Nos sentiments voilés

By Leophire

15.9K 2.1K 567

GAGNANT DES WATTYS DANS LA CATÉGORIE YOUNG ADULTE :) Samedi 22 août, 18 : 59. Une simple décision peut change... More

La prière
L'étrange fille
L'autre famille
La dernière rentrée
Le premier cours
Le cours de SVT
La danse
L'exposé
Le petit copain
Les questions
Le brookie
La crise d'angoisse
Le passé
L'anniversaire
La révélation
L'appel
L'émotion
Le concours
Le pique-nique
Le rapprochement
La rencontre
Le duel
Le skate
L'audition
Les excuses
Les reproches
Les confessions
L'arrangement
Le bowling
Le cadeau
Epilogue

La fin de l'été

767 81 52
By Leophire

 
~Solal~

— Eh, Solal ! Regarde ! me crie Adrien.

Je tourne la tête vers lui. Le pied appuyé sur son skate, il attend que je sois attentif. Il me sourit et s'élance vers la rampe qui ressemble à un bateau. Je n'ai aucune connaissance en matière de skate même si mes amis en font. Je me contente de les regarder et non pas d'apprendre les noms de chaque figure ou matériel spécifique. Adrien prend de plus en plus de vitesse et commence à s'élever dans les airs. Mais je ne peux pas voir sa figure entière parce que Samuel m'appelle :

 — Dis à ta chienne de bouger de là, elle me gêne !

Je siffle Nairobi et elle accourt vers moi.

 — Sinon tu peux lui parler aussi.

 — Ouais bah elle voulait pas dégager.

 — Putain, je l'avais trop bien fait, Solal !

Adrien est en bas de la rampe, les bras croisés. J'ai l'impression d'être sa mère, il faut toujours que je le regarde voltiger. D'un regard, je m'excuse et l'encourage à recommencer. Cette fois, je le regarderai jusqu'au bout. Il recommence comme tout à l'heure et je caresse distraitement Nairobi. En haut de la rampe, il frotte son pied sur sa planche et se détache d'elle. Cette dernière fait un tour sur elle-même avant de se replacer droit. Adrien amorce sa descente, les genoux pliés, mais seul son pied gauche vient rencontrer la planche, qui l'envoie en contrebas. Adrien est emporté et s'écrase sur ses fesses, glissant derrière son skateboard comme s'il était sur un toboggan.

 — Putain, j'avais réussi tout à l'heure !

Il jure encore quelques minutes et tape dans sa planche, comme si c'était de sa faute. A côté de lui, Samuel se tente la même figure mais à l'arrêt.

— Depuis le début de l'été ils sont sur le flip, se marre Marius en venant s'asseoir dans l'herbe, à côté de moi.

 — Adrien dit qu'il l'a réussi.

 — Il doit la réussir à chaque fois. Sinon ça s'appelle la chance du débutant.

 — Débutant, pas trop quand même. Ils sont loin d'être débutants.

 — Pas débutants en skate, mais dans le flip. Mais ils vont y arriver.

On se tait, regardant nos deux amis galérer. Nairobi bouge, me lèche la main et repart faire sa vie. Je vérifie qu'elle ne soit pas sur le terrain.

 — Tu veux essayer ? relance Marius.

 — Moi ?

 — Non, Nairobi.

 — Hors de question, elle va pas monter là-dessus !

Il éclate de rire et je comprends qu'il me proposait bien à moi.

 — T'es con quand tu t'y mets. Alors, tu veux essayer ?

 — Non plus. Tu sais que je déteste ça.

 — Mais t'as jamais essayé tu peux pas savoir.

 — Si, je sais très bien, je mens.

Il lève les yeux au ciel mais n'insiste pas. Depuis le temps qu'on se connaît, il devrait savoir que c'est non.

On vient au skate park dès qu'on peut. C'est-à-dire très souvent. L'été, nos journées se font ici. Ils skatent, Nairobi se balade et moi j'observe tout le monde. Le midi, on file au kebab ou au Macdo. On se gave de gras et on se marre. On y reste quelques heures et puis on repart dans les rues. Et le soir, on va dans les bars. Eux surtout. Généralement, je préfère la compagnie de Nairobi et on se contente d'errer dans la nuit.

 — So', on va au kebab ?

Je grogne. Je déteste quand ils m'appellent comme ça.

 — Quelle heure il est ?

 — Bientôt treize heures.

A ces mots, mon ventre décide de gargouiller. Je hausse les épaules. Il a répondu à ma place.

 — Aller, patate, lève-toi.

Adrien m'aide à me relever et notre joyeuse bande prend le chemin de notre repas. Nairobi saute autour de nous, excitée. Elle sait très bien ce qui l'attend. Je lui souris et elle secoue sa queue de plus en plus vite. Samuel abat son pied devant elle et elle saute en arrière. L'arrière train soulevé, elle le défi. Il attend que nous passions le passage piéton puis, sur le parking, il bondit derrière elle. Derrière elle, parce qu'elle a un train d'avance et est déjà loin quand Samuel réagi.

 — Demain vous comptez arriver à l'heure ? demande Marius alors que les deux autres jouent.

 — Arriver à l'heure pour quoi ?

 — T'as l'air d'avoir oublié que demain c'est la rentrée, se moque-t-il.

 — Me rappelle pas ça, pitié, se plaint Adrien.

Marius a raison, c'est déjà la fin de l'été. Il est passé à une vitesse folle. Demain, le soleil et nos excursions seront un lointain souvenir. Nairobi sera obligée de m'attendre à la maison, sans vraiment comprendre, je suppose. En même temps, elle aura passé tout l'été avec nous et d'un coup, elle sera enfermée seule. Elle va prendre ça pour une punition... Il faudra que je rentre tôt demain soir pour la sortir. Sinon, elle me fera la tête jusqu'au lendemain. C'était comme ça que ça c'était passé l'année dernière. Et les années d'avant. La rentrée est une période aussi difficile pour elle que pour moi.

 — Et toi, Solal, tu viendras à quelle heure ? insiste Marius.

 — A l'heure, ce serait bien.

 — Bénissez Solal, intello à ses heures perdues ! implore Adrien, la tête levée vers le ciel.

 — Ta gueule.

Je le claque derrière la tête et il éclate de rire. Il peut rire autant qu'il veut mais moi, j'aurais un diplôme à la fin de l'année.

 — Qu'est-ce qui... est si drôle ? interroge Samuel, essoufflé après sa course.

 — La rentrée, réponds Marius.

 — Solal, contredit Adrien.

 — Génial comme sujet de conversation. Dites, vous avez vu le nouveau son de Ninho ?

La conversation dérive sur la musique et je n'y prends pas part. Comme pour le skate, je n'en ai pas beaucoup de connaissances. J'avoue que ce n'est pas ce qui m'emballe le plus. En tout cas, pas leur genre de musique. Je ne saurais dire quel est mon style de musique mais je n'ai jamais apprécié plus que ça les sons qu'ils écoutent.

Une quinzaine de minutes plus tard, nous arrivons à notre kebab préféré.

 — Ah, Nairobi ! Je t'attendais ! s'exclame Abdel, le gérant du fast-food.

Mon labrador vient se frotter contre lui et se laisse caresser. Puis, comme à son habitude, elle lui fait les yeux doux. Abdel éclate de rire et lui lance une boulette de viande, qu'elle rattrape au vol. Les clients habitués applaudissent et Nairobi passe leur dire bonjour.

 — Vous voulez comme d'hab ? s'assure Abdel.

Nous hochons la tête et allons discuter quelques instants les personnes que nous connaissons. Je finis rapidement par me lasser et abandonne la discussion pour aller m'asseoir dehors, à une table. Nairobi me suit et reste sagement assise à mes côtés. Nous sommes plutôt proches du centre-ville alors elle reste collée à moi. Les citadins se révolteraient aussitôt qu'ils verraient Nairobi s'approcher d'eux. Pourtant, elle est totalement inoffensive. Elle n'a jamais fait de mal à personne et reste toujours près de moi en ville. De toute façon, dès qu'elle s'éloigne un peu je la rappelle à l'ordre. Elle est très obéissante.

Les autres reviennent bientôt avec notre repas et Abdel s'installe avec nous. Il en profite pour prendre sa pause.

 — Alors, demain c'est la rentrée ?

 — Encore ce mot ! proteste Adrien. On peut pas parler d'autre chose ?

 — Vous êtes dans quelle filière ? demande Abdel sans écouter Adrien.

 — Y'a plus de filière, répond Samuel.

 — Ah bon ? Comment ça s'fait ?

 — Y'a une réforme depuis l'année dernière. On est les cobayes de l'Education Nationale.

 — Et c'est quoi maintenant ?

Marius et Samuel lui expliquent en quoi consiste la réforme pendant qu'Adrien et moi mangeons et faisons passer de la nourriture à Nairobi. C'est en partie pour ça qu'elle reste sage, elle sait très bien que si elle ne l'est pas, son repas lui passe devant la truffe. Non pas qu'elle est vraiment besoin de ce repas-là.

 — C'a l'air compliqué vot' truc, commente Abdel, les sourcils froncés d'incompréhension.

  — On s'adapte.

 — Les profs ont même pas toutes les informations encore.

 — Vous avez quoi comme option ou j'sais pas quoi ?

 — Enseignement de spécialité, corrige Marius.

 — Ouais bref, c'est quoi ?

Le temps que chacun d'eux explique sa spécialité dans les moindres détails, j'ai le temps de décrocher de la conversation.

Demain, c'est la rentrée et cette période ne cesse de me rappeler le passé. Chaque année, c'est la même chose. Des images d'une cour d'école vide me reviennent en tête et m'angoissent. Je me souviens très bien des émotions qui m'avaient traversées lorsqu'à ma troisième rentrée, j'avais attendu que ma mère vienne me chercher pendant des heures. Assis sur les marches qui menaient au bâtiment, j'avais songé qu'elle était partie faire des courses et qu'elle était en retard, puis qu'elle m'avait oublié et enfin, j'avais été certain qu'elle m'avait abandonné. Quand cette pensée m'était apparue, j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps. Les premières d'une longue série.

Depuis, je déteste la rentrée, même si plus personne n'est là pour venir me chercher depuis bien longtemps.

[...]

 — Alors, Solal, comment tu te sens en ce jour de rentrée ? me questionne solennellement Jean, l'un de mes tuteurs.

 — Mal, j'affirme.

Assis à la table de la cuisine, nous déjeunons. Jean est l'une des seules personnes à qui j'ose dire ce que je ressens. Alexandre est la deuxième personne, mon autre tuteur. Quand j'étais plus jeune, j'étais très renfermé et timide. Pendant presque deux ans, je ne leur ai pas parlé. Un jour, ils en ont eu assez et m'ont annoncé que je devais leur faire confiance et leur dire ce que je ressentais, pour qu'ils soient là pour moi. Depuis, je leur parle plus de mes émotions.

 — A cause de Marcelle ?

 — Oui, à cause de maman, je souffle.

 — Ça va bien se passer. Ça s'est toujours bien passé.

 — Pas cette fois-là.

Jean m'offre un sourire triste et je baisse la tête sur mes haricots verts. Ils dansent au rythme des coups de ma fourchette pendant que je réfléchis. Enfin, j'essaie. Mon esprit est obstrué par ma peur. Je n'arrive pas à passer au-dessus. Je n'ai jamais réussi. Le silence règne dans la pièce et mes pensées se font plus oppressantes. Ma main commence à trembler et bientôt, c'est tout mon corps qui subit cette secousse. Je sens le regard de Jean posé sur moi alors je tente de porter un haricot à ma bouche. Raté, ma fourchette dévie de sa ligne d'arrivée et heurte ma joue. Le haricot tombe par terre et Nairobi se précipite pour l'engloutir.

 — Solal.

J'ouvre la bouche pour répondre mais seul un geignement en sort.

 — Solal, répète-t-il.

Je relève la tête.

 — Inspire... - il exécute son ordre et je le suis – et expire...

Durant quelques minutes, nos respirations résonnent. Je me concentre sur la mienne qui envahit toute ma tête.

 — Tu veux que je t'accompagne ?

Je secoue vivement la tête. Surtout pas.

 — Tu veux que je vienne te chercher ?

Même réaction. Il me fait cette proposition depuis longtemps et j'ai toujours refusé. Je ne veux pas l'attendre. Si je rentre seul, je suis sûr de rentrer. S'il vient me chercher, il se pourrait qu'il ne vienne pas et alors je ne rentrerais pas. C'est hors de question.

 — D'accord. Ne te prends pas la tête, Solal. Et n'oublie pas d'inspirer et d'expirer.

 — Je sais.

Je coupe court à la discussion et me lève pour débarrasser mon assiette. Puis, je monte dans ma chambre et attends quatorze heures, l'heure de la rentrée.

Quarante minutes avant, je prends mon sac et me prépare mentalement à passer un mauvais après-midi. Je descends au salon et salue Jean.

 — Bon courage, Solal.

Je ne réponds pas, embrasse Nairobi sur le haut de sa tête et sors. Je me rends au lycée à pieds, sauf quand il fait trop froid ou que je n'ai pas envie. Dans ces moments-là, je prends le bus de ville. Il me faut trente minutes pour arriver à destination. Devant les grilles, il y a un attroupement de premières et de terminales. Inconsciemment, mon souffle s'accélère. Je cherche du regard mes amis, en sachant pertinemment qu'ils ne seront pas là avant vingt minutes.

Les cris de joies, les reniflements et les embrassades me font réaliser que les gens sont heureux de se retrouver ici. Les retrouvailles ont l'air joyeuses. La rentrée a l'air de les rendre joyeux. Pas moi. Sur mon téléphone, je regarde l'heure. Nous devons être dans notre salle dans dix minutes. Les grilles devraient être ouvertes. Je laisse passer mon regard à travers les groupes d'amis et mon hypothèse se révèle juste. J'inspire un coup, fends la foule, et entre. J'avance jusqu'au milieu de la cour et relâche la pression. Sans le vouloir, j'avais retenu ma respiration.

Je suis seul au milieu de la cour, illuminé par le soleil. Il me reste quelques instants pour me réhabituer, au calme, à cet environnement. Bientôt, je serais enfermé pour une nouvelle année.

Continue Reading

You'll Also Like

1.8K 88 9
Erza Scarlet a disparu, Acnologia est de retour, Jellal Fernandez est désespéré. Une bataille contre le dragon éclate et chacun est prêt à donner sa...
10.2K 80 1
Au lycée, personne ne sait qui est vraiment Alison Pietra. Quelques élèves la connaissent sous le nom de Cuda, celle qui résout les problèmes d'amour...
67.5K 4.2K 20
Il était orgueilleux, impétueux, parfois hautain et parfois même méprisable... mais, il n'avait jamais réellement laissé la colère ou la frustration...
5.5K 504 6
Comment une aventure, un coup de chance et un trajet en taxi peuvent tout changer. ★彡 Prix Coup de cœur Wattstagram d'octobre 2020