2. Sortie entre filles ~ Alexandra (version éditée)

Start from the beginning
                                    

— Et si nous allions plutôt au Hot Strass ?

Excepté Cécile, nous habitons toutes en périphérie d'Aix-en-Provence. Marion réside au hameau des Granettes, pas très loin de chez moi et le Hot Strass est vraiment tout près. On ne perdra guère de temps en trajet, ce qui me permettra de vite rentrer chez moi, une fois mes copines ramenées chez elles.

— Je suis partante, lance Solène. En plus ce soir c'est une soirée années quatre-vingt-dix, donc bonne musique assurée.

Il est vrai que nos goûts musicaux sont un peu « rétro ». Les musiques parlées, le rap et les sons trop synthétiques, ce n'est pas vraiment notre truc. Nous préférons les bons groupes de rock, de pop avec pas mal de batterie, de guitare électrique et de basse.

Ma proposition remportant tous les suffrages, nous levons le camp. Avant de partir, Marion et Camille nous coincent, Solène et moi, sur le canapé pour une retouche maquillage. Enfin, je devrais peut-être dire une séance de maquillage tout court, vu que nous avions l'une et l'autre le visage vierge de tout fard en arrivant. Je dois me montrer ferme pour contrer les velléités artistiques de Camille. Je veux bien lui faire plaisir, accepter un soupçon de rouge à lèvres et une ombre sur les paupières, mais je refuse le ravalement de façade complet ! Je déteste le fond de teint, j'ai l'impression d'avoir du plâtre sur la figure ! Je tolère à peine l'anticernes et la poudre, alors avant de parvenir à me badigeonner avec un de ces trucs marronnasses et gluants, elle peut s'accrocher aux branches ! Heureusement, elle comprend très vite à mon expression et mon regard réfrigérant qu'il ne vaut mieux pas insister. Elle se borne donc à me mettre un peu de rouge et d'eye-liner.

La séance de torture terminée pour Solène et moi, nous quittons l'appartement de Marion pour nous entasser dans ma petite Polo et roulez jeunesse !

Arrivées au Hot Strass, nous faisons la queue comme tout le monde, mais heureusement pas longtemps parce qu'il fait un peu frisquet en ce début de mois de novembre. Une fois dans le club, nous nous empressons de laisser nos affaires au vestiaire et nous pénétrons dans la grande salle. Le contraste avec l'extérieur est saisissant. Ce sont d'abord nos tympans qui sont agressés. Le son des basses qui pulsent à pleine puissance dès que la porte s'ouvre est un premier choc quand on vient de patienter pendant de longues minutes dans le silence de la campagne aixoise. Dès que l'on pénètre dans le club et que les oreilles se sont un peu acclimatées, c'est au tour des yeux de subir une nouvelle agression. Les lumières stroboscopiques et la lumière noire font violemment réagir les rétines. L'atmosphère est presque étouffante et cette impression est renforcée par les volutes de fumée qui s'échappent à intervalles réguliers de deux grosses boîtes sous l'estrade du DJ. Nous cherchons tout d'abord une table libre et nous nous installons, le temps de détailler un peu l'assistance et de nous mettre dans l'ambiance. Marion et Camille sont les premières à se lancer sur la piste de danse. Nous les regardons se trémousser tout en papotant. Au bout d'une dizaine de minutes, lassée de battre le rythme avec mon pied, je décide de me joindre à elles. Quelques chansons plus tard, Cécile et Solène m'entourent et nous dansons toutes ensemble. Au bout d'un moment, à la faveur d'un changement de style musical, nous regagnons notre table pour souffler un peu et Marion s'empresse d'aller nous chercher à boire : cocktails pour elle et Camille, bière pour Solène, soda pour moi.

En discothèque, nous avons une règle d'or : ne jamais laisser nos consos sans surveillance. Aix est une ville réputée « branchée » à cause de la population étudiante très élevée, mais elle a aussi une image de ville bourgeoise et le mélange fric plus étudiants attire les dealers. Depuis qu'il y a eu des cas de jeunes femmes abusées après avoir été droguées, nous sommes encore plus vigilantes.

Même si nous ne sommes pas le stéréotype des proies jeunes et naïves qui attirent ce genre de salopards, nous sommes prudentes dans tous les domaines. Si l'une de nous — enfin, je devrais plutôt dire si Camille ou Marion, parce que ce n'est vraiment pas notre genre à Solène et moi — décide de partir avec un gars pour finir la soirée ailleurs, nous avons pour règle d'avertir de l'endroit où nous nous rendons. Nous nous efforçons toujours de présenter le mec avant de partir ou trouvons le moyen de prendre le rencart en photo le plus discrètement possible. Mieux encore... l'une de nous suit la copine jusque sur le parking pour photographier sa voiture avec la plaque d'immatriculation.

Ce soir la musique est sympa, mais aucun gars n'a tapé dans l'œil de nos deux séductrices alors elles restent sages. À 2 h du matin, épuisée de ma semaine, j'arrive à faire décoller mes copines et nous quittons le Hot Strass sans compagnie masculine et sans qu'elles soient trop alcoolisées.

Dans la voiture, tandis que je reconduis les filles chez Marion, je me rappelle soudain avoir omis de leur annoncer quelque chose. Un truc super important, qui va me valoir cris et embrassades à n'en plus finir de la part de Camille, car elle y fait allusion chaque année. Je préfère attendre que nous soyons arrivées sur le parking de la résidence de Marion pour lâcher la bombe. Il ne faudrait pas que Camille provoque un accident en me sautant dessus alors que je conduis !

— Au fait les filles, j'ai oublié de vous prévenir... Réservez votre week-end de la fin du mois.

— Pourquoi ? interroge Solène, son intérêt soudain éveillé.

— Tu veux qu'on parte quelque part ? demande Marion étonnée.

— Non. Mais on va danser une bonne partie de la nuit et vous allez être crevées le dimanche, donc ne prévoyez rien pour ce jour-là.

— Tu nous prends pour qui ? On a l'habitude, qu'est-ce que tu crois ! C'est toi la petite nature qui est à ramasser à la cuillère le lendemain, se moque Camille.

— Sauf que, là, ça va être une soirée très spéciale.

Solène a vu mon petit sourire en coin dans le rétroviseur. Comprenant qu'il y a anguille sous roche, elle commence à s'impatienter.

— Crache le morceau ! m'ordonne-t-elle.

— Mon père m'a offert des places pour une soirée. Et il y en a pour vous aussi.

Aussitôt, Camille se met à ronchonner.

— Pfff ah non ! Je parie que ça va être un truc de papi encore ! Désolée de te le dire, ma bichette, mais ton paternel a des idées un peu rétrogrades. S'il t'a offert des places, à tous les coups ça va être un truc de danses de salon.

— Hum... donc j'en déduis que tu ne veux pas venir au Bal du Bapt's avec moi alors ? je continue avec un sourire innocent.

La réaction ne se fait pas attendre. Camille se redresse comme un ressort et l'habitacle résonne des piaillements aigus de ma copine.

— Hiiiiiiiiiiiii ! Le Bal du Bapt's ? Le Bal du Bapt's des Gadz'Arts ? Sérieux ?

Je me tourne vers elle et hoche la tête avec un grand sourire. Aussitôt Camille se jette sur moi et m'étrangle presque, tellement elle me serre fort le cou en me plaquant contre le siège conducteur.

— Oh tu sais que je t'aime, toi ? Si tu n'étais pas déjà ma meilleure amie, tu le deviendrais sur-le-champ !

— Ah OK, c'est sympa pour nous, commente Solène les yeux rieurs.

— Ouais, t'es presque pas intéressée sur ce coup-là, ronchonne Marion.

— Non, mais tu ne te rends pas compte ! Le Bal du Bapt's des Gadz'Arts ! C'est THE événement à ne pas manquer à Aix ! s'extasie Camille.

C'est donc les yeux pleins d'étoiles que mes copines quittent ma voiture et, le sourire aux lèvres, je rentre chez moi, sachant pertinemment qu'elles vont me saouler dans les semaines à venir, totalement obnubilées par les préparatifs.

********** Notes bas de page **********

À Aix-en-Provence , les élèves de l'École Nationale Supérieure des Arts et Métiers organisent trois Galas par an dans l'école. Le Bal du Bapt's suit la cérémonie du baptême des nouveaux Gadz'Arts en novembre ; ensuite, le Bal des 508, qui célébrait à l'origine la mi-parcours de la formation des élèves à l'école ; enfin, la Nuit des 100 Jours (100 jours avant la remise des diplômes) qui accueille au mois de mai pas loin de 5 000 personnes.

Gadz'Arts : nom donné aux élèves de l'École Nationale Supérieure des Arts et Métiers.

Mach 2 : une fille dans le viseur T1 (Édité Chez Amazon)Where stories live. Discover now