Somewhere - 25 novembre 2012

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Certaines choses me restent. Ton odeur musquée, que je suis incapable de retrouver mais que je reconnais très vite, ton vernis bordeaux et le dessin que forment tes veines sur ta main. Aussi cruel que cela puisse paraitre, je ne crois pas que tu me manques vraiment ; non, j'ai fait mon deuil de toi le jour où j'ai compris que plus jamais tu ne serais la-même, que plus jamais je ne pourrais me sentir en sécurité totale auprès de toi. Ce n'est pas que tu m'aurais fait du mal physiquement, non ça je n'en ai pas le souvenir : je sais bien que tu m'as toujours aimé. Mais avec le temps, c'est devenu trop dur de te comprendre, de savoir pourquoi tes réactions étaient toujours aussi violentes. Tu me blessais intérieurement, créais une gène indéfinissable. Alors le reste du temps, quand je ne te voyais pas, je t'imaginais autrement, normale. Mais après tout, c'est quoi la normalité ? C'est vrai, tu m'as toujours fait faire mes devoirs avec assiduité, tu as fêté chacun de mes anniversaires, et je peux encore sentir l'odeur des repas que tu préparais dans la cuisine de l'appartement. Alors est-ce que cela fait de moi une mauvaise fille que de dire que tu ne me manques pas ? De dire que ta présence m'effrayait à la fin, parce que je ne savais jamais quelles seraient tes humeurs, tes idées, ou bien tes pensées ? Tu étais bi-polaire, jamais contente, presque oppressante. Je me souviens d'avoir recherché partout la présence d'une maman pendant mes années collège. Dans la file d'attente des magasins, avec mamie, je souhaitais toujours que les autres pensent qu'elle était ma mère, que j'avais une mère "saine". Ce mot, utilisé comme ça, est horrible, j'en ai bien conscience. Mais c'est exactement ça : tu n'étais pas saine maman. Je me souviens encore de ce jour de mois d'août : je devais avoir 12 ans, je préparais ma rentrée en sixième et j'étais venue passée les vacances d'été chez ton copain de l'époque. Et un matin, sans vraie raison, tu m'as criée que je n'aimais ni toi, ni Allaan, et que je ferais mieux de partir. Tu m'as tendu une carte téléphonique, et j'ai couru comme jamais pour atteindre la cabine téléphonique la plus proche. J'étais paniquée ; et je crois que je le suis toujours aujourd'hui. Peut-être que finalement tu ne manques pas parce que je fais en sorte que ça ne me touche pas. Peut-être qu'aussi dur que c'est de l'écrire, ma vie sans toi est certainement plus simple que ma vie avec toi.
Et sûrement que, quelque part, le plus beau cadeau que tu m'as fait, c'est de me laisser grandir sans toi.

Beautiful MistakesWhere stories live. Discover now