Becoming Belonging || IronDad

1.

Il était vraiment, vraiment fatigué, se rendit soudainement compte Peter. Combien de temps était passé depuis qu'il avait quitté la maison, ce matin ? Cinq ans, c'était long, sans dormir. Ou manger. Peter était affamé, mais il n'arrivait pas à vouloir manger, autant qu'il n'arrivait pas à vouloir parler.

D'une manière ou d'une autre, il se retrouva dans une maison, avec May. C'était situé au bord d'un lac, et il y avait des tas de photos de Tony et Pepper avec leur fille. Sur certaines d'entre elles, il y avait même Happy et May.

Peter était heureux que Tony et Pepper aient pris soin de May. C'était vraiment gentil de leur part.

Happy était là, lui aussi. Il enlaça Peter – il l'enlaça – et puis, il présenta Peter à Morgan.

Cette partie-là, Peter s'en souvenait distinctement. Il se rappelait d'avoir regardé Morgan Stark et ressenti – avec une honte immédiate – une extrême et une terrible jalousie à propos du fait que Morgan avait passé ces années avec Tony, et pas Peter.

- Tony va être tellement furieux d'avoir manqué ça, dit Happy, semblant ému.

Il filmait la scène avec son téléphone, et Peter se demanda ce qu'Happy voulait qu'il fasse.

Morgan avait l'air de se demander la même chose. Son visage était sérieux et méfiant. Peter ne pensait pas que quiconque lui ait dit que Tony était gravement blessé, mais elle était assurément assez intelligente pour savoir que quelque chose s'était passé.

- Je m'appelle Peter, dit Peter, sa voix rendue rauque par la désuétude.

- Je m'appelle Morgan, répondit-elle. Tu es Spider-Man.

Peter la regarda.

- Qui te l'a dit ?

- Mon papa.

Sur ce, Morgan se retourna et quitta la pièce – quitta la maison, en fait, descendant la colline jusqu'à une petite tente.

Happy avait baissé la main qui tenait son téléphone.

- Parfois il lui faut un moment pour s'habituer à une personne, dit Happy, comme pour rassurer Peter. Et ces derniers jours ont été difficiles. Mais c'est vraiment une enfant géniale.

- Ouais, dit Peter en regardant par la fenêtre.

Morgan venait de disparaître dans sa tente.

Peter ne dit pas un mot pendant les deux jours qui suivirent.

**

- A quel point faut-il qu'on s'inquiète ?

- Il a déjà agi comme ça, avant, quand ses parents sont morts. Il n'a pas parlé pendant des mois.

Peter observa le plafond, écoutant les chuchotements de May et Pepper, leurs voix inquiètes. Elles étaient dans la cuisine, assez loin de sa chambre mansardée à l'étage pour qu'elles croient qu'il ne les entendrait pas.

Ce n'était pas qu'il ne pouvait pas parler. C'était qu'il y avait trop de choses dans sa tête en même temps, et c'était comme si les mots étaient coincés dans sa gorge. De quoi devrait-il parler, après tout ? De Titan ? Du fait qu'il avait entendu le cœur de Tony s'arrêter ? Ou peut-être que le fait d'avoir été éclipsé pendant cinq ans avait révélé à quel point la place de Peter dans l'Univers était fragile ?

Tony avait un enfant. Un enfant drôle, intelligent, qui n'avait pas de pouvoirs importuns, ou une montagne de bagage émotionnel qu'il trainait derrière lui. Un enfant qui était moitié lui et moitié Pepper. Un enfant qui avait sincèrement l'air de ne pas du tout apprécier Peter.

(Tout le monde était déçu de cela. Personne n'avait rien dit, mais il avait fallu six interactions complètement ratées entre Peter et Morgan, à Happy et Pepper, pour qu'ils arrêtent finalement d'essayer de filmer ça sur leurs téléphones pour le montrer à Tony. Quel que soit le chaleureux moment qu'ils espéraient tant, cela n'arriverait jamais.)

May, pendant ce temps... avait Happy.

C'était une des choses dont Peter ne se rappelait pas. Il ne se rappelait pas que May lui ait dit à propos d'elle et Happy, mais il était au courant, d'une certaine manière, alors elle avait dû lui dire.

Peter supposa que ça aurait pu être pire. May aurait pu être avec quelqu'un qui ne le connaissait pas du tout. Happy le connaissait, lui, et savait qu'il était Spider-Man, et Peter l'appréciait. Mais ça ne changeait rien au fait que la présence d'Happy changeait... tout. Depuis que Ben était mort, Peter avait pris l'habitude à ce que les choses aillent d'une certaine manière, avec May. Elle veillait sur lui comme elle l'avait toujours fait, mais il veillait sur elle, lui aussi. Il prenait soin d'elle quand elle se sentait mal, et il s'occupait de la plupart des courses. Il savait toujours quand Ben manquait à May, et il faisait de son mieux pour être là pour elle.

Maintenant – et bien, Peter savait que ce n'était pas correct de dire que Ben ne manquait plus à May, mais elle n'avait plus besoin de faire son deuil. Elle laissait Peter derrière, en quelque sorte, sur ce point-là. Happy faisait toutes les courses et la cuisine, d'aussi loin que pouvait le dire Peter. Tous les deux s'assortaient bien, presque aussi bien que May et Ben. Peter savait qu'Happy était heureux qu'il soit en vie et tout ça, mais il n'était pas sûr qu'il soit aussi heureux d'avoir Peter avec eux, accaparant le temps et l'attention de May. Happy l'appréciait, en quelque sorte, mais ils n'avaient pas la relation chaleureuse qu'avaient Peter et Tony. Peter ne pouvait s'empêcher de penser qu'Happy préférait les choses telles qu'elles étaient avant. Tout comme May.

L'essentiel était que May n'avait plus besoin de Peter, plus comme avant. Au cours de la deuxième semaine, Peter se rendit compte que plus personne n'avait besoin de Peter.

Il pensa à la façon dont les blessures s'étaient refermées. Même les personnes n'ayant pas été mordues par une araignée radioactive finissaient par guérir. Parfois les blessures laissaient une cicatrice, mais elles ne saignaient pas pour toujours.

Tony et May ne pouvaient pas faire leur deuil pour toujours. Peter le savait. Il ne l'aurait pas voulu, tout comme il savait que Ben n'aurait pas voulu que Peter se sente comme ça pour toujours. Mais le savoir et le ressentir étaient deux choses différentes. Le savoir n'empêchait pas Peter de se sentir laissé pour compte, perdu, à la dérive, abandonné.

Mais il était hors de question que Peter dise tout ça. Alors cela resta bloqué dans sa tête et les mots restèrent bloqués dans sa gorge, pendant presque deux semaines après qu'il soit revenu.

Et puis, Tony se réveilla.