Lieutenant Leslie

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Une fois sorti, je me précipite vers Blake qui range dans son uniforme les provisions qui viennent de nous être données. Tandis qu'il s'y affaire, je lui demande, en commençant à ranger les miennes :

- Blake, si on en parlait deux minutes ?

- Pourquoi ?

Après ce simple mot, il part en courant dans la continuité de la tranchée. Je le regarde s'enfuir, je soupire et redresse mon sac sur mes épaules avant d'accélérer le pas pour le retrouver. Les tranchées sont si étroites que je dois me déplacer sur le côté quand je croise un autre soldat. Rapidement, j'arrive à une intersection. Droite ou gauche ? Je regarde le nom de l'allée et me dirige vers la droite en pressant le pas pour retrouver Blake.

- Blake !

Je le vois, juste devant. Il a ralenti le pas mais je suis encore distancé. Je me mets à courir au milieu des soldats, assis par terre de chaque côté de la tranchée, se partageant un peu de nourriture ou concentrés sur des lettres. Je positionne mon fusil sur mon épaule et le rattrape finalement, essoufflé.

- Faut qu'on y réfléchisse !

- C'est tout réfléchi. C'est mon grand frère.

Il avance sans m'accorder la moindre importance. Je marche derrière lui.

- On pourrait au moins attendre qu'il fasse nuit.

- Erinmore a dit de partir maintenant.

- Erinmore a jamais vu le No Man's Land. On ne fera pas dix mètres. Si on attend seulement..

Mais Blake me coupe ne me laissant pas le temps de finir ma phrase :

- Tu as entendu comme moi. Il a dit qu'il n'y avait plus de Boches !

- C'est pour ça qu'on nous a donné des grenades ?

Nous avançons péniblement. Des groupes de soldats nous bloquent le chemin, nous devons nous frayer un chemin dans toute cette "foule". Blake s'en dégage finalement et accélère de nouveau. Je fonce dans un soldat et me retrouve plaqué sur un bord de tranchée. Lui est tombé. Il se met à râler pendant que je l'aide à se relever :

- Eh, regarde où tu vas !

Je ne lui réponds pas et suis Blake du regard qui ne cesse d'avancer. Il jette un regard à sa montre. Il doit sûrement être stressé mais aussi inquiet. Je le comprends mais personnellement, je tiens plus à ma vie qu'à celle de son grand frère et des 1600 autres hommes. J'ai une famille moi aussi et je ne compte pas les laisser seuls, les laisser vivre sans moi. Je reprends alors ma course pour le rattraper :

- Tout ce que je demande c'est qu'on attende.

- Et ouais, tu peux dire ça toi. C'est pas ton frère hein.

Je sens que je l'ai irrité. Il lâche un soupir de détermination et regarde droit devant lui, les sourcils froncés. Je prends son bras pour le retourner légèrement vers moi.

- Ecoute, la dernière fois qu'on m'a dit qu'il y avait plus d'allemands, ça s'est mal terminé.

Je ne sais pas si Blake perçoit l'inquiétude et l'angoisse dans ma voix mais son avis reste fixe. Je pense que j'aurais beau tout essayer, tout tenter, rien n'y changera. Je m'emporte un peu :

- Tu peux pas savoir, tu y étais pas !

Il m'ignore totalement. Il sait qu'il que j'ai raison. Il le sait. Mais il ne veut pas se l'avouer. Parce que si j'ai raison, lui non. Et il veut avoir raison.
Voilà de nouveau une horde de soldats qui bloque la tranchée. Blake prononce bien fort :

1917Where stories live. Discover now