Une ride songeuse barra son front. Énoncé à voix haute, le second choix ne lui paraissait pas si incongru... C'était peut-être, en fin de compte, la solution. Paumée comme elle l'était, elle n'avait rien à perdre.

La tête tout à coup pleine de questions sur les moyens de contacter un exorciste, Manon traversa le rez-de-chaussée et se rendit au premier étage avec l'espoir que la nuit lui porte conseil.

Demain, elle prendrait enfin ses soucis en main.



Ses yeux papillonnèrent, avant de s'ouvrir entièrement. Embrumée de fatigue, Manon se souleva de son matelas, puis écouta les bruits de la maison.

Ses sourcils se froncèrent.

D'ordinaire, elle avait le sommeil lourd... L'unique élément qui la tirait du lit, en dehors de son réveil, était les appels de sa fille. Or là, elle n'entendait rien qui s'en rapprochait ; c'était à peine si elle percevait les vibrations du lave-linge.

Perplexe, Manon se réinstalla sous ses couvertures. Il fallait croire que les derniers événements la rendaient plus sensible, sur le qui-vive. Voilà ce qui arrivait lorsqu'on occupait ses journées à cogiter et à s'inquiéter !

Elle inspira, s'obligea à abaisser les paupières. Une bonne nuit lui était nécessaire pour affronter le lendemain.

— Bonsoir, mauvaise mère.

Manon sursauta ; d'un mouvement, elle se retrouva en position assise, la douleur dans son bras ravivée.

Cette voix...

Il ne s'agissait pas de celle de Nasiha, mais d'une tonalité plus âgée, presque âpre. Sa gorge se serra sous l'effet de la peur. Les mots se révélaient si clairs, si précis – il était impossible qu'elle rêve !

Elle observa ce qui l'entourait, n'aperçut personne. D'un coup de dents vif, elle se mordit la langue pour essayer de maîtriser son émotion.

— M-Madame Violette ? demanda-t-elle.

Dès qu'elle s'entendit chevroter, Manon maudit son manque d'assurance. N'avait-elle pas décidé d'affronter la situation ?

L'heure d'admettre entièrement son problème au lieu de le fuir était survenue.

— Pourquoi éloignez-vous Nasiha de moi ? reprit-elle avec plus de hargne. Qu'êtes-vous ? Et pourquoi êtes-vous entrée chez nous ?

Un courant d'air glacé s'enroula aussitôt autour d'elle ; un froid terrible qui s'accompagna d'un sifflement strident, inhumain. Manon lutta pour ne pas partir de la pièce au pas de course.

— Tu es une mauvaise mère... Indigne de Nasiha.

— Je vous inter...

— Tais-toi, l'interrompit Madame Violette avec brutalité. Elle mérite mieux qu'une droguée aux humeurs et horaires changeants.

Les membres de Manon tremblèrent malgré elle.

— Ne vous approchez pas d'elle, menaça-t-elle, sinon...

— Sinon quoi ? rétorqua son invisible interlocutrice. Il est trop tard.

— Allez-vous-en ! Ou j'appellerai un...

La température alentour diminua derechef.

— Idiote ! Un exorciste ? Je n'abandonnerai pas Nasiha. C'est ma fille, désormais.

— C'est la mienne ! rugit Manon, dont le désespoir devenait tangible.

Elle sortit du lit, se leva dans une posture droite et combattante. Oh ! Elle n'était peut-être pas très brave ou préparée à ce qui se produisait, mais la vie lui avait enseigné une chose : elle était prête à tout pour Nasiha.

Madame VioletteWhere stories live. Discover now