Prologue

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    La forêt du Clan du Tonnerre bruissait de milliers de bruits, tous différents les uns des autres. Que ce soient les écureuils qui grattaient leurs nids avant de s'endormir, ou bien le ruisseau, à la frontière du Clan du Vent, dont s'échappait un clapotis relaxant... c'étaient des bruits qui se répétaient chaque nuit, quotidiennement, prouvant que la vie continuait malgré tout ce qu'il pouvait arriver. Les morts, les batailles... tout ça, finalement, n'avait aucun impact sur la forêt. Les arbres, la terre, l'herbe, perduraient. Seuls les yeux qui les observaient, sûrement à la recherche d'une proie ou d'une fleur aromatique, changeaient. Et leurs couleurs n'étaient jamais les mêmes. Chaque bleu, chaque vert, chaque jaune avait ses nuances, et ses étincelles. Chaque regard était unique.

    Cependant, parmi ces bruits forestiers, l'un d'eux n'était pas habituel. Des craquements de brindilles et de feuilles mortes, des pattes frappant le sol, une respiration saccadée... 

    Un chat courait dans la forêt. Sautant par dessus les troncs d'arbres avachis, esquivant les buissons de ronces, slalomant entre les aulnes... Sur son passage, les quelques chouettes présentes sur les branches des chênes et des bouleaux s'envolaient jusqu'à la cime de leurs arbres respectifs, se mêlant dans une trainée argentée. Mais le félin ne s'arrêtait pas pour autant, comme si la fatigue le pourchassait sans jamais réussir à l'attraper, comme si il courait pour distancer la mort. Malgré ses dérapages fréquents sur les feuilles mortes, il continuait à avancer à un rythme régulier.

    De longues minutes passèrent, et le chat finit par enfin ralentir. Essoufflé après sa course, il marchait pourtant d'un pas pressé, respirant toujours aussi bruyamment. Des feuilles rousses et brunes se soulevaient doucement au rythme de ses pas, avant de retomber délicatement sur le sol et de se mêler à la couche de végétaux. La gueule entrouverte, il jetait parfois un coup d'œil autour de lui avant de continuer son chemin, les sens aux aguets. Il descendait prudemment vers le lac tandis que, peu à peu, les arbres laissaient place à des galets et à une fine couche de sable. Bientôt, il se retrouva devant l'immense étendue d'eau noire. Ses pattes se retrouvaient plongées dans les grains minuscules, tandis que les empreintes de ses pas s'étaient imprimées contre le sol. Elles laissaient deviner des griffes acérées, au vu des petits points devant chaque  trace de pas.

    Le matou tendit le cou vers le ciel nocturne. Ses yeux, d'une couleur semblable à ce dernier, brillaient d'une lueur incertaine. Son iris de jais prenait une couleur pâle à chaque reflet de lune que les yeux du félin croisaient. Au vu de son expression anxieuse, on aurait pu croire qu'il ne savait pas lui-même où il se trouvait. 

    Il finit par baisser le museau vers l'eau, les moustaches frétillantes, et lapa quelques gouttes gelées. Puis, brusquement, il se retourna vers la gauche, envoyant quelques gouttes autour de lui. Tout près de lui se trouvait un ruisseau, le séparant de la lande. Le territoire du Clan du Vent... Son pelage se hérissa lorsqu'il se remit en route dans cette direction. Sa queue touffue battait l'air.

    Pourtant, le vent qui lui fouettait le pelage maintenant qu'il n'était plus protégé par les arbres n'était pas la cause de ses frissons.

    Le félin marchait vite vers la rivière, ses pattes s'enfonçant de moins en moins dans le sol sablonneux à mesure qu'il retrouvait la douceur de l'herbe fraîche. Le clair de lune s'arrêtait parfois sur son pelage, comme pour montrer à tous qu'il fallait lui prêter attention, qu'il s'apprêtait a enfreindre le Code du Guerrier en pénétrant sur un territoire qui n'était pas le sien.

    C'est alors qu'il se stoppa brusquement. 

    Devant lui, le cours d'eau argenté qui constituait la frontière entre son clan et celui du Vent lui bloquait le passage. Il s'étendait comme une immense rayure brillante sur le pelage d'un chat. À quelques queues de renard seulement s'étendait la lande, aussi scintillante que la rivière qui s'agitait sous ses yeux. Il lui aurait suffit de savoir sauter un tout petit peu plus loin, et ça aurait été parfait, il aurait franchi la frontière sans problèmes, sans se mouiller... mais malheureusement, il en était incapable.

La Guerre des Clans : Saison Maudite {Tome un} - Le Messager du VentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant