Emmanuel croisa les bras et soupira longuement.
- Il ne manquait plus que ça... Merci beaucoup, docteur Lambert.
Tout en remettant sa veste, il lui serra la main et repartit rapidement du cabinet médical.
- Sandrine ? appela-t-il.
Sa secrétaire accourut immédiatement à ses côtés.
- Reportez tout ce qu'on avait originellement prévu pour la journée. Trouvez un prétexte, dites-leur que j'ai une... une angine, voilà, parfait. Continuez d'appeler régulièrement le docteur Lambert pour qu'il me prévienne au plus vite s'il a une nouvelle piste. Je vais rentrer à l'Élysée pour préparer en avance mes prochains discours. Et virez-moi ces foutus bouffeurs de salade qui fouinent autour de la voiture ! Je n'ai aucune envie qu'ils fourrent leur nez dans mes affaires !
- Tout de suite, monsieur le Président.
. . .
- "Chers Français et Françaises..." Non. "Mes très chers amis, je vous retrouve ce soir pour..." Toujours pas. Trop personnel... "Mes chers compatriotes, je veux ce soir vous parler des jours qui viennent, de notre organisation face à..." Non, non, NON !
Furieux, Emmanuel réduisit le papier en boule et le balança vers la poubelle à côté de son bureau. Ça n'allait plus. Il avait beau se dire que c'était temporaire, que tout se résoudrait rapidement, il n'en pouvait plus de voir ses mains vertes, ses doigts verts, ses bras verts, ses chevilles vertes, de devoir le cacher à tout le monde, aux passants, à son chauffeur, même à sa propre famille. Ah, si seulement ça pouvait s'arrêter ! Si seulement sa vie pouvait reprendre un cours normal...
Il aperçut la petite montagne de boulettes de papier à côté de sa corbeille. Pour se changer les idées, il se leva et les plaça une par une au fond de la poubelle. En traînant les pieds, il se dirigea vers la salle de bains dissimulée derrière un pan du mur pour se passer de l'eau sur son visage. Malgré tous ses efforts pour ne pas croiser le regard de son reflet, il se vit accidentellement et se stoppa net. Ses oreilles... Elles n'étaient plus vertes !
Emmanuel jubila un instant en fouettant l'air de son poing victorieux avant de reprendre ses esprits et d'essayer de comprendre d'où provenait cette guérison partielle. Les sourcils froncés, il se repassa mentalement les événements des deux dernières heures.
Serait-ce quelque chose qu'il aurait ingéré ? Un produit qu'il se serait appliqué sur le visage ? Un certain textile en contact avec son corps ? Il avait beau se creuser la tête, il n'arrivait pas à trouver le moment exact où tout aurait pu se jouer.
Désespéré, il revint dans son bureau et se posa dans son fauteuil. Il réfléchit un instant puis empoigna le combiné du téléphone qui trônait sur une pile de documents :
- Sandrine, peux-tu me passer le responsable de la sécurité de l'Élysée ? Oui. Oui, c'est ça, rapidement, s'il te plaît. Non, ça ne me dérange pas d'attendre. Voilà. Bonjour, monsieur, je vous appelle pour savoir s'il vous serait possible de me transmettre une copie des deux dernières heures de la bande vidéo enregistrée par la caméra de vidéosurveillance de mon bureau. Exactement. Je sais qu'elle n'est examinée qu'en cas d'incident diplomatique ou administratif mais il m'arrive un problème et j'ai besoin de vérifier quelque chose. Par e-mail, si c'est possible ? Parfait. Sans faute. Merci beaucoup et au revoir.
Sans perdre de temps, il raccrocha et ralluma son ordi en veille. Il bascula sur sa boîte mail et tapota le bout de la table avec ses ongles, impatient. Incapable d'attendre sans rien faire, il en profita pour faire le ménage dans sa messagerie. Moins de messages parasites, c'est tout ce qu'il demandait.
Enfin, la notification tant espérée sonna sur l'interface de l'ordinateur. Emmanuel sauta sur le message et ouvrit le fichier MP4. En noir et blanc ! Merde ! Il avait oublié de s'assurer auprès du responsable de la couleur de la vidéo. Aucun moyen de trouver le moment précis où sa peau se serait décolorée au niveau des oreilles. Il appuya furieusement sur le bouton "Supprimer" de son clavier et s'arrêta net. Ses ongles à présent étaient redevenus normaux !
Attends un instant... Il venait de vider sa messagerie, et donc, par la même occasion, de libérer un peu d'espace de stockage dans un des nombreux datacenters énergivores dispersés dans le monde entier. Et une dizaine de minutes plus tôt, il avait jeté ses papiers dans la poubelle au lieu de les laisser en plan à côté du bureau.
Une goutte de sueur perla sur son front, en réaction à l'inquiétante idée qui venait de lui traverser l'esprit. Il décrocha le téléphone :
- Sandrine ? Juste une petite question de simple curiosité : réalise-t-on le tri sélectif dans tout l'Élysée ? Non, pas seulement dans les bureaux, mais également dans les bâtiments annexes et les souterrains dans lesquels sont stockées les archives. Non ? Faites-moi plaisir, Sandrine, demandez au responsable des agents d'entretien et techniciens de surface d'instaurer un système de tri sélectif dans tout le siège de l'Élysée. Oui, tout de suite. Merci bien.
Il raccrocha et se précipita devant un miroir. Il s'examina attentivement. Ses coudes avaient retrouvé une couleur normale.
- Dites-moi que je rêve ! lâcha Emmanuel, sans en croire ses yeux.
Le seul espoir pour Emmanuel Matron de retrouver une peau complètement normale était de réaliser des actions en faveur de l'environnement.
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Vert pomme
HumorUn matin comme les autres, le président de la République française Emmanuel Matron se réveille tranquillement et fait sa toilette. Mais au moment précis où il pose son regard sur le miroir, horreur ! L'entièreté de sa peau s'est teinte brutalement e...
Un re-vert inattendu
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