Chapitre n°1: 2018

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Cette deuxième année de fac était bien moins éprouvante que ce à quoi Chloé s'était imaginée. Ayant quitté son domicile familial du centre de la France pour aller faire ses études dans le sud du pays depuis plus d'un an maintenant, elle s'était habituée à cette vie : les cours, les sorties avec le peu d'amies qu'elle s'était faite, les révisions, les partiels. Tout cela, elle connaissait désormais. Aussi lorsque l'idée de retourner voir son père lui traversa l'esprit lors d'un week-end, elle s'était empressée de commander ses billets Toulouse-Limoges pour les vacances à venir, celles du mois d'Octobre. Elle n'avait aucun souci à se faire : son niveau était amplement suffisant pour qu'elle puisse s'accorder des vacances, et puis son père lui manquait.

Voilà maintenant plus d'un an qu'elle ne l'avait vu, et bientôt deux ans que sa mère les avait quittés. Sa plus grande peur avec ce voyage était d'être submergée d'émotions en revoyant sa maison d'enfance et de ne pas savoir contenir ses larmes. Sa mère lui manquait beaucoup trop. Elle n'était pas revenue dans cette demeure, que ses parents avaient commencer à habiter quelques mois avant sa naissance, depuis son départ pour le sud. Cet endroit avait vu son enfance, son adolescence, avait vu fleurir les inventions du scientifique père de famille, puis la mort de sa femme...

Mais contrairement à ce qu'elle s'était imaginée, revoir sa maison ne lui fit rien d'autre qu'un bien fou. Surtout lorsqu'elle aperçut les cheveux de son père, ce qui la fit éclater de rire. Le trajet en train l'avait éreintée, mais le fait de revoir son vieux père lui rendit toute son énergie. L'âge avançant de son père avait toujours été un sujet de rigolade entre les deux, le paternel se plaignant souvent de douleurs articulaires, mais la majeure partie du temps, c'était pour faire rire sa fille. Et cette dernière s'était bien prise au jeu, aussi le fait de voir que tous les cheveux de son père étaient devenus blancs lui arrachèrent un rictus.

-Tu es sûr que ça ne fait qu'un an qu'on ne s'est pas vu ? furent les premiers mots qui fusèrent de la bouche de Chloé lorsqu'elle passa le portail de l'imposante demeure et que son père vint à elle.

- Rigole donc, lui fit son père en souriant, mais un jour, c'est tes cheveux qui seront comme ça.

Ils éclatèrent tout deux d'un rire franc avant de se donner l'accolade. C'était bon d'être de nouveau à la maison.


Les sujets de discussions allaient et venaient entre père et fille, allant des dernières inventions et projets en cours de l'inventeur aux dernières notes de la jeune femme. Mais cette dernière avait une question qui la triturait plus que tout, et lors d'un léger flottement de la conversation, elle la posa enfin : 

- Que va-t-on faire pour l'anniversaire de mort de maman ?

Son père tourna vers elle des yeux pleins de douleur. Toute la légèreté de leurs retrouvailles avait disparue en une question, pourtant relativement simple. Dès qu'elle vit ces yeux, ce regard, Chloé regretta amèrement sa question.

Un long silence s'abattit alors sur le salon, et ce n'est qu'après de longues secondes de tension que l'inventeur brisa le silence.

- Je sais que le voyage a été long pour toi, je t'ai préparé ta chambre, je dois retourner travailler.

Là-dessus, il se leva et se glissa par la baie vitrée en direction du jardin, sans rien ajouter. Pendant un instant, Chloé fut tentée de se lever à son tour et de le retenir, de s'excuser de son comportement qui rouvrait d'ancienne plaies, mais elle se ravisa. Après tout que connaissait-elle à l'amour à par de petites histoires par-ci par-là ? Cet homme avait passé près de quarante cinq années en compagnie de la même personne, depuis leur adolescence, peut-être ne connaîtrait-elle jamais ce sentiment d'appartenir à quelqu'un et, priait-elle pour que ça n'arrive jamais, de perdre l'être aimé.

L'Avenir au PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant