Hugo attendait devant la porte du Chaudron Baveur en n'arrêtant pas de regarder sa montre. Il était tellement stressé qu'il était venu avec presque un quart d'heure d'avance au rendez-vous. Maintenant, il avait l'air d'un parfait idiot à attendre sous la pluie devant un bar miteux. Les moldus qui passaient devant lui ne lui accordaient pas un regard, et pourtant il avait l'impression d'être constamment observé.
Il commença à faire les cent pas devant la porte du pub en se répétant mentalement ce que ses amis lui avaient dit. Il leur avait demandé comment il devait se comporter pour son premier rendez-vous officiel avec Clary, mais ils lui avaient tous donné des conseils différents. Lily lui avait dit d'être lui-même, Lysander l'avait conseillé sur les endroits où il pouvait emmener Clary, et Elizabeth lui avait fait une liste de choses qu'il ferait mieux d'éviter de faire ou de dire. Quant à Lorcan, il lui avait juste dit de proposer à Clary de faire une partie d'échecs si jamais il paniquait et commençait à faire n'importe quoi. Et ça risquait sûrement d'être le cas...
Cela faisait plusieurs mois que Hugo et Clary se voyaient régulièrement pour passer du temps ensemble, mais jamais comme un « rencart ». Aucun d'eux n'osait le proposer à l'autre, sans doute parce qu'ils avaient trop peur de se faire rejeter. C'était finalement Hugo qui avait demandé à Clary si elle voulait qu'ils sortent ensemble pour un vrai rendez-vous, Lily l'ayant menacé de brûler sa collection de cartes Chocogrenouille s'il continuait de prétendre qu'il ne ressentait rien pour la jeune fille.
Hugo devait le reconnaître : il l'aimait vraiment, vraiment bien. Clary était gentille, drôle, intelligente et il pouvait discuter sans problème avec elle. Ils avaient toujours un sujet de conversation, et même lorsqu'ils ne parlaient pas, ils se sentaient à l'aise l'un avec l'autre. Mais Hugo ne savait pas s'il était amoureux d'elle : depuis ce qui s'était passé avec Amélia, il doutait en permanence de ses sentiments pour tout. Il ne savait pas comment distinguer l'amour, l'amitié et l'affection. Clary était son amie et il avait beaucoup d'affection pour elle, mais est-ce qu'il l'aimait ?
Alors qu'il cogitait ses pensées, il vit enfin la jeune fille arriver vers lui en marchant rapidement. Il arrêta de faire les cent pas pour ne pas montrer qu'il était stressé, même si sa nervosité devait quand même se sentir à des mètres à la ronde.
— Désolée pour le retard, dit-elle en le rejoignant enfin. J'avais un rendez-vous professionnel cet après-midi, et il s'est éternisé...
— Ce n'est pas grave, ne t'inquiète pas. C'était quel genre de rendez-vous ? lui demanda Hugo en poussant la porte du pub pour la laisser entrer devant lui.
— Je voulais obtenir un stage au Ministère de la Magie pour cet été, expliqua-t-elle. J'ai vu un membre du département de la justice magique, et l'entretien s'est plutôt bien passé. Avec un peu de chance, il me donnera une réponse positive dans les semaines qui viennent !
— Je croise les doigts pour toi, dit Hugo en souriant. Je sais que c'est difficile d'obtenir des stages dans ce département, mais je suis sûr que tu es capable d'en avoir un.
Ils traversèrent le pub en saluant la patronne, Hannah Abbot, et passèrent par une porte à l'arrière pour arriver devant un mur. Clary sortit sa baguette et tapota des briques, qui s'écartèrent ensuite pour ouvrir un passage sur le Chemin de Traverse.
— Où aimerais-tu aller ? demanda timidement Hugo lorsque le passage se fut refermé derrière eux.
— Comme tu veux, répondit Clary en rougissant légèrement. On pourrait aller boire un verre quelque part...
— Bonne idée ! Tu connais le Cornet acoustique ?
— Oui, j'y suis déjà allée avec des amis, dit-elle en hochant la tête. On va là-bas ?
Hugo approuva et ils commencèrent à se diriger vers le café. Ils ne pouvaient pas facilement discuter à cause de la pluie, et ils durent attendre d'être à l'intérieur de la boutique pour reprendre leur conversation.
— Et toi, tu as choisi ce que tu vas faire l'année prochaine ? demanda Clary tandis qu'ils s'installaient à une table. Tu es toujours décidé à arrêter te formation d'enseignant ?
— Oui, ce n'est vraiment pas fait pour moi, dit Hugo en grimaçant. Mais je ne trouve toujours rien qui m'intéresse, alors je pense que je vais travailler avec mon cousin Fred pour un moment. Depuis qu'il a repris la boutique d'Ollivander, il est débordé et il aurait bien besoin d'un assistant. Il m'a proposé de m'engager pour que je m'occupe des ventes, comme ça je pourrais voir si le commerce me plaît !
— Ça ne peut pas être pire que l'enseignement, plaisanta Clary. Lorcan m'a dit que même votre chef de formation ne savait pas quoi faire de toi. C'est vrai que tu as accidentellement révélé à un enfant que son lapin était mort ?
— Ce n'est pas de ma faute si ses parents ne l'en avaient pas encore informé, marmonna Hugo. Je lui ai juste dit que j'étais désolé pour ce qui était arrivé à son lapin Bobby, et qu'il reposerait en paix là où il était. Et le petit a commencé à pleurer en me demandant pourquoi je disais ça.
— Quelle horreur, dit Clary en se retenant de rire.
— Arrête de te moquer de moi, protesta Hugo d'un air vexé. C'était très gênant, tous les autres me regardaient avec de grands yeux comme si je venais de lancer un sortilège impardonnable...
Un serveur arriva à ce moment vers eux et ils lui passèrent rapidement leur commande. Une fois qu'il fut reparti, Hugo demanda des nouvelles de sa mère à Clary. Son père était décédé quelques mois après leur départ de Poudlard, ce qui avait été très douloureux pour la mère et la fille, et Clary restait donc vivre chez sa mère le temps qu'elle se remette de la perte de son mari. Hugo l'avait déjà rencontrée une fois, lorsqu'il était allé chercher Clary pour se rendre à la fête d'anniversaire de Michael. C'était quelqu'un de très gentil et doux, et elle avait l'air d'apprécier que Hugo connaisse bien la vie des moldus. Comme les parents de sa mère en étaient aussi, il était au courant de beaucoup d'habitudes des moldus que la plupart des sorciers ignoraient. Il savait se servir d'un téléphone portable et d'une télévision, par exemple !
Alors qu'ils se donnaient des nouvelles de leurs familles respectives, Hugo s'aperçut qu'ils parlaient des mêmes choses que d'habitude lorsqu'ils se voyaient. Il commença à s'inquiéter en se demandant s'il faisait vraiment ce qu'il fallait pour que ce soit un rendez-vous. Et si Clary finissait par lui dire qu'elle ne voulait pas qu'ils ressortent ensemble à l'avenir ? Il devrait faire semblant que ça ne le dérange pas, alors que ce serait pourtant le cas : il ne voulait pas être « juste ami » avec elle...
Il était tellement pris par leur conversation qu'il en oublia ses préoccupations et ses questionnements. Ils restèrent plusieurs heures dans le café à parler, recommandant plusieurs fois des boissons. Finalement, ils décidèrent de repartir vers dix-huit heures pour ne pas rentrer trop tard chez eux. Cette année, Hugo était resté habiter chez ses parents, mais ce soir il devait dîner avec ses amis dans l'appartement de Lorcan et Lysander. Puisque leurs parents voyageaient tout le temps, ils louaient un logement à Londres pour être proches de leur lieu de formation. Et comme Elizabeth et Lily habitaient quasiment avec eux, Hugo se retrouvait à aller là-bas presque tous les jours. Il était vraiment content car il pouvait voir autant sa famille que ses amis, ce qui n'avait jamais été possible pour lui avant !
— Comment est-ce que tu rentres chez toi ? demanda Hugo à Clary lorsqu'ils sortirent du café. En transplanant ?
— Oui, je ne peux pas utiliser la poudre de Cheminette pour aller chez ma mère, lui répondit-elle en ralentissant le pas.
— C'est vrai, j'avais oublié... je vais transplaner aussi, ajouta Hugo d'un ton hésitant.
Il ne savait pas trop comment lui dire au revoir maintenant, surtout qu'ils n'avaient aucun endroit précis où se rendre pour transplaner. Ils continuèrent de marcher jusqu'à arriver devant le Chaudron Baveur, puis ils s'arrêtèrent dans un silence gêné.
— Bon, et bien... c'était sympa, bredouilla Clary.
— Oui, approuva Hugo en s'agitant nerveusement. Je suis désolé si j'ai agi comme d'habitude, mais je ne suis jamais sorti avec quelqu'un avant, alors je ne sais pas comment il faut se comporter...
— Tu n'as pas à te comporter différemment juste parce que c'est un rendez-vous, dit Clary en fronçant les sourcils. Tu dois juste être toi-même.
— D'accord, mais dans ce cas, c'est comme si nous étions juste deux amis qui se voient pour prendre un verre, dit Hugo en rougissant. Qu'est-ce qui fait qu'on peut dire qu'on sort ensemble ?
— De petits détails, répondit Clary d'un ton hésitant.
— Comme quoi ?
Elle le regarda quelques secondes dans les yeux, puis elle s'avança vers lui et lui prit la main. Elle l'embrassa ensuite avec douceur, et Hugo eut l'impression qu'on venait de lui jeter un Sortilège de Stupéfixion. Il parvint juste à serrer la main de la jeune fille qu'il tenait dans la sienne et se sentit étrangement envahi de sérénité. Lorsqu'elle s'écarta de lui, elle lui dit enfin avec un sourire :
— Des détails comme ça.
— Je vois, dit Hugo en la regardant avec des yeux brillants. J'aime bien ces détails.
— Moi aussi, dit Clary en riant. Tu m'envoies un hibou pour qu'on se revoit prochainement, d'accord ? Inutile de faire semblant d'être juste amis.
— Ça marche, promit Hugo en souriant. En revanche, tu pourrais dire à ta mère d'arrêter de donner des croquettes pour chat à Archimède chaque fois que je te l'envoie, s'il te plaît ? Il ne veut plus manger de nourriture pour hiboux, maintenant. Et Lily n'arrête pas de se plaindre qu'il vole les provisions de Simba...
— Je lui ferai passer le message, répondit Clary avec un sourire en coin. À plus tard, Hugo.
Elle s'éloigna de lui pour avoir la place de transplaner, puis elle lui fit un signe de main avant de disparaître. Hugo avait envie de chanter à tue-tête maintenant, mais il préféra attendre de ne plus être au milieu d'une rue pleine de passants pour le faire. Il devait déjà avoir l'air bizarre à rester planté au milieu du passage avec un sourire idiot au visage...