XXIX

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Le trajet du retour fut certainement une des épreuves les plus difficiles de la vie de Charlie. Le ciel était couvert de nuage gris, plongeant le paysage dans une tristesse morbide. Une fine bruine couvrait les voyageurs d'infimes gouttelettes fraiches, qui venaient pernicieusement les transir de froid lorsque une bourrasque passagère soufflait sur le terrain plats qui jouxtait les terres de l'abbaye. Ils avaient beau être au cœur de l'été, il leur semblait à présent flirter avec les prémices de l'hiver. 

Nul ne parlait, laissant toute sa place au silence pesant qui les accompagnait depuis leur départ. Comme si chacun se remémorait les souvenirs douloureux de leur triste bataille, les visages, en plus d'être sales et fatigués, étaient porteurs d'une affliction infinie. Leur mines faisaient peine à voir, mais aucun d'entre eux n'avaient le courage de détendre l'atmosphère en s'exprimant. Aucun n'avait l'envie de briser ce silence de plomb, qui pourtant les maintenait dans une dépression terrible. Guillaume était le seul à ne pas se laisser aller à cet affreux sentiment. Son expression était figé, et il menait la caravane avec une grande conviction, certain que dans quelques instants il serait dans les bras de son aimée. Plusieurs chevaux avaient péri dans l'incendie de la forteresse de Cupio, et il ne leur en restait plus beaucoup. Athanase était incapable de marcher mais avait repris connaissance, installé sur un cheval au poil dru, aux côtés de Saroya veillant inlassablement à ce que l'hémorragie ne reprenne pas. Charlie et Tristan se partageait également une monture serrés l'un contre l'autre en partageant silencieusement leur peine, tandis qu'Hubert fermait la marche sur le dos du cheval noir de leur ancien membre, le visage exprimant toute la gravité de la situation dans laquelle ils se trouvaient. 

La trahison de Grégoire les laissait tous pour le moins affligés. Le déception, la colère et la peur avaient traversé tous les esprits, et ne laissaient aucun répit à chacun des membres de leur confrérie.  Personne ne s'y était préparé. Pas même Athanase qui avait pourtant été prévenu de la possibilité d'un tel carnage, par son ancien maître et qui se blâmait de ne pas avoir mesurer l'ampleur de la soif de vengeance qui habitait le jeune homme. Leur désarroi était palpable et leur état déplorable n'était que le pur reflet de leur état d'esprit, si bien que les quelques voyageurs qu'ils croisèrent en chemin prenaient peur à leur apparition. Grâce à l'assiduité de Guillaume pour regagner Montombe, personne ne se posait la question d'où aller. Ils suivaient sans broncher le jeune homme brun, dont la volonté ne semblait jamais se tarir. Combien de temps allaient-ils tenir ? Chaque pas les rapprochait un peu plus de l'envidence et de la tragédie qui les guettait telle un prédateur pour sa proie.

Quand se dessinèrent les pourtour de la ruine qu'était devenue Montombe, la petite troupe sentit le soulagement venir apaiser quelque peu la douleur de leur cœur, comme pour les raccrocher à un semblant de stabilité. Mais cela ne suffisait pas pour  effacer leur peine et leur angoisse de voir Guillaume sombrer. Athanase ayant vaguement expliqué avec grande peine, la récente attaque et destruction de l'abbaye, aucun des membres ne se sentit réellement choqué de voir l'état déplorable de l'ancien splendide bâtiment religieux, mais sentit tout de même de la peine pour ces siècles d'histoire à présent en débris sur le sol. Les moines survivants accueillir la petite troupe sans poser de question et les menèrent à l'abri dans les écuries qui avaient été miraculeusement épargnées. Faisant toujours autant preuve de discrétion, aucun des religieux ne posa de question quand à leur piteux état, s'afférant plutôt à soigner leur blessure avec le matériel qu'ils avaient pu dégager des décombres. Guillaume, dont les blessures étaient pansées par un jeune moine ayant tout juste prononcé ses vœux quelques jours plus tôt, tenta de questionner celui-ci afin de connaître la localisation de sa fiancée mais n'obtint pour toute réponse qu'un profond mutisme. Agacé, le jeune châtelain se retint néanmoins de le secouer comme un prunier, conscient qu'il avait certainement d'autres préoccupations en tête après la destruction de son lieu de vie. Une fois sur pied, mais ne prenant pas pour autant le temps de soigner sa gorge et ses yeux, il partit en quête de sa fiancée.

Le Temps Des Sortilèges- Tome 3 - Un Don Pour L'éternitéWhere stories live. Discover now