Vif Argent | Yro

3 - L'ancien moi n'existe plus

"Terminus, je descends tout le monde, l'ancien moi n'existe plus, j'annonce la paix comme la colombe, bloqué dans un film qui tourne en rond, hiver sans neige, sommeil sans rêve, je suis pas ton psy, pas de bon conseil, cigarette sur cigarette" - Rémi, Enfants Terribles.

Point de vue de Jason, un samedi midi

Toute l'équipe est à l'appartement que je partage d'ordinaire avec Axel, Théo et Sacha. Les deux Lucas, Jérémie et Yro vivent ensemble à quelques rues d'ici, et ils ont une chambre libre en ce moment suite au départ du cousin de Jérémie.

Le petit Chaps n'est pas encore arrivé, il devrait bientôt débarquer normalement. Je regarde l'heure sur mon téléphone : 12h04. Sofia devrait nous rejoindre d'ici une demie heure. Sacha fume une cigarette sur le balcon, je le rejoins en m'en roulant une. Théo et Lucas discutent sur le canapé, Jérémie est au téléphone avec une fille, pour changer. Axel prépare à manger en tant que daron du groupe, et Yro est un peu à part, sur son portable, l'air renfermé.

Je suis tellement heureux d'avoir retrouvé Sofia. Physiquement, elle a pas mal changé, elle est devenue très belle. On ne s'est pas vus longtemps alors je n'y ai pas vraiment fait attention, mais j'espère qu'elle a gardé son sale caractère attachant. Je m'entendais super bien avec elle et son frère quand on était minots, j'étais bien dégoûté quand Sofia et ses parents ont déménagé, je n'ai plus revu Gianni non plus après ça. On passait des après-midi incroyables tous les trois à l'époque, à jouer aux jeux vidéos ou se balader dans Rennes. On passait des heures à discuter ensemble dans ma chambre, j'adorais leur joie de vivre et les écouter parler italien, ça avait quelque chose de convivial et chaleureux.

Je ne parlais pas vraiment à leurs parents, ils n'avaient pas l'air très ouverts, à la différence de mes deux amis. Je les ai connus quand j'avais dix ans, on ne se voyait que chez moi avant. Et puis, quand j'ai eu seize ans, Sofia quatorze et Gianni dix-huit, on a commencé à se retrouver chez eux aussi. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ils esquivaient toujours le sujet quand je proposais qu'on passe l'après-midi chez eux, et pourquoi ça avait changé cette année là, mais je n'ai jamais creusé la question, j'imagine que leurs parents n'aimaient pas trop la visite.

Gianni dégage quelque chose d'impressionnant, il est charismatique, on dirait qu'il sait tout faire à la perfection mais ça n'a rien d'énervant, au contraire, je l'admire beaucoup. Sofia, elle, fait ressentir une atmosphère beaucoup plus sauvage, un peu bordélique, mais chaleureuse quand même. Elle a un sacré caractère, elle réagit toujours de manière enthousiaste, à l'italienne, et elle a du répondant. C'est pour ça que je l'ai surnommée "la terreur" quand on était enfants. Elle passait ses journées à nous dessiner ou nous prendre en photo, son frère et moi, elle avait toujours eu cette fibre artistique assez particulière et rêveuse. Je crois que j'avais bien géré mon coup en la présentant à Chaps. Ces deux là se sont tout de suite retrouvés dans ce côté assez étrange et surréaliste. Je crois qu'ils se sont aimés, réellement, et que leur relation leur a en partie permise de devenir ce qu'ils sont aujourd'hui.

Hier soir en rentrant, j'ai directement appelé Chaps pour lui apprendre la nouvelle. Chaps a toujours été un peu bizarre et en décalage, il a eu une drôle de réaction mais j'ai pu y lire qu'il était heureux et chamboulé à l'idée de revoir Sofia. Les connaissant quand même bien, je suis sûr que ces deux là angoissent pour rien de se retrouver, tout allait bien se passer parce qu'aucun des deux n'est rancunier et puis tout roulait correctement avant que Sofia déménage.

Sacha et moi retournons dans l'appartement avec les autres après une discussion autour d'une cigarette, Jérémie n'est plus au téléphone, et les questions commencent. J'avais annoncé que Sofia allait passer, et je leur avais seulement dit que c'était une amie d'enfance que je n'avais pas revue depuis longtemps.