Prologue

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|Prologue|
La vie nous est donnée... et nous est reprise.

  La chambre d'hôpital était triste, impersonnelle et étouffante. Je n'entendais rien d'autre que le bruit de l'électrocardiogramme qui bippait bruyamment et la respiration sifflante et difficile du vieillard qui dormait dans le lit aux draps grisâtres.
  Dans quelques instants, Raymond Puzieux allait s'éteindre dans son sommeil. À l'autre bout de la pièce, prenant une distance raisonnable, je le contemplai en penchant la tête sur le côté. J'aimais bien les morts calmes et indolores qui arrivaient après une belle et longue vie. Raymond était chanceux.
  — J'ai l'air fatigué, constata une voix enrouée.
  L'électrocardiogramme afficha alors une longue ligne verte et se mit à produire une longue alarme aiguë. Le vieillard regardait son corps, l'air vaguement intrigué.
  — Bonjour, Raymond, saluai-je le vieil homme.
  Il ressemblait à un homme comme j'en voyais des centaines par an. Les mains fripées, le visage strié de profondes rides et le crâne dégarni, couvert de tâche de vieillesse. Cependant, comme tous les défunts, son apparence en tant que spectre avait meilleure mine que le corps qu'il laissait derrière lui. Certes, il conservait son apparence de personne âgée et sa voix chevrotante, mais il se tenait droit, ne souffrait plus d'arthrose et sa surdité l'avait quittée. Alors qu'une infirmière et une aide-soignante surgissaient dans la salle, alertée, Raymond tourna la tête vers moi.
  — Qui êtes vous ? demanda-t-il.
  — Je m'appelle Élise. Vous n'avez pas à avoir peur. Je suis là pour vous guider.
Raymond écarquilla les yeux lorsque l'aide-soignante passa au travers de mon corps en faisant le tour du lit.
  — Elles ne peuvent pas nous voir, ni nous sentir, lui expliquai-je. Nous ne faisons plus parti du même monde qu'elles.
  — Parce que je suis mort...
  Je hochait la tête :
  — Oui, vous l'êtes...
  — Et qui vous êtes, vous ? Un ange ?
  Me cachant derrière mon sourire angélique, je me retins de rire. On me faisait très souvent la remarque. Sûrement à cause de ce à quoi je ressemblais. Les êtres comme moi pouvaient modifier leur apparence à volonté, si bien que j'avais décidé d'apparaître aux défunts sous la forme d'une belle femme blonde à l'air doux, aux yeux de biche et à la peau de lait. Et, forcément, en me voyant sous ce masque, parfaite et apaisante, on me prenait pour un séraphin.
  — Non, je ne suis pas un ange, Raymond. Mais c'est tout comme.
  J'évitais de dire que j'étais une Faucheuse. La plus part du temps, le dire effrayait plus les morts qu'autre chose. D'ailleurs, il ne tarderait pas à me poser des questions sur un paradis. Ce qu'il fit.
  — Je... euh... J'y ai jamais cru à cette histoire, dit Raymond, mal à l'aise. Mais... euh... C'est vrai ?
  — Qu'est-ce qui est vrai ? demandai-je innocemment.
  — Cette histoire de paradis, d'enfer et tout le tintouin ?
  Avec un sourire indulgent, je secouai la tête de gauche à droite.
  — La mort est bien des mystères, et elle ne peut se résumer simplement en un paradis et un enfer.
  Je tendis la main, intimant à Raymond de la prendre d'un signe de tête, tandis qu'à côté, dans le monde des vivants, les deux membres du personnel hospitalier cessèrent leur massage cardiaque sans pour autant que le coeur de leur patient ne soit repartit.
  — Venez, Raymond. Votre aventure sur terre est finie.
  Il en est bien des fantômes qui protestent et ne veulent pas me croire. Mais Raymond, bien qu'abasourdi, constatait que j'avais raison et semblait accepter facilement son décès. Il avait longuement vécu et le moment était venu de partir.
  — Mes enfants ne seront pas tristes sans moi ?
  Ses enfants adultes avaient largement eu le temps de refaire leur vie de leur côté pour que leur père ne soit plus le socle de leur monde.
  — Ils feront leur deuil, je vous l'assure. Prenez la main.
  Raymond obtempéra en jetant un dernier regard à sa dépouille. Et je le menai avec moi dans le monde suivant. Pour moi, c'était une étendue blanche et infinie, mais chaque défunt y voyait son propre paradis. C'était le point de départ de son voyage vers Plus Loin, et moi, je le quittai là, retournant sur terre pour guider une nouvelle âme.
  Voilà comment se passaient la plupart de mes journées.
  De retour devant l'hôpital de Raymond, toujours invisible au regard des vivants, je sortis ma liste de ma poche. C'était une petite feuille de papier jaunie pliée en quatre sur lequel s'inscrivait le nom, prénom, l'âge, la date et la cause du décès de chaque mort que je devais aller visiter. Sous mes yeux s'effaça lentement le nom de Raymond. Plus on avançait dans le temps, plus les personnes que je visitais étaient âgées.

  Cependant, je constatai avec tristesse un nom qui changeait de mon quotidien. Un âge, surtout : Alexis Luna - 15 ans - 14 Avril - Commotion cérébrale des suites d'un accident de voiture. Je décidai par curiosité d'aller rendre visite à ce vivant, qui devait périr dans trois jours.

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⏰ Letzte Aktualisierung: Jan 09, 2020 ⏰

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Le sourire de la fauxWo Geschichten leben. Entdecke jetzt