Caroline
Accoudée contre le chambranle de notre chambre, je l'observe attentivement. Il est en colère mais je ne perds pas espoir de l'atteindre. D'une façon ou d'une autre, il finira par céder.
— Tu veux en parler ? je propose.
— Non ! raille-t-il d'un ton catégorique.
Sans pouvoir le freiner, un rictus s'étire.
— Je peux savoir ce qui te fait sourire, demande-t-il, agacé.
— Me rendre compte que je ne m'attendais pas à une réponse différente, j'admets.
L'hybride Originel roule des yeux puis porte son attention sur le tapis. Après avoir froncé les sourcils, il s'accroupit devant. Tout comme notre chambre, il est dans un état déplorable depuis l'attaque de Silas.
Rageusement, il s'empare de notre descente de lit et la traine à travers la pièce.
— Je peux savoir ce que tu fais, au juste ? Je ne pense pas que ce soit vraiment le moment pour jouer au décorateur d'intérieur.
D'habitude, mon humour douteux a tendance à l'amuser. Pas aujourd'hui !
— Chris est venu dans notre chambre ! grogne-t-il. L'odeur de ce petit prétentieux est partout ! Et ici, c'est mon territoire !
Sans pouvoir me retenir, j'éclate de rire. Cet hybride torturé va finir par me rendre complètement cinglée avec toutes ces histoires de mâle dominant.
— Je suis ravi de voir que mes malheurs te font bien rire ! il s'agace.
Quant à moi, je suis tellement secoué par mes spasmes que je n'arrive pas à placer le moindre mot.
Ne cessant de pester contre tout, Klaus poursuit son périple jusque dans le couloir. Lorsqu'il jette le tapis par-dessus la rambarde et que ce dernier atterrit en plein milieu de la cour, un sourire satisfait prend place sur son visage.
— Voilà, une bonne chose de faite ! ajoute-t-il.
Puis soudainement, il crache rageusement :
— Te voilà toi ! On peut savoir où tu étais !
— Je viens d'apprendre ce qui s'est passé ! Est-ce que tout le monde va bien ?
En reconnaissant la voix de Stefan, je retrouve mon sérieux. La colère vibre tellement dans le ton de mon hybride que je me dois d'intervenir.
— ça suffit ! Stefan n'y est pour rien dans toute cette histoire ! Il n'était même pas là ! je cherche à défendre mon meilleur ami.
— Tu as raison, Caroline, lâche-t-il d'un ton bien trop calme. Il ne l'était pas !
Je fronce aussitôt les sourcils.
Que cherche-t-il à me dire ? Je ne comprends pas.
Silencieuse, je l'observe se diriger vers le foyer de cheminée, imitant la position similaire à celle qui l'avait dans le salon quand je me suis réveillée.
— Je n'ai pas été à la hauteur, Caroline ! me dit-il enfin prêt à se livrer.
— Klaus, tu as fait ce que tu as pu ! Silas a plus de deux mille ans...
— Tu ne comprends pas ! il soupire.
— Bien sûr que si je comprends mais...
— Je suis l'hybride immortel, il hurle, la rage au ventre. On ne me brise pas la nuque comme si je n'étais rien ! Et c'est précisément ce qu'il a fait !
Ayant sombré dans l'inconscience en un temps record, j'ignorais tout de ce qui s'était passé. Lorsque je me suis réveillée, Silas n'était déjà plus là. Désormais, je comprends.
À mes yeux, cela ne change absolument rien ! Il reste celui qu'on ne peut pas vaincre !
Peinée, je viens me lover contre lui. Au début même si dans mes bras, il est tendu, il finit par rendre les armes.Petit à petit, il me serre comme s'il craignait que je disparaisse.
— T'a-t-il fait du mal, mon ange ? me demande-t-il dans un murmure
Le menton posé sur son épaule, je souris. Le voilà, l'homme sous la carapace. L'homme que j'aime.
— Je ne lui en ai pas laissé l'occasion ! je le rassure. J'ai su presque immédiatement que ce n'était pas toi !
Surpris, il s'écarte de moi et m'interroge du regard me poussant à lui révéler comment tout a commencé.
— Quand tu as quitté Mystic Falls pour la Nouvelle Orléans, Silas en a lui profité pour prendre ton apparence.
— Tu ne m'en avais jamais parlé ! me fait-il remarquer.
— Non, c'est vrai ! j'admets. J'imagine que c'est parce que je n'étais pas spécialement fière de ne pas avoir fait la différence entre lui et toi. À l'époque, il avait plutôt bien joué ton rôle ! Il disait être revenu car malgré toutes ses tentatives pour arrêter de penser à moi, il n'avait pas réussi. Ce jour-là, Silas, m'a poussé dans mes retranchements.
Devant moi, mon originel fronce les sourcils.
— Pour la première fois, j'ai admis à voix haute que j'avais seulement peur de me perdre en cédant à cette attirance.
— Chercherais-tu à me dire que je devrais le remercier ? s'amuse-t-il.
À sa remarque, je peine à me retenir de rire puis reprends mon sérieux.
D'un geste doux, je lui caresse la joue puis l'embrasse tendrement.
— Tu le battras, Klaus ! Je n'en doute pas un seul instant ! je chuchote.
— Et pourtant... je ne sais pas comment ! Pas après le choix que j'ai fait !
— Tu regrettes ta décision de ne pas lui avoir donné Katherine.
— Ne le vois pas comme de l'indulgence, Caroline, cela ne l'était pas !
Je fronce les sourcils.
Comment peut-il être aussi aveugle ?
— Alors si cela n'en était pas, qu'est-ce que c'était ? je demande, croisant les bras contre ma poitrine.
— Silas ne devrait pas être en mesure de pénétrer mon esprit et pourtant même si cela lui est plus difficile de le faire que pour vous, il me manipule moi aussi ! me dit-il la voix tremblante d'émotions.
Pour la première fois, j'ai comme le sentiment qu'il arrive à regretter de ne pas être simplement un loup. Là au moins, le sorcier ne pourrait pas l'atteindre de cette façon.
— Tout ce que je voulais, Caroline, c'était le prendre à son propre jeu et me montrer imprévisible. C'est précisément ce que j'ai fait en faisant le choix de ne pas lui donner Katherine ! Uniquement pour ça ! Rien n'avoir avec ton idée absurde que je me trouve subitement une conscience.
En effet, j'avais tort ! Tout n'était encore qu'une question de pouvoir !
Silencieux, le regard ancré dans le mien, il s'approche à nouveau :
— ça, en revanche ! Ce n'est pas la réponse à laquelle tu t'attendais, n'est-ce pas ?
Sa question prouve que ma déception est totalement lisible sur mon visage.
Je reste muette. De toute façon, je ne saurais que dire.
Mon silence semble le peser. Même s'il s'obstine à essayer de me convaincre qu'il n'a pas changé, je sais que l'hybride qui se tient face à moi n'est déjà plus le même.
Peut-être suis-je seulement trop exigeante avec lui.
Las, il soupire. Je sais qu'en m'avouant la vérité, il craint d'avoir été trop loin. De me pousser à fuir parce qu'il se pense toujours incapable de me mériter.
— Aujourd'hui, il n'y avait pas de bonnes décisions à prendre, Caroline ! me dit-il comme s'il cherchait à se rattraper. Lui donner Katherine n'aurait pas été la solution à nos problèmes. J'aspire à une vie différente maintenant.
Concentrée sur ses lèvres, je n'en perds pas une miette. Il vient d'attiser mon intérêt.
— Je veux que chaque moment de notre existence soit semblable à la soirée que tu as organisée avec mes frères et sœurs. Car ça, c'était absolument parfait !
Un large sourire s'étend sur mon visage.
Moi aussi, c'est exactement ce que je souhaite !
Je veux revoir ce sourire sur son visage et ce sentiment de béatitude dans lequel il était avant que Silas vienne tout gâcher.
Klaus attrape alors mes mains et me rapproche de lui. À chaque fois qu'il me touche, mon corps réagit et tremble comme une feuille. Je crois bien que je ne pourrais jamais me lasser de cette sensation.
— Et ça, mon ange, poursuit-il son regard rivé dans le mien, cela n'aurait pas été possible si tous nos ennemis reviennent sur Terre pour se venger de nous ! Alors non, Caroline, je ne regrette pas ma décision de ne pas lui avoir livré cette bonne vieille Katherina ! Tout ce que j'aurais aimé, en revanche, c'est de ne pas attiser autant sa colère envers notre famille car désormais je sais qu'il fera tout pour nous détruire !
— Une chance qu'il n'a pas trouvé le pieu en chêne blanc. C'est précisément ce qu'il cherchait quand je l'ai vu !
À mon aveu, mon originel fronce les sourcils.
— Je crois que je suis la responsable ! nous coupe la voix de Magellan
Tous les deux, nous nous tournons en direction de la sorcière qui entre dans la pièce.
— Je ne voulais pas vous interrompre mais j'ai entendu votre conversation.
La jolie brune dévoile alors le pieu en chêne blanc.
— Quand Caroline m'a parlé des cauchemars qu'elle faisait, j'ai décidé de prendre le pieu avec moi.
Soulagé et reconnaissant, Klaus s'approche de son amie et l'enlace. Si elle ne l'avait pas fait, il serait en possession de Silas.
— Malheureusement, il va falloir trouver une solution pour que Silas ne l'obtienne pas et puisque nos esprits n'ont aucun secret pour lui, je ne vois pas comment procéder ! admet la sorcière en redonnant l'arme ultime à l'hybride.