Moi

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Quentin DUREAULT était un jeune homme âgé de vingt ans qui habitait à Lyon. Il commençait en septembre dans une fac de droit car il comptait bien devenir avocat. Il logeait depuis une semaine dans un petit appartement de location dans le quartier de la Croix-Rousse et comme tous les deux jours, il alla acheter du pain. Une boulangerie se trouvait à cinq minutes de son appartement, cinq minutes qu'il utilisait pour observer les habitants du quartier. Car Quentin n'était pas du coin. Comme ses parents, il était né à Grenoble mais avait dû les quitter pour ses études. Après maintes effusions, Roger et Martine DUREAULT avaient laissé leur fils unique les quitter pour la grande ville de Lyon.

Quentin atteignit la boulangerie "au bon pain" et poussa la porte qui fit tinter un carillon. Il salua la boulangère, demanda une baguette, la prit, paya et repartit. Il était à peine sorti qu'un adolescent le bouscula et repartit en courant sans s'excuser. Après une seconde d'incompréhension, Quentin se rendit compte qu'il lui avait volé sa baguette et se lança à sa poursuite. Le garçon était rapide mais Quentin étant assidu et appliqué lors de ses cours de demi-fond, il ne se laissa pas distancer. Le voleur tourna plusieurs fois et, se croyant en sécurité, il pénétra dans un bâtiment abandonné en escaladant la barrière qui l'entourait, suivi de Quentin une trentaine de secondes plus tard. Sur le fronton du bâtiment on pouvait lire : « collège de la Fontaine ». Quentin suivit le garçon jusqu'à un recoin à l'intérieur du collège où étaient entreposées des couvertures et des paquets de biscuits. Il en conclut qu'il s'agissait de la cachette du voleur qui se retourna soudainement et parut effrayé quand il le vit. Celui-ci engagea alors amicalement la discussion :

- Rends-moi mon pain !

Le garçon ne parut pas comprendre alors il insista : Rends-le-moi ! C'est le mien, tu me l'as volé !

Le garçon fondit alors en larmes et se recroquevilla contre le mur. Attendri, Quentin s'agenouilla près de lui et recommença, plus doucement cette fois :

- Comment t'appelles-tu ?

- Je appelle moi Moi, répondit Moi, puisque c'était apparemment son nom. Quentin fut déconcerté, il reprit :

- Et tu vis ici... Moi ?

- Moi vis ici mais Moi pas méchant, Moi juste faim.

- Et tu as une maman Moi ? à ce mot, Moi qui s'était calmé, se remit à pleurer.

Quentin prit le garçon dans ses bras pour le consoler puis se rendit compte du ridicule de la situation : un jeune de vingt ans prenant dans ses bras un adolescent d'environ quinze ans qui avait volé son pain et qui venait juste de se mettre à pleurer comme une madeleine. Ce qui ne le dérangea pas pour autant. Il était pris de pitié pour ce jeune garçon qu'il ne connaissait pas et qui avait probablement perdu sa mère. Il prolongea son étreinte quelques secondes puis partit en laissant le pain et en expliquant à Moi qu'il reviendrait bientôt. De ce fait après être passé chez lui pour récupérer un peu d'argent, il partit faire quelques courses puis retourna au collège désaffecté. Dans son sac, il avait mis ses achats qui comprenaient de quoi nourrir un enfant en pleine croissance sous-alimenté, des bouteilles d'eau et des couvertures. Il rejoignit ensuite Moi qui n'avait pas quitté son mur pendant la demi-heure que lui avaient pris ses achats. Lorsqu'il lui présenta la nourriture, il sembla un peu hésitant puis entreprit d'avaler le plus possible en un minimum de temps, comme si on allait la lui enlever. Quentin dût d'ailleurs le faire, de peur que l'adolescent ne fasse une indigestion. En effet ceci aurait provoqué un passage chez le médecin qui se serait posé des questions et le garçon aurait fini dans un orphelinat. Chose dont Quentin ne voulait absolument pas. C'était peut-être égoïste mais il voyait un peu Moi comme le petit frère qu'il n'avait jamais eu, et souhaitait le garder un maximum auprès de lui. D'ailleurs, après l'avoir quitté comme le soir tombait, il se promit de revenir le voir tous les jours tant que ce serait possible.

MoiWhere stories live. Discover now