- Qu'est-ce que tu penses de celle-ci ?
La robe rouge vif que Sara me montre me fait grimacer et je passe mes bras sur mes yeux comme si celle-ci me brûlait la rétine.
- Je sais qu'on n'a pas les mêmes goûts mais tout de même...
Vexée, ma meilleure amie me frappe l'épaule avant de se retourner pour ranger la robe préalablement choisie dans son rayon.
Cette semaine est passée rapidement, tellement que nous sommes déjà vendredi. Nous avons pas mal avancé à la boutique, mes créations se forment doucement et j'ai hâte de les finir afin de les présenter au monde entier –enfin, au voisinage–.
Antoine est venu me chercher deux fois sur la semaine après le boulot et nous avons simplement dîné dans son restaurant favori. Après ça, il me raccompagnait chez moi. Je ne pouvais pas me plaindre, l'attention était là. Mais j'avais besoin de plus. J'ai besoin de plus. Les soirs où nous nous retrouvions à quatre, Sara, Liam, Sam et moi, étaient beaucoup plus amusants que nos sorties en amoureux. C'est pour dire.
- Tu as prévu quoi comme tenue, toi ?
- Une des robes que j'ai ramenées de la boutique. Elle me faisait beaucoup trop de l'œil. C'est une des plus belles créations de Dominique.
- Évidemment... trop facile. Dis, Emma, ça te dérangerait que je squatte chez toi cet été ?
- Ça fait une semaine que tu squattes mon lit et c'est maintenant que tu me le demandes ? rigolé-je en remontant mes cheveux en un chignon décoiffé.
- Genre... tout l'été quoi.
Je relâche mon sourire et la regarde, les sourcils froncés.
- Bien sûr mais... tout va bien ?
- Oui oui, Emma, tout va bien. J'ai besoin d'être auprès de ma meilleure amie, simplement.
Je ne la crois pas. Je sais que quelque chose ne va pas. Mais connaissant Sara, si elle n'en parle pas, c'est qu'elle arrive à gérer. Ça a toujours été comme ça avec elle, jusqu'à ce que tout éclate et qu'elle ne contrôle plus la situation.
- Je sais ! m'exclamé-je en pointant un doigt vers elle afin d'apaiser l'ambiance.
Surprise, Sara arque l'un de ses sourcils et me regarde afin que je continue d'avouer le fond de mes pensées.
- Tu craques pour Liam. Alors tu veux rester chez moi pour être sûre de le croiser tous les jours ! dis-je, convaincue.
La blonde éclate de rire tout en se tenant le ventre. Au moins, je l'aurai fait rire.
- Alors là, t'es à côté de la plaque. Liam est très beau, je l'avoue, mais ce n'est pas du tout mon genre. En y réfléchissant, c'est plutôt ton genre.
Je rigole à mon tour et son air sérieux m'arrête rapidement dans mon élan.
- N'importe quoi Sara. Antoine et Liam sont tellement différents.
- Justement.
Elle m'offre un clin d'œil et sort du magasin sous mon air ahuri.
✬
- Salut les filles, crie Noah en nous apercevant au pas de la porte.
Je dépose les nombreux sacs de Sara sur le comptoir de la cuisine et souffle en fusillant mon amie du regard.
- Rappelle-moi de ne plus jamais l'accompagner faire les magasins.
Noah me tend un verre de jus d'orange et mon sourire le remercie. Mes yeux balaient la pièce du regard mais je ne vois personne d'autre.
- Où sont Sam et Liam ?
- Ils font des courses pour ce soir. D'ailleurs, il va falloir que vous m'aidiez pour la décoration.
Le métis grimace en sortant une guirlande rose bonbon d'un sac plastique. Il en sort une dizaine d'autres et nous ne pouvons pas attendre plus longtemps avant d'éclater de rire.
- Il n'y avait pas d'autres couleurs en stock ?
- Noah ! C'est Gabrielle, le rose est indispensable à sa vie, soupire Sara.
- Et c'est son anniversaire. Alors repose ça et va t'occuper de l'apéro.
Les heures passent à une vitesse folle malgré que nous galérons pas mal à installer les décorations pour notre amie. Heureusement, Noah nous a été d'une grande aide puisque c'est maintenant grâce à lui qu'une trentaine de ballons touchent le plafond. Le pauvre, on l'a épuisé.
Il a également préparé les apéritifs disposés sur une dizaine de plateaux mais, il faut l'avouer, être barman aide pas mal pour ce genre de choses.
Lorsque la porte d'entrée s'ouvre pour laisser apparaître les garçons, je ne peux m'empêcher de sourire. Je file rapidement les aider à ranger les courses tandis que nous nous dépêchons de terminer les préparations intérieures.
- Je vais décorer le jardin. Sam, tu m'apportes les tables pliantes ? On va tout installer dehors.
Je file à l'extérieur tout en respirant discrètement l'air doux de la soirée qui commence à tomber. J'adore cette saison. Je remarque Liam sortir suivi de Samuel, tous les deux portant une table qu'ils installent au milieu de la pelouse. Rapidement, les chaises pliantes suivent le rythme et voilà que tout semble en place. Plus qu'à décorer.
- Punaise, ce rose me rend dingue, souffle mon frère en retournant à l'intérieur.
Je le comprends. J'aime beaucoup le rose mais trop... c'est trop. Mais c'est Gabi et nous savons tous à quel point elle aime cette couleur. Je souris, amusée, face à l'attitude de mon frère tandis que Liam se pose contre le bord de la table en croisant ses bras.
- Tout va bien ? demandé-je, sceptique, en le regardant.
- Bien. Et toi ?
- Bien. Tu m'aides ?
Sans attendre de réponse, je lui tends le bout de la nappe –rose, évidemment– et m'éloigne en tenant l'autre bout pour l'installer sur les tables regroupées. Je rajoute de nombreux confettis et serpentins en les éparpillant sur toute la longueur afin de placer les assiettes par-dessus.
- Est-ce que ça va mieux ? Avec ton petit ami, je veux dire...
Surprise, je lève mon regard afin de croiser celui de Liam. Face au mien, il lève légèrement les mains en l'air tout en secouant le visage.
- Je ne veux pas me mêler, c'est juste que... j'étais là quand tu es revenue de chez lui. Vous aviez l'air de vous être disputé alors je me demandais juste si ça allait depuis...
Oh. C'est vrai. Il m'a vu dans cet état second ce jour-là. J'ai toujours un peu honte d'ailleurs.
- Oh, heu... oui.
Je triture un ballon dégonflé entre mes mains et hausse mes épaules, sans pour autant renchérir. Mais Liam m'inspire confiance.
- C'était une connaissance du lycée. Elle était bourrée cette nuit-là et elle l'aurait harcelée d'appel et de message, commencé-je.
À moitié convaincue, je grimace sans oser affronter le regard de Liam. Mes yeux fixent le ballon à moitié détruit dans mes mains et je soupire fortement en me massant la tempe droite.
- Il ne comprenait pas pourquoi. Il était sûrement son premier contact dans son répertoire et, selon lui, elle n'avait plus aucun souvenir de la veille lorsqu'il l'a rappelé à son réveil.
- Et tu le crois ?
Sa question ne me semble pas être un piège, pourtant je doute. Est-ce que j'y crois ? C'est une bonne question. Oui, probablement, sinon je n'aurais pas accepté d'aller dîner avec lui. Je n'aurais pas non plus accepté ses excuses.
- Pourquoi est-ce qu'il me mentirait ?
Nos yeux se croisent et je peux ressentir l'empathie qu'il éprouve envers moi jusqu'ici. Nous ne sommes qu'à quelques mètres éloignés l'un de l'autre mais je pourrais jurer que, lui, il n'y croit pas.
- On devrait continuer, me dit-il en me montrant le ballon rose qu'il gonflait auparavant, sans me répondre.
✬
La soirée bat son plein, une quinzaine de personnes sont déjà là contre une trentaine d'invités. Que ce soit de la famille à Gabrielle que nous avons réussi à joindre jusqu'à de simples connaissances, je suis sûre qu'elle sera très heureuse de l'effort que nous avons fourni afin de lui réaliser cette superbe fête.
Il ne reste que dix minutes avant que Samuel ne revienne, accompagné de Gabrielle. Cette dernière a bien failli gâcher la soirée. Elle n'est, évidemment, pas au courant de cette surprise et nous nous étions mises d'accord sur le fait que l'on passait la soirée à trois, entre filles. Seulement, à la dernière minute, la métisse s'est rétractée et nous a laissé en plan. C'est pour cela que nous avons envoyé notre cher Samuel la forcer à sortir de chez elle afin d'éviter une trentaine de déceptions.
Nerveuse, je mordille le bord de l'ongle de mon pouce tout en observant les invités s'amuser. Tout compte fait, ils ne remarqueront peut-être même pas son absence...
- Bonsoir, beauté.
Je baisse les yeux vers les deux mains qui s'enroulent autour de ma taille, les sourcils froncés. En reconnaissant celles-ci, je me retourne vers mon petit ami, un sourire sur les lèvres.
- Je t'ai apporté un verre.
Je secoue le visage en passant mes bras autour de son cou, la tête penchée sur le côté.
- Non merci. C'est gentil. Je vais me prendre un soda.
- Allez Emma, on est chez toi, tu ne dois même pas reprendre la route. Lâche-toi un peu.
Petit à petit, je sens mon cœur se serrer tandis que ma main attrape le verre que me tend Antoine.
- Très bien.
Sans le lâcher du regard, je bois le liquide d'une traite, grimaçant à la fin de la gorgée. Répugnant.
- Allez viens, on va danser, me sourit Antoine.