Chapitre 1: En souvenir d'une amie dévouée

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                                                                                                                                                             Frohsdorf, Autriche

                                                                                                                                                            le 21 décembre 1849

Ma bonne Marie-Louise,

Je suis si lasse ! Et je sais que vous me comprenez car nous sommes toutes deux de vieilles dames désormais. Tenez, je n'ai même plus la force de vous écrire cette lettre par mes propres moyens, mes pauvres yeux débiles ne me le permettent plus. Alors que vient-on encore m'importuner avec cette maudite période de ma vie qui, partout où j'ai pu aller, ne m'a jamais lâchée ?! La révolution, j'en ai connues tant... mais c'est toujours le récit de celle de la petite orpheline du Temple que l'on me demande ! Grand dieu combien d'individus ai-je envoyés sur les roses ? Et si ce jeune impétueux n'avait pas été votre arrière-petit-fils, il aurait été logé à la même enseigne ! Oui vous m'avez bien lue, ma chère Duchesse, votre petit Jules est arrivé en Autriche ! Ce jeune aventureux est venu jusqu'en ces lieux pour me demander une audience. Il veut que je lui parle de vous lorsque vous viviez au château, et de ma pauvre mère. Que dire ? Il semble y avoir tant à dire... L'on a d'ailleurs beaucoup glosé sur notre infortunée reine, que pourrais-je en dire de plus ? Suis-je amène à ajouter davantage d'histoires à son égard ?

 Votre arrière-petit-fils m'a confié être historiographe m'a-t-il dit, oh excusez-moi "historien" pour reprendre ce mot à la mode de ce jour d'hui. Il étudie cette sombre période de nos vies... Et semble pris d'une passion que je ne peux comprendre pour cette folie de l'Histoire...

Enfin, toujours est-il que j'ai décidé de le recevoir. Je n'ai en aucun cas regretté cela, votre arrière-petit-fils est des plus charmants ! Il y a chez lui quelque chose de vous ma douce Marie-Louise, et ce n'est pas seulement les deux saphir brillant au creux de son visage qui me fait dire cela. Il a cette détermination et cette volonté qui vous appartiennent assurément. Il est l'un des premiers avec lequel je m'entretiens de façon aussi plaisante sur mes vieux souvenirs poussiéreux.

Tout cela m'a rendue nostalgique, je ne vous le cache pas ma bonne amie, et je me suis enfermée dans mon boudoir pour songer au passé à loisir. Je me suis entourée de quelques objets chers à mon cœur, le portrait que Jules m'a offert de vous lors de votre jeunesse à Trianon en fait désormais partie, et j'y ai redécouvert quelque chose que je joins à cette lettre. Je pense que vous allez avoir assez facilement remembrance de ces paperolles, pour la bonne raison qu'ils avaient failli vous coûter la vie en l'an terrible 1793. Vous, ma chère Duchesse du Brieux, aviez bravé tous les dangers pour les apporter à mère afin qu'elle pût écrire en secret. C'est étonnant, quand on y pense, elle qui n'aimait pas écrire a finalement trouvé salut et survivance dans ses lettres. J'ai longtemps ignoré que ma génitrice avait fait preuve d'autant de talent énergique au cœur de la tragédie, dont elle était la reine.

Et si je vous remets le seul de ces paperolles qui a survécu à la douleur et aux myriades temporelles, c'est parce que notre reine Marie-Antoinette aurait voulu qu'il vous revienne de droit. Vous en êtes la plus digne. L'on a pu dire bien des choses de ma mère, mais lorsqu'elle avait des amis elle leur était dévouée corps et âme, c'est sans doute ce qu'il l'a perdue... Vous faisiez partie de ses intimes ma chère, elle vous avait en grande estime. Alors en son nom, je tiens à remercier votre dévouement envers sa personne, mais aussi envers nous: la famille royale. Jamais je n'oublierai celle que vous avez été, depuis ce jour où vous m'avez sauvée de la noyade jusqu'à ces vieux jours que nous vivons. Vous avez été, et êtes toujours, une belle âme.

Puissiez apprécier les derniers mots d'une femme et mère éplorée que nous n'oublierons jamais.

                                                                                                                                                   Avec toute ma gratitude,

                                                                                                                              Marie-Thérèse Charlotte de France,

                                                                                                                            ou pour vous votre petite Charlotte. 


Lettre de Marie-Thérèse de France, fille de la reine Marie-Antoinette à la Duchesse de Beaurepaire Marie-Louise de Brieux. Cette dernière ayant été au service de celle qui n'était alors que Madame Royale, c'est ainsi que l'on nommait la petite Charlotte dans son enfance, avant que la Révolution n'éclata. (note du Duc de Beaurepaire Jules de Brieux en l'an 1889). 

Les Adieux inestimés de Sa MajestéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant