Chapitre 1

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La porte de la salle de pilotage s'ouvrit en grinçant et Cap'tain Falzen entra. Ses épaules, bien qu'imposantes, passaient largement l'encadrement mais il avait pris l'habitude (inconsciente) de pivoter. Après quelques jours de vol, sa claustrophobie venait immanquablement le hanter. Pénible. Les récentes turbulences - que son pilote avait omis d'annoncer - l'avaient tiré du sommeil, ou plus précisément, elles l'avaient fait décoller de sa couchette et s'écraser à deux reprises au plafond. Il portait sa veste de Cap'tain des Constellations grande ouverte, faite dans un lourd et épais tissu bleu espace. Sur la poitrine, certaines pierres figurant des planètes fédérées avaient été arrachées.
- "Salut, Cap'tain", dit calmement Freyggen entre deux explosions supersoniques, pieds et mains crispées sur les commandes. Ses joues tremblaient rapidement sous les inquiétantes vibrations que subissait son fauteuil. Falzen s'apprêtait à répondre quand une nouvelle secousse le propulsa sur le côté, vers les panneaux d'analyse d'atmosphère. Le choc violent déclencha un protocole qui renvoya un message d'erreur : "Analyse impossible. Stabilisez votre orbite". Freyggen, gêné, toussa discrètement.
- "Bonjour, Freyggen. Qu'est-ce qu'il se passe ?" s'enquit le Cap'tain, comme on s'intéresse au menu de la cantine. Il se passa la main dans les cheveux pour atténuer la douleur du choc et la retira ensanglantée. Soupire. Le pilote tourna la tête et ouvrit la bouche pour répondre mais se ravisa brusquement en serrant les contrôles de plus belle.
- "Emma a encore merdé, voila ce qu'il se passe" expliqua-t-il les sourcils levés en signe d'évidence, comme s'il citait une loi de la physique.
- "Mmm hmmm mais encore ?" grogna Falzen en hochant la tête de gauche à droite. Il goûta distraitement le sang sur le bout de ses doigts, et réalisa ce qu'il venait de faire quand son estomac lui sauta à la gorge. Il grimaça, puis vérifia que Freyggen n'avait rien remarqué.
- "Oui, oui, encore, Cap'tain. Mais cette fois c'est carrément le couple de fusées avant qui est HS. Tu sais, celles qui servent à décélérer. Bref, plus de freins. Tu piges, Cap'tain ?"
A la faveur d'une accalmie, le Cap'tain profita d'une seconde de lucidité et considéra les propos de son pilote.
- "Plus de freins je comprends, oui. Mais c'est vraiment aussi grave que ça ?" Falzen cherchait du regard un endroit où essuyer sa main. "Je veux dire que tu dramatises peut-être un peu, Freyggen. Il existe quand-même plus d'une façon de freiner."
Cette fois-ci, la secousse faillit expulser Falzen de la pièce.
- "Pas si on veut entrer dans une atmosphère de type 1, non."
- "Tu pourrais pas, je sais pas moi... faire pivoter le vaisseau et compenser avec les moteurs conventionnels ? Rentrer en marche arrière, en quelques sortes. Ou faire un créneau..." ajouta-t-il tout bas.
-"Ecoute Cap'tain, le pilote c'est moi, n'derstand ? Le coup de la marche arrière ça va pour une navette qui rentre en catastrophe au spatioport. Là, tu me suggères de pénétrer une atmosphère explosive avec les réacteurs à la place du cockpit : bravo Cap'tain ! Donc, pas de champ de force, et pas de bouclier thermique. 11 000 degrés c'est chaud, Cap'tain. Et je te parle pas de la visibilité..."
- "Ça va, c'est bon, Freyggen. Je vais parler à Emma" annonça-t-il en boutonnant sa veste. Freyggen éclata de rire et lança au moment où Falzen sortait de la salle de pilotage : "Apporte-lui un manuel de bricolage, Cap'tain !"

Falzen se dirigeait vers la salle des machines en considérant sa main droite couverte de poussière grasse et de sang coagulé. La couleur lui rappelait l'uniforme de Commandant Suprême de la Flotte d'Invasion, et l'odeur, celle de leur vaisseau.
- "Kill'd him, huh ?" demanda Jayne adossé au détour d'un couloir, désignant le pilote du menton. "C'est pour ça qu'on flotte pas droit, huh ?". Falzen s'accorda un moment pour considérer la logique parfaitement inquiétante de son soldat. "Besoin d'aide avec le corps ?" continua lentement Jayne, les yeux rivés sur la pointe de ses bottes et faisant pivoter la machette fixée à sa ceinture.
- "Bonjour, Jayne, non merci. Son corps est bien là où il est."
- "..."
Falzen regarda Jayne jouer avec un énorme couteau qu'il n'avait même pas vu dégainer. Il le lança avec force sur ce qui ressemblait à une balle antistress, et la cloua au vieux parquet patiné qui recouvrait les coursives du vaisseau, caprice du Cap'tain lors de son acquisition. Jayne regardait toujours ses bottes. Il reprit la parole alors que Falzen avait cru sentir le bon moment pour partir.
- "Alors c'est ton sang, Cap'tain, huh ?"
- "Oui... une histoire de turbulence et de module d'analyse". Jayne dégaina son sourie mono-latéral - celui qui dévoilait une canine tout en aiguisant la cicatrice qui lui servait de sourcil - et fit mine d'ajuster le mousqueton en acier qui liait sa ceinture en cuir de baleine à la poignée de la porte blindée dans son dos.
- "Tu devrais aller voir la médic, Cap'tain. Si tu perds trop de sang, tu tires plus juste."
- "Jayne, sur quoi veux-tu que je tire dans mon propre vaisseau, en pleine phase d'atterrissage ?" fit remarquer Falzen, un peu gêné à l'utilisation du mot atterrissage. Jayne tendit la main devant lui ; le couteau trembla faiblement en sifflant à la façon d'une grenade sonique et l'instant d'après, se trouvait dans la main de Jayne. Sûrement un champ magnétique directionnel, pensa Falzen. Pratique, en gadget. Il releva les yeux et croisa le regard de Jayne, fixe, droit dans le sien.
- "Tu devrais aller voir la médic." Il baissa les yeux et fixa à nouveau ses bottes. "Si tu perds trop de sang, tu tires plus juste."
Falzen se redressa, tourna le dos à Jayne et reparti vers la salle des machines. "La médic attendra, Jayne."

La salle des machines avait bien changé depuis le dernier passage de son Cap'tain, quelques jours auparavant. Tout d'abord, il en aurait mis sa main à couper, la pièce avait rétréci. Les panneaux ''danger'' avaient tous changé de place... jusqu'au moteur lui-même - un agglomérat de tuyaux, d'ampoules de gaz et autres alliages liquides de toutes sortes montés sur roulis en rotation rapide et constante -, qui semblait avoir pivoté de 45 degrés.
- "Bonjour Emma..." lança Falzen, presque à l'attention du moteur. Une petite voix sous ses pieds lui répondit tout sourire, comme une fillette invitant ses copines à son anniversaire.
- "Cap'tain ! Vous tombez bien, surtout ne touchez à rien. C'est capital ! Hahaha !". Emma étouffa le reste de son fou-rire dans sa main tout en marmonnant quelque chose comme "c'est capital, Cap'tain !". Quelques sursauts plus tard, une écoutille céda sous la pression laissant s'échapper un geyser de fumée bleue qui disparue rapidement. Apparue alors Emma. Elle avait de la poudre d'or dans la main et autour de son grand sourire aux dents blanches et aux lèvres rose pale.
- "Ça a pété Cap'tain. Le catalyseur. C'est lui. C'est le catalyseur qui a pété. Là, regardez Cap'tain" et elle lui colla ce qui devait être le catalyseur pété dans les bras avant de disparaître entre deux conduits étiquetés 'radioactif', dont Falzen aurait juré qu'ils étaient soudés lors de sa dernière visite.
- "D'accord Emma, le... le catalyseur. C'est... c'est très bien. Et ça se"
- "Non non non non nooon pardon Cap'tain. Non. Un catalyseur ça ne se répare pas. Un peu comme ces pièces dans les machins qui ne se réparent pas, vous voyez ? Comme un... comme un..." Elle cherchait ses mots comme on cherche désespérément un stylo quand une idée de génie commence à s'échapper.
- "Compris, Emma. Mais on ne peut pas voler sans... catalyseur ?"

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⏰ Last updated: Mar 29, 2021 ⏰

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Captain FalzenWhere stories live. Discover now