque ma langue trouve la sienne, je la sens tressaillir. Ses bras viennent vite s'enrouler autour de ma nuque.
Petit à petit, la pluie s'arrête. Le soleil commence à percer paresseusement.
Le front posé contre le sien, les paupières closes, je savoure simplement cet instant.
— Tu sais ce qu'il y a de plus frustrant dans toute cette histoire ? je lui demande posément.
— Non ! Dis-moi, elle chuchote.
— Que tu ne m'as toujours pas donné de réponse !
Comprenant toute mon inquiétude, mon ange sourit.
— Bien sûr que je veux t'épouser, Niklaus !